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'ANNE'E J. C.

671.

firmités de

DE

l'ignorance fur le tems fixe où il floriffoit.

Cependant Récéfuinthe étoit déja d'un âge très-avancé & étoit accablé d'infirmités confidérables, qui annonçoient Le grand qu'il n'avoit plus que peu de tems à vivre. Son état fit naître Age & les in- quelques inquiétudes aux Grands du Roïaume, dont les uns Récéfuinthe, uniquement occupés du bien de la Monarchie, s'appliquecaufent en Ef rent à confidérer, qui pourroit lui fuccéder dignement dans gne quelques la Couronne, & les autres guidés par leur ambition, à faire des cabales, & à difpofer leurs Partisans à les élever fur le Trône. Ces difpofitions différentes cauferent une division secrette parmi les efprits, ainfi que l'on peut en juger par les événemens de l'année fuivante.

altérations fe

crettes.

672. Mort de ce Prince.

Wamba élu

Récéfuinthe fentant que fes infirmités ne diminuoient point, réfolut de changer d'air, pour voir s'il ne pourroit point un peu fe rétablir. Il alla pour cet effet à Gerticos Place de fon Patrimoine, à ce qu'il paroît, & du Territoire de de Salamanque, à cent vingt-milles ou à quarante lieuës de Toléde. C'eft ainfi que l'écrit Saint Julien Métropolitain de Toléde, & qu'on le voit dans la Copie que Morales a tirée du Manufcrit d'Oviedo, & dans le Manufcrit de l'Eglife de Toléde; d'où il fuit que quelques-uns ont tort de prétendre qu'il eft mort fur les Terres de Palence. Le Roi Dom AlfonJe le Grand dit, que cette Ville étoit dans les Montagnes de Coria, dont le Diocèfe confinoit avec celui de Salamanque, parce que Gerticos étoit de ces côtés-là. Le Roi Récéfuinthe y mourut le premier jour de Septembre * & fon Corps y fut enterré avec toute la pompe que la petiteffe du lieu permettoit.

Après que l'on eut achevé les Obféques, les Palatins qui Roi des Gots. avoient accompagné Récéfuinthe, s'affemblerent pour délibérer fur le choix de celui que l'on devoit charger du poids de la Monarchie. Il y avoit parmi eux Wamba, Homme re

*Ce même jour de l'année 672. est auffi défigné par Mariana, pour être celui de la mort de ce Prince. Quoiqu'on puiffe encore ici reprocher à cet Hiftorien d'avoir diminué d'un mois le Régne de Récéfuinthe, en difant que ce Moparque tint le Trône 23. ans 6. mois & onze jours, puifqu'il commença en Janvier ; il femble que l'on doit avoir pour lui quelque indulgence, en confidération de l'aveu tacite qu'il fait de fon erreur

fur l'année de l'élection de ce même
Prince,en convenant,après avoir marqué
la durée de fon Régne, qu'il mourut en
672. parce que, pour trouver le même
nombre d'années & de mois, il faut né-
ceffairement que Récéfuinthe ait été re-
connu Roi en 649. & non - pas en 648.
comme Mariana l'a avancé : autrement il
fe trouveroit 24. ans de Régne au lieu
de 23.

commendable

ERE D'ES

PAGNE.

709.

7108

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commendable par fa naissance, par fon âge, par fa pruden-
ce, par fon intégrité, par fa valeur, & par les Poftes qu'il
occupoit. Tant de belles qualités firent que tous les autres
Electeurs d'un commun accord, jetterent les yeux fur lui
& le proclamerent Roi. Wamba prévoïant les dangers qu'il
y avoit d'accepter la Couronne, à caufe du nombre de per-
fonnes qui y afpiroient, & confidérant que chargé d'années,
il devoit plûtôt penferà prendre du repos, qu'à entrer dans
de nouveaux embarras, refufa le Sceptre avec générosité.
Les Palatins fe jetterent alors à fes pieds, & le prierent la
larme à l'œil de fe laiffer vaincre par le befoin de l'Etat,
qui demandoit que le Sceptre fût entre les mains d'un hom-
me tel que lui. Mais quoique leurs inftances furent vives &
répétées, fa résistance fut fi opiniâtre, qu'un des Electeurs
aïant tiré fon épée, le ménaça de le précipiter au tombeau dans
le moment, s'il perfiftoit à ne pas vouloir monter fur le
Trône, où fon mérite, fon élection & l'intérêt public l'éle-
voient; parce que, quiconque s'obstine, lui dit-il, à ne pas
contribuer au bien de l'Etat, eft autant ennemi de la Monar-
chie, que celui qui cherche à lui nuire. Wamba perfuadé
que ce mouvement ne partoit que d'un zéle ardent pour le
bien public, fe rendit enfin à leurs défirs, fous condition
toutefois que
fa proclamation fe feroit à la Cour, après
que tous ceux qui y étoient, auroient approuvé fon élection.
Tous ceux qui étoient préfens, confentirent à cette clause
ne doutant point que le choix qu'ils avoient fait de cet illuf-
tre Perfonnage, ne fût univerfellement applaudi. En effet,
dès que la nouvelle de fon élection fe fut répandue, tout le
monde en témoigna fa joie,parce que l'on connoiffoit fes
grandes vertus & fes belles qualités. Il n'eft pas facile de déci-
der ce qui eft dans cet événement le plus digne d'admiration,
ou de la résistance de Wamba, ou des inftances des Palatins:
tout ce que l'on peut dire, eft que ces deux exemples font
rares & dignes d'être gravés dans la mémoire.

à

Wamba aïant donc accepté le Sceptre, partit pour Toléde, accompagné des Palatins, & reçut par tout où il paffa des preuves convaincantes de la joie univerfelle. Arrivé Toléde le 19. de Septembre, il y fut oint folemnellement dans l'Eglife des Apôtres Saint Pierre & Saint Paul par Quirice Métropolitain de cette Ville, prêtant le ferment. ordinaire de maintenir la Foi Catholique, d'observer les Tome II.

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ANNE'E
J. C.

672

673. Troubles

DE

dans la Na

les Afturies.

Loix du Roïaume, & de veiller avec foin au bien de la Mo-
narchie. Dans le tems de la cérémonie de fon Sacre, Dieu
fi. connoître combien fon élection lui étoit agréable, par un
prodige fingulier qui caufa_beaucoup d'étonnement & de
fatisfaction à tout le monde. Pendant que Quirice lui versoit
l'Huile fur la tête, il en exhala une vapeur femblable à celle
d'une pastille odoriférente jettée dans un brafier, & l'on en
vit fortir au milieu, une Abeille qui s'éleva jufqu'à perte de
vûe. Préfage heureux de ce qui devoit arriver dans fon
Régne (A) i

Les Vafcons d'Espagne, qui font les Navarrois, prirent les Armes & firent une révolte confidérable, fans qu'il m'ait varre & dans été poffible d'en découvrir le motif, quoiqu'il paroiffe que ce fut à l'occafion des Impôts. Sur cette nouvelle Wamba, qui fçavoit, que plus on retarde à appaifer ces défordres, plus ils prennent racine, & plus ils font difficiles à étouffer, ordonna de faire au plûtôt défiler toutes fes Troupes vers la Navarre, où il fe mit à leur tête.

Hildéric fe révolte contre le Roi dans

bonnoife.

A l'exemple des Vafcons, les Afturiens s'étoient auffi fou levés pour le même fujet. Hildéric Comte de Nîmes dans la Gaule Nar la Gaule Narbonnoife, informé de tous ces troubles, fe perfuada qu'il lui feroit facile de se rendre maître de la Province & indépendant. Il communiqua fa penfée à Gumilde Evêque de Maguelone & à Ranimire Abbé d'un Monaftére voifin, & ceux-ci animés par les vaines efpérances, dont chacun d'eux fe flattoit, le fortifierent dans fon deffein. La résolution de fecouer le joug de Wamba étant donc prise, Hildéric fit en forte de corrompre toutes les Troupes en garnifon dans la Province, ce qui ne lui fut pas difficile ; il leva auffi du monde chez les Francs, qui fe donnoient pour lors entre eux beaucoup d'occupation, comme le marquent les Historiens de France; mais l'on ne fçait, fi ce fut en vertu de quelques Traités avec leurs Rois ou avec les premiers Officiers de leurs Couronnes. Il follicita encore à la révolte Aréges Evêque de la même Ville de Nîmes, mais ne pouvant pas l'y attirer, il le chargea de chaînes, & il l'envoïa fur les Terres des Francs. Enfuite, il fit facrer en fa place pour Evêque l'Abbé Ranimire, complice de fes entreprises,

(A) S. JULIEN de Toléde, dans l'hift. de la conjuration de Paul contre Wamba, & le Roi DON ALFONSE le Grand

dans la Chronique, lefquels ont été fui-
vis par les autres.

ERE D'ES
PAGNE,

710.

715

de forte qu'à fa follicitation, toutes les Villes de la Gaule qui PAGNE appartenoient aux Gots, fe révolterent.

ERE D'ES

711.

Wamba reçut cette nouvelle, à ce qu'il paroît, dans le tems qu'il alloit châtier les Vascons & les Afturiens. Aïant auffi-tôt détaché de fon Armée autant de Troupes qu'il jugea néceffaires pour réprimer l'audace d'Hildéric & de fes Partifans, & pour rétablir le calme, il ordonna à Paul, un de fes Généraux, de les conduire dans la Gaule Narbonnoife contre les Rébelles. Il entra enfuite avec le refte de fon Armée dans les Afturies, où fes Armes jetterent tellement l'effroi, que les Habitans ne tarderent pas à fe pacifier: ce qui le mit en état d'aller en perfonne faire la guerre à Paul, qui fe révolta auffi, comme je vais le raconter.

Paul aïant fous fes ordres de fi bonnes Troupes, commença à méditer fur les moïens d'ufurper la Couronne; de forte que facrifiant à fon ambition la Foi jurée au Prince, il réfolut de travailler à parvenir à la Souveraineté. Pour cet effet, il marcha à petites journées, réfléchiffant toujours fur ce qu'il devoit faire pour réuffir dans fes vûes. Il y avoit pour Duc & pour Gouverneur de la Province de Tarragone Ranofinde, & pour Gardingue *, un nommé Hildégife, avec lefquels Paul étoit étroitement lié d'amitié. Le Traître leur fit part de fon deffein en grand fecret, & les attira facilement à fon parti, en leur donnant de grandes efpérances. Après s'être affûré d'eux, il les engagea à joindre à fes Troupes toutes celles de la Province, fous prétexte qu'il lui falloit plus de monde qu'il n'en avoit pour la commiffion dont il étoit chargé. Il paffa enfuite les Pyrénées, dans la résolution de s'emparer de Narbonne, Métropole de la Province des Gaules où elle eft fituée, avant que de fe révolter ouverte

ment.

Malgré tous les foins qu'il prit, fon complot ne put pas être tenu fi fecret, qu'il ne tranfpirât, & qu'il ne vint à la connoiffance d'Argébaud, qui occupoit le Siége de Narbon

*Officiers confidérables chez les Gots. I Voffius croit que les Gardingues étoient Capitaines des Châteaux où le Roi logeoit. Garcias Loayfa fait entendre que c'étoit une grande charge, ce que l'on n'a pas de peine à croire, puifque les Gardingues devoient affifter, & avoir part avec les Evêques & les Grands au

jugement des affaires qui regardoient
les Palatins ou les Evêques, fuivant le
deuxième Canon du Concile XIII. de
Toléde. De plus on obfervera encore,
qu'ils étoient appellés avec les Evêques,
quand il falloit faire des Loix, & que le
Gardingue eft nommé dans les Loix,
après les Ducs & les Comtes.

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ne; c'est pourquoi, celui-ci voulut lui fermer les Portes de la ANNE'E DE Ville; mais Paul en aïant été averti, doubla fa marche, &

J. C.

$73.

entra dans Narbonne fans résistance. Paul, après avoir fait
à Argébaud une réprimande févére fur ce qu'il n'avoit point
envie de le recevoir dans la Ville, y mit une bonne Garni-
fon. Jugeant alors qu'il étoit tems de faire éclater fon infâ-
me trahifon, il gagna les principaux Officiers des Troupes,
avec lesquels il prit les arrangemens qu'il jugea à propos.
Tout étant donc bien concerté, un jour qu'il faifoit la revûe
générale de fon Armée, il commença à vomir à haute voix
mille calomnies contre Wamba, difant qu'à caufe de toutes
fes mauvaises qualités, il ne pouvoit le reconnoître pour Roi.
Il ajoûta enfuite, en s'adreffant aux Troupes, qu'elles pou-
voient faire le choix d'une perfonne digne de porter la Cou-
ronne des Gots, puifqu'elles avoient les Armes pour main-
tenir leur élection. Ranofinde prenant auffi-tôt la parole, ré-
pondit, que l'Armée ne devoit reconnoître pour Roi que le
même Paul, & non aucun autre. Tous les autres Officiers
en dirent autant, & leurs Suffrages entraînerent ceux de
tous les Soldats. Paul charmé d'être parvenu à fes fins, prit fur
le champ le Tître de Roi, & fit prêter à tous le ferment de
fidélité. Prévoïant toutefois qu'il auroit bien-tôt fur les bras
Wamba & les autres Gots, il tâcha de mettre dans fon par-
ti Hildéric, l'Evêque Gumilde & Ranimire le nouvel Évê-
que de Nîmes, lefquels ne tarderent pas de fe joindre à lui.
Il fit de concert avec eux de nouvelles levées de Troupes
fur les Terres des Francs, & dans le Païs appellé aujour-
d'hui la Gascogne, il fe ligua avec les Rois Francs, &
il attira dans fes intérêts une grande partie de ce qui compo-
fe préfentement la Catalogne, envoïant quelques Corps
d'Armée pour furprendre les Villes fituées au pied des Py-
rénées & pour garder les Gorges de ces Montagnes.

Wamba étoit en Cantabrie pour achever d'appaifer le fouLes Navar- levement des Navarrois & des Afturiens, lorfqu'il eut avis zois & les Af- de cet attentat. Quoique fa valeur, fa grande expérience, & és par Wam- fon âge l'exemptaffent d'avoir befoin de confeils, il affem

turiens dom

ba.

bla néanmoins les Principaux Seigneurs qui étoient avec lui,
pour délibérer s'il étoit à propos de différer le châtiment du
Tyran, jufqu'à ce que l'on eut une plus forte Armée, ou
s'il falloit aller promptement avec celle qu'il avoit, faire la
guerre à cet Audacieux. Les avis furent partagés, & Wamba,

ERE D'E

PAGNE

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