Imágenes de páginas
PDF
EPUB

J. C.

673.

étoit. Les Généraux exécuterent fon ordre avec tant de

ANNE'E DE foin, qu'aïant marché toute la nuit, ils fe trouverent de E grand matin à la vûe de la Ville de Nîmes, devant laquelle ils établirent leurs quartiers. Dès que l'on eut apperçu de la Place l'Armée, les Affiégés qui la trouverent peu nombreufe, en comparaifon du nombre qu'ils étoient, eurent d'abord envie d'aller la combattre; mais faifant enfuite réfléxion, qu'il pourroit y avoir d'autres Troupes dans quelque embuscade, ils jugerent plus à propos de fe tenir à l'abri de leurs murailles, jufqu'à ce qu'il leur fût arrivé de plus grandes forces. L'Armée de Wamba s'étant repofée tout ce jour-là, ses Généraux firent donner affaut à la Ville, le lendemain matin dès que l'Aurore parut. Le combat ne finit qu'à la nuit, & les Affiégeans de même que les Affiégés y montrerent également d'ardeur & d'acharnement, les uns pour défendre la Place & les autres pour l'emporter; de forte que ceux-ci furent contraints de fe retirer. Cependant, la perte confidérable que les Roïaliftes avoient faite, fut caufe que les Généraux donnerent avis à Wamba, qu'il leur étoit impoffible de continuer le fiége, fans un nouveau renfort. Wamba leur envoia auffi-tôt dix mille hommes d'élite, fous la conduite du Général Wandemire, qui fit fa marche de nuit avec tant de diligence, qu'il fe joignit aux autres Généraux avant la pointe du jour. Ce fecours arrivé fi à propos, réjouit l'Armée & lui fit reprendre courage.

Le lendemain matin, les Affiégés n'eurent pas plûtôt remarqué que l'Armée de Wamba étoit renforcée, qu'ils en donnerent avis à Paul. Quoique le Traître fût consterné à cette nouvelle, parce qu'il y reconnut l'effet de la prudence expérimentée & confommée du Roi, il n'épargna rien pour raffûrer fes gens. Il leur dit, que là fe trouvoit réuni tout le refte des forces des Gots, & qu'après qu'ils auroient une fois défait cette Armée, ils n'auroient plus rien à craindre: il ajoûta qu'il falloit donc mettre tout en oeuvre pour furmonter & détruire ce dernier obstacle, & il leur promit de les animer plus par fon exemple, que par fes paroles.

Pendant qu'il s'efforçoit ainfi de ranimer fon monde, les Généraux de Wamba fe difpofoient à un nouvel affaut. Les Gots y volerent avec tant de feu, qu'oubliant tous les dangers, ils ne cherchoient qu'à frapper les Ennemis avec

toutes

ERE

D

PAG

711

ERE D'ES

PAGNE.

711.

toutes fortes d'armes de trait, telles que font les fléches,
les dards & les pierres : d'un autre côté les Affiégés ne mon-
troient pas moins d'intrépidité & de réfolution pour ré-
pouffer les Affaillans; ce qui fit que le combat fut extrê-
mement opiniâtre. Cependant les ravages que faifoient des
pierres, que l'on jettoit dans la Ville, avec le fecours de
certaines machines en ufage pour lors, étoient fi confidéra-
bles & fi terribles, que les Etrangers, qui étoient à la fol-
de de Paul, firent des reproches à ce Tyran, fur ce qu'il
leur avoit dit, qu'il n'y avoit rien à craindre des Gots
tandis qu'on leur voïoit une vigueur & une résolution ad-
mirables. En même tems, ils l'avertirent qu'il n'avoit qu'à
se réfoudre à rendre la Ville, parce que pour eux, ils ne
vouloient pas s'expofer à une mort affûrée. Cette déclara-
tion fut pour Paul comme un coup de foudre, qui l'atterra;
car le Traître regardant alors fa perte comme inévitable,
perdit tout courage & toute efpérance.

par

Les Gots continuoient cependant de battre les murailles avec les Beliers, & s'étoient approchés des Portes aufquelles ils avoient mis le feu. Aïant enfin fait quelques bréches aux murailles, ils entrerent dans la Place, où ils tuerent tous ceux qu'ils rencontrerent. Quelques-uns d'eux s'étant toutefois débandés mal à propos & mis à piller avant le tems, païerent de la vie leur avarice & leur étourderie. Au même moment que Nîmes fut escaladée, il s'éleva une querelle entre ceux qui étoient dans la Ville, parce que plufieurs prétendoient que les Roïaliftes y avoient été introduits trahifon. Elle fut même portée fi loin, que des paroles on en vint aux mains, & que tous ceux que l'on foupçonna avoir eu part à la prétendue perfidie, furent massacrés fans aucune compaffion. Deux domeftiques mêmes de Paul fubirent un pareil fort aux yeux de leur Maître, fans que l'on eût aucun égard aux priéres de celui-ci, qui commençoit déja d'être traité avec mépris. Paul, à la vûe de cette émeute, fe dépouilla des marques de la Roïauté, & fe retira, pour mettre fa vie en fûreté, dans le lieu le plus fort de la Ville, qui fut ce jour-là un Théâtre affreux, où l'on ne voïoit par tout que fang & que cadavres, fans que les Vainqueurs puffent trouver à pofer le pied dans un endroit, où il n'y eût pas des marques de carnage. La nuit qui furvint, fit ceffer le maffacre, les Gots reftant maîtres Tome II.

A aa

[blocks in formation]

ANNE'E DE
J. C.

673.

Paul & fes Complices prennent le

ce du Roi.

de la Place le premier de Septembre, jour qui accomplif-
foit l'année écoulée depuis l'élection de Wamba pour Sou-ERE D'E

verain.

Auffi-tôt les Généraux du Roi firent fçavoir à leur Maître les heureux fuccès de fes Armes, pendant que Paul tout confparti d'implo- terné regardoit ce jour-là, comme celui qui devoit être le rer la clémen- dernier de fa vie; mais les Gots cefferent les hoftilités, attendant les ordres du Roi. Le troifiéme jour après la prife de la Ville, Paul averti que Wamba venoit à Nîmes, appella au Confeil ceux qui étoient avec lui, pour délibérer fur les moïens de fe conferver à tous la vie, s'il étoit poflible. On convint dans cette assemblée, qu'il n'y avoit rien autre chofe à faire que d'envoïer vers le Roi Argébaud Métropolitain de Narbonne, pour implorer fa clémence. Argébaud accepta la commiffion, mais comme le crime étoit fi grave, il commença par célébrer le Saint Sacrifice, afin d'obtenir la miféricorde de Dieu, & tous les autres couverts d'un Suaire, communierent à la Meffe, pour fe préparer à la mort qu'ils regardoient comme prochaine.

Le Député fortit donc, pour folliciter le pardon de tous les Coupables. Informé que le Roi s'approchoit, il s'empreffa d'aller au-devant de lui, & dès qu'il l'apperçut, il defcendit de cheval & il fe profterna à terre. Auffi-tôt le Roi s'étant arrêté, & laiffant couler quelques larmes, lui ordonna de fe lever, & de lui dire ce qui l'amenoit. Pour lors Argébaud lui dit qu'il venoit au nom de tous les Coupables, lui protefter un fincére repentir de leur égarement, & le fupplier de pardonner à la Ville, à Paul, à fes Partifans & à lui-même; ajoutant, que quoiqu'à la vérité, ils fuflent tous indignes de fa miféricorde, il étoit le propre de fa Grandeur de leur faire grace. Wamba lui fit réponse, qu'il lui accordoit la vie, & qu'il pardonnoit aux Citoïens, mais qu'un crime fi énorme ne pouvoit refter impuni, parce qu'il falloit que le châtiment fervît à contenir tout le Peuple dans le devoir. Le Métropolitain fit encore de nouveaux efforts, pour tâcher de fléchir entiérement le jufte courroux de Wamba, jufqu'à ce que voiant que ce Prince commençoit à s'échauffer & à fe laffer de fes importunités, il ceffa fes inftances. Cependant le Roi expédia fur le champ une défenfe à fon Armée, de commettre la moindre hoftilité, avant fon arrivée avec le refte des Troupes.

PAGNE

711,

PAGNE.

711.

Dès que Wamba approcha de la Ville, les Capitaines

y

J C.

FREE fortirent à la tête de l'Armée, pour le recevoir, la beauté ANNE'E DE des Efcadrons & des Bataillons le difputant à l'éclat for- 673. midable des Armes. Toute l'Armée s'étant ralliée, il Ils font tous faits pritonréunit les Troupes qu'il amenoit. Il la divifa en plufieurs niers. Corps, dont les uns eurent ordre d'aller fe pofter fur les Montagnes & d'autres fur les Côtes pour empêcher tous les fecours, & pour couvrir ceux qui refterent dans la Plaine. Aïant enfuite fait le choix des Hommes les plus aguerris, il leur commanda d'aller chercher Paul & fes Complices dans l'endroit où ils s'étoient fortifiés, & de les lui amener. Ses Généraux obéirent exactement: ils fe faifirent du Tyran, & ils prirent avec lui un grand nombre de Francs & d'Allemands, & tous les tréfors qu'il avoit amassés pour la guerre. Paul fut conduit au Roi, marchant à pied entre deux Capitaines de Cavalerie qui le tenoient par les cheveux, l'un d'un côté, l'autre de l'autre. On le fit ainfi paffer avec tous fes Compagnons au milieu de l'Armée qui étoit fous les Armes, & on le mena au Roi. Le malheureux qui avoit la mort dans le cœur & peinte fur le vifage, comme un Criminel qui n'attend que le châtiment dû à fes forfaits, ne parut pas plûtôt fous les yeux de fon Souverain, que fe profternant à genoux le mieux qu'il lui fut poffible, il ôta la ceinture Militaire pour marque de foumiffion.

Wamba leva les yeux & les mains au Ciel, dès qu'il l'apperçut, rendant graces à Dieu de la victoire qu'il lui avoit accordée. Lorfqu'il le vit proche de lui, il donna ordre qu'on le tînt fous bonne garde, de même que tous ceux qui avoient été trouvés en fa compagnie : que l'on fît un bon traitement à tous les Francs, fur -tout à quelques-uns de la premiére Nobleffe, qui étoient en ôtage, & que l'on confervât avec beaucoup de foin tous les effets dont on s'étoit faifi; parce qu'il fçavoit qu'il y en avoit plufieurs qui appartenoient aux Eglifes & aux Monaftéres, ausquels il étoit réfolu de les reftituer. Il ordonna auffi de donner la fépulture à tous les Cadavres qu'il y avoit dans la Ville, de rendre aux Citoïens tout ce qu'on leur avoit enlevé, & de rétablir les murailles de la Place.

Le troifiéme jour, après la Victoire remportée fur le Le Confeil Tyran, le Roi fit ranger fon Armée en ordre de bataille, de guere e

A a a ij

J. C.

mort; mais

la vie.

& amener en fa préfence Paul & fes principaux Partisans, ANNE'E DE afin que leurs caufes fuffent jugées publiquement par les 673. Généraux & par les Seigneurs qui l'accompagnoient. Paul condamne à & fes Complices parurent donc chargés de chaînes, & le Wamba leur Roi dit au premier, en le conjurant par le respect que l'on fait grace de doit à Dieu, de déclarer à haute voix, s'il l'avoit offensé en quelque chofe, s'il lui avoit fait quelque injuftice, ou s'il lui avoit donné quelque fujet de mécontentement, pour lequel il s'étoit révolté contre lui, & il avoit entrepris de le détrôner. Sur cette fommation, Paul confeffa, que bien loin d'avoir jamais eu aucun fujet de fe plaindre de lui, il avoit reçu plufieurs preuves de fa bienveillance; mais que fuggéré par le Démon, il l'avoit paié de la derniére ingratitude, par le noir attentat qu'il avoit formé. On fit la même question à tous les autres, qui avouerent leur faute comme leur Chef l'avoit fait. Alors le Confeil de guerre pleinement inftruit par leurs bouches de la grandeur de leur crime, prononça contre eux tous un Arrêt de mort, conformément aux Loix du Roïaume. Wamba néanmoins touché de compaffion, le modéra, fe contentant de les condamner à être rafés & enfermés pour le refte de leurs jours.

Incurfions

des Gots.

Sur ces entrefaites, un Général des Francs, appellé des Francs Loup, entra avec quelques Troupes fur le Territoire de Béziers, & y commit plufieurs hoftilités. Wamba en aïant été informé, partit auffi-tôt avec fon Armée pour l'en punir. Loup eut vent de fa marche, & fe retira promptement, fans garder aucun ordre : ainfi Wamba arriva fur les Frontiéres de France, fans avoir pû le joindre. Au bruit de la marche du Roi, les Peuples limitrophes furent tellement faifis d'effroi, que la plûpart d'entre eux s'enfuirent, abandonnant tout ce qu'ils poffédoient, pour mettre leur vie en fûreté: ce qui procura aux Soldats de Wamba, les moïens de faire un bon butin. Le Roi voïant qu'il ne rencontroit aucun Ennemi, voulut pénétrer dans le Païs, mais il fe défifta de ce projet, fur les remontrances de fes Généraux, qui lui représenterent, qu'il n'étoit pas à propos de rompre la paix faite avec les Francs, ni d'entreprendre de tirer raifon des fecours qu'ils avoient fournis à Paul. Il reprit donc ła route de Narbonne, d'où il paroît qu'il congédia tous les Francs & les Allemands, afin qu'ils s'en retournaffent

ERE D'ES

PAGNE.

7110

« AnteriorContinuar »