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ERE D'ES-
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après avoir recueilli les voix, déclara qu'il étoit réfolu de
laiffer au Tyran le tems de trop fe fortifier, &
ne pas
pour marcher contre lui avec plus de sûreté, il vouloit
domter & pacifier au plûtôt les Navarrois.

que

Le Roi Got commanda en conféquence que tous les Gouverneurs tinffent des Troupes prêtes, & fit publier un Ban, afin que tous ceux qui devoient lui en fournir, fe rendiffent avec leur monde fur les Frontiéres de la Gaule Narbonnoise. Il envoïa ordre en même-tems au Général de fa Flotte de fe mettre en Mer avec tous fes Vaiffeaux bien en état, & de prendre la route de Narbonne. En attendant, il entra dans la Navarre où il mit tout à feu & à fang, défolant tout le Païs. Les Navarrois confternés d'éprouver de fi mauvais traitemens, & fe voïant hors d'état de lui réfifter, lui demanderent humblement pardon de leur égarement, offrant de lui paier les Tribus & de lui donner des Otages pour la fûreté de leur obéïssance. Wamba les regardant comme fes Sujets, usa de clémence avec eux, de forte qu'il eut la fatisfaction d'avoir étouffé cette révolte, fans y avoir emploïé plus de fept jours.

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che vers la

Gaule Nar bonnoife.

Wamba entiérement débarraffé de toutes ces inquiétudes, Le Roi mar avec le fuccès que l'on a vû, s'avança avec fes Troupes vers la Gaule Narbonnoife, prenant fa route par Calahorra & par Huefca. A l'entrée de la Catalogne, il trouva les Compagnies de Troupes qu'il avoit ordonné de s'y rendre, & la Flotte qui navigeoit, en obfervant les mouvemens de l'Ar

mée.

Il alla enfuite avec toute fon Armée fe préfenter devant Ses expédi Barcelone, qui s'étoit révoltée à la follicitation de Rano- tions fur fo finde. Dès qu'il parut, les Habitans lui envoïerent des Dé

putés,
, pour implorer fa clémence & pour lui remettre les
Clefs de la Ville. Wamba marcha enfuite vers Girone
qui en fit autant que Barcelone. Amateur Evêque de cette
Ville, montra au Roi un ordre qu'il avoit de Paul *. Le
Monarque étant arrivé aux Pyrénées, fit reposer fon Ar-
mée pendant trois jours. Afin de pouvoir entrer plus faci-
lement dans la Gaule Narbonnoife, il la divifa en quatre

*

Ferreras ne dit point quel étoit cet ordre. Suivant Mariana, c'étoit une Lettre, dans laquelle Paul mandoit à Eveque, qu'il fe rendroit bien-tôt à

Girone, & lui permettoit de livrer la
Ville à celui des deux Rois qui fe pré-
fenteroit le premier avec fou Armée..

route.

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Corps, dont trois eurent ordre de paffer les Pyrénées, le ANNE'E DE premier par le Puycerdan, le fecond par Vich ou Aufone, & le troifiéme par le chemin Roïal, proche de la Côte : il forma l'arriére-garde avec l'autre, à la tête duquel il étoit. Comme il arrive ordinairement que dans les marches quelques Soldats fe détachent & vont marauder & infulter les filles & les femmes qu'ils rencontrent, il punit sévérement ces excès; perfuadé que l'on ne peut point avoir Dieu propice pour les victoires, quand on fouffre qu'on lui fasse de fi grandes offenfes, & qu'en négligeant de faire obferver aux Soldats la Difcipline Militaire, ils perdent infenfiblement leur vigueur & leur fierté.

Suite de cet

la Province

Les Généraux pafferent les Pyrénées avec leurs Corps d'Armée fans aucun obstacle, & prirent les premiéres Places que les Ennemis avoient le plus fortifiées, pour empêcher l'entrée dans la Province. Ces Villes étoient Colioure, Vulturaria & Caftrolivia, dans lefquelles on trouva beaucoup d'argent; de forte que les Soldats eurent_tout lieu d'être contens. Ils allerent enfuite infulter un Fort, bâti dans un défilé étroit, pour en défendre le paffage, & gardé par Ranofinde & par Hildégise, qui s'y étoient logés avec affez de monde. Malgré la vigoureuse résistance de ceux qui en avoient la garde, ils l'emporterent & ils y firent prifonniers Ranofinde & Hildegife, qu'ils envoïerent au Roi les mains liées derriére le dos. La nouvelle de la difgrace de ces deux Officiers, étant bien-tôt parvenue à la connoiffance de Witimire, qui étoit dans Sardonia avec une bonne Garnison, celui-ci faifi d'effroi, fortit promptement de cette Fortereffe, de crainte d'éprouver un même fort, & s'enfuit à Narbonne, donner avis à Paul de ce qui fe paffoit. Si le Tyran fut étonné de le voir, il le fut bien plus de fon récit, qui l'inquiéta & le chagrina considérablement.

Wamba aïant paffé les Montagnes & fe trouvant dans te guerre dans la Plaine, s'arrêta deux jours pour raffembler toutes fes de Narbonne. Troupes. Lorfque fon Armée fut réunie, il réfolut d'envoïer à l'instant faire le fiége de Narbonne. Ainfi il ordonna à fes quatre Généraux de fe mettre en marche avec les meilleures Troupes, & ne retenant pour la garde de fa perfonne qu'autant de monde qu'il jugea en avoir befoin, il fit embarquer le refte fur fa Flotte. Paul aïant été infor

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mé des intentions du Roi ne fe crut pas en fûreté dans ERE D'ES- Narbonne ; c'eft pourquoi, laiffant dans cette Place Witimi- ANNE'E re avec une forte Garnifon pour la défendre, il se retira à Nîmes. Cependant les Généraux de Wamba arrivés devant la Ville, firent fommer Witimire de la rendre à l'inf tant, fans attendre que l'on emploiât la force, lui déclarant, que dans la conjoncture préfente, c'étoit le meilleur parti qu'il eût à prendre. Witimire, pour toute réponse, vomit du haut des murailles beaucoup d'injures contre le Roi, & fit pleuvoir des nuées de fléches. Les Généraux irrités de tant de fierté & de tant d'insolence, ordonnerent aux Troupes de fe mettre en devoir de l'en faire repentir, de même que tous ceux qui étoient avec lui. Sur le champ, leurs Soldats lancerent une fi grande quantité de pierres & avec tant de fuccès, que l'on eût dit, à entendre le bruit de leur chûte, joint aux cris & aux plaintes des mourans, que la Ville périffoit. Le combat dura de cette maniére trois heures entiéres, jufqu'à ce que les Gots échauffés, approcherent des Portes de la Ville, & y mirent le feu. Dès qu'ils fe furent ouvert ainfi une entrée, ils se précipiterent avec fureur dans la Place, dont ils devinrent bien-tôt les maîtres, paffant au fil de l'épée tous ceux qui oferent leur résister. Witimire fe voïant perdu, fe réfugia avec quelques - uns des fiens dans une Eglife, fous l'invocation de Notre-Dame, où par une fuite de fon obftination & de fon aveuglement, il entreprit encore de fe défendre l'épée à la main, fans vouloir fe rendre. Tant d'opiniâtreté fit qu'un Soldat s'étant faifi d'une grande planche, lui en déchargea un coup, dont il le renverfa par terre. A l'inftant d'autres Soldats étant furvenus, le défarmerent, le chargerent de chaînes & l'emmenerent ignominieufement. Ce Rébelle & fes Compagnons furent tous fouettés fur le champ; foible châtiment pour une fi grande hardieffe.

Après la prife de Narbonne, Wamba alla auffi-tôt avec toute fon Armée chercher Paul, & foumit, chemin faifant, Béziers, Agde & Maguelone. Gumilde Evêque de cette derniére Place, informé de l'approche de l'Armée par terre & de la Flotte par Mer, s'évada & fe retira à Nîmes.. Wamba, après avoir fait rentrer ces Villes dans le devoir, détacha fes quatre Généraux avec trente mille hommes de fes meilleures Troupes, pour aller affiéger Nîmes, où Paul

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PAS

étoit. Les Généraux exécuterent fon ordre avec tant de ANNE'E DE foin, qu'aïant marché toute la nuit, ils fe trouverent de EE grand matin à la vûe de la Ville de Nîmes, devant laquelle ils établirent leurs quartiers. Dès que l'on eut apperçu de la Place l'Armée, les Affiégés qui la trouverent peu nombreufe, en comparaifon du nombre qu'ils étoient, eurent d'abord envie d'aller la combattre; mais faifant enfuite réfléxion, qu'il pourroit y avoir d'autres Troupes dans quelque embufcade, ils jugerent plus à propos de fe tenir à l'abri de leurs murailles, jufqu'à ce qu'il leur fût arrivé de plus grandes forces. L'Armée de Wamba s'étant reposée tout ce jour-là, fes Généraux firent donner affaut à la Ville, le lendemain matin dès que l'Aurore parut. Le combat ne finit qu'à la nuit, & les Affiégeans de même que les Affiégés y montrerent également d'ardeur & d'acharnement, défendre la Place & les autres pour l'emporpour ter; de forte que ceux-ci furent contraints de fe retirer. Cependant, la perte confidérable que les Roïalistes avoient faite, fut caufe que les Généraux donnerent avis à Wamba, qu'il leur étoit impoffible de continuer le fiége, fans un nouveau renfort. Wamba leur envoia auffi-tôt dix mille hommes d'élite, fous la conduite du Général Wandemire, qui fit fa marche de nuit avec tant de diligence, qu'il fe joignit aux autres Généraux avant la pointe du jour. Ce fecours arrivé fi à propos, réjouit l'Armée & lui fit reprendre courage.

les uns

Le lendemain matin, les Affiégés n'eurent pas plûtôt remarqué que l'Armée de Wamba étoit renforcée, qu'ils en donnerent avis à Paul. Quoique le Traître fût consterné à cette nouvelle, parce qu'il y reconnut l'effet de la prudence expérimentée & confommée du Roi, il n'épargna rien pour raffûrer fes gens. Il leur dit, que là fe trouvoit réuni tout le refte des forces des Gots, & qu'après qu'ils auroient une fois défait cette Armée, ils n'auroient plus rien à craindre il ajoûta qu'il falloit donc mettre tout en œuvre pour furmonter & détruire ce dernier obftacle, & il leur promit de les animer plus par fon exemple, que par fes paroles.

Pendant qu'il s'efforçoit ainfi de ranimer fon monde, les Généraux de Wamba fe difpofoient à un nouvel aflaut. Les Gots y volerent avec tant de feu, qu'oubliant tous les dangers, ils ne cherchoient qu'à frapper les Ennemis avec

toutes

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toutes fortes d'armes de trait, telles que font les fléches, D'Es les dards & les pierres : d'un autre côté les Affiégés ne montroient pas moins d'intrépidité & de réfolution pour répouffer les Affaillans; ce qui fit que le combat fut extrêmement opiniâtre. Cependant les ravages que faifoient des pierres, que l'on jettoit dans la Ville, avec le fecours de certaines machines en ufage pour lors, étoient fi confidérables & fi terribles, que les Etrangers, qui étoient à la folde de Paul, firent des reproches à ce Tyran, fur ce qu'il leur avoit dit, qu'il n'y avoit rien à craindre des Gots tandis qu'on leur voïoit une vigueur & une résolution admirables. En même tems, ils l'avertirent qu'il n'avoit qu'à fe réfoudre à rendre la Ville, parce que pour eux, ils ne vouloient pas s'expofer à une mort affûrée. Cette déclaration fut pour Paul comme un coup de foudre, qui l'atterra; car le Traître regardant alors fa perte comme inévitable, perdit tout courage & toute efpérance.

Les Gots continuoient cependant de battre les murailles
avec les Beliers, & s'étoient approchés des Portes aufquel-
les ils avoient mis le feu. Aïant enfin fait quelques bréches
aux murailles, ils entrerent dans la Place, où ils tuerent
tous ceux qu'ils rencontrerent. Quelques-uns d'eux s'étant
toutefois débandés mal à propos & mis à piller avant le
tems, païerent de la vie leur avarice & leur étourderie.
Au même moment que Nîmes fut efcaladée, il s'éleva une
querelle entre ceux qui étoient dans la Ville, parce que
plufieurs prétendoient que les Roialistes y avoient été intro-
duits par
trahifon. Elle fut même portée fi loin, que des
paroles on en vint aux mains, & que tous ceux que l'on
foupçonna avoir eu part à la prétendue perfidie, furent
mafsacrés fans aucune compaffion. Deux domeftiques mê-
mes de Paul fubirent un pareil fort aux yeux de leur Maî-
tre, fans que l'on eût aucun égard aux priéres de celui-ci,
qui commençoit déja d'être traité avec mépris. Paul, à la
vûe de cette émeute, fe dépouilla des marques de la Roïauté,
& fe retira, pour mettre fa vie en fûreté, dans le lieu le
plus fort de la Ville, qui fut ce jour-là un Théâtre affreux,
où l'on ne voïoit par tout que fang & que cadavres, fans
que les Vainqueurs puffent trouver à pofer le pied dans un
endroit, où il n'y eût pas des marques de carnage. La nuit
qui furvint, fit ceffer le maffacre, les Gots reftant maîtres
Tome II.

Ааа

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