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ANNE'E
J. C.

701.

DE

PAGNE.

739.

biens furent rendus à ceux qui en avoient été dépouillés. Non-content de donner par-là des preuves d'une clémen-ERE D'ES ce digne d'admiration, il voulut en faire fentir les doux effets à tous les Peuples de la Monarchie, en leur remettant les arrérages des Impôts, dont il fit jetter au feu tous les Regiftres. Ce procédé qui fembloit annoncer un Régne des plus doux, fit que fon avénement à la Couronne fut univerfellement célébré & applaudi; parce que jamais un Prince n'est vû de meilleur ceil, ni plus chéri des Peuples, que quand il répand fur eux des bienfaits à pleines mains. Enfin Witiza, pour rendre la premiére année de fon Régne plus refpectable, & pour fe conformer à l'ufage des Rois fes Prédéceffeurs, fit célébrer à Toléde un Concile, dont XVIII, de les Actes font péris; ce qui me met hors d'état de fçavoir les affaires qui y ont été traitées (4). Quelques-uns prétendent que toutes ces démonftrations de piété, de générofité & de douceur, étoient l'effet de fon artifice pour s'af fermir fur le Trône; mais il n'appartient qu'à Dieu feul de lire dans le cœur humain. D'ailleurs, l'homme étant naturellement capable de quitter la vertu pour fe livrer au vice, Fon n'eft pas fondé à donner pour principe aux bonnes actions qui ont été faites d'abord, la corruption qui ne s'eft fait connoître que par la fuite *.

Concile

Toléde.

702.

Toléde eft en

tation.

pour main

Gunderic Métropolitain de Toléde étoit alors en grande Gunderic de odeur de vertu, & fa haute réputation fe trouva accrédigrande répu- tée par quelques Prodiges, dont on fut redevable à fes priéres. Il y a apparence qu'il apporta tous fes foins tenir & faire fleurir la Difcipline Eccléfiaftique, & qu'il forma des Miniftres zélés pour la Gloire de Dieu, afin que malice, qui devoit être portée si loin dans les années suivantes, trouvât encore des Ennemis qui lui fiffent la guerre (B).

704. Witiza Te

la

Cependant Witiza fe yoïant paisible poffeffeur de la plonge dans la Couronne, & en paix avec fes Voifins, commença de lâcher la bride à fes paffions. Aveuglé par les appas trom

débauche.

(4) ISIDORE de Badajoz.

(B) ISIDORE de Badajoz.

de fon cœur; mais je crois qu'il auroit
pû s'en tenir à la fage refléxion de Jean
L'Abbé de Vayrac, fur l'autorité de Ferreras, qui probablement ne l'au-
fans doute de Mariana, veut que Witroit pas faite, s'il y eût eu lieu de pen-
tiza ne fe paroit alors que des vertus
apparentes, lefquelles n'étoient que les
vices réels, qui couvoient dans le fond 11

fer qu'il y avoit alors de la fourberie
dans la conduite du Roi, fur tout puif-
qu'il ne ménage pas ce Prince par la fuite.

peurs

740.

742

742.

ANNE'E DI

J. C.

704.

peurs de l'impureté, il s'abandonna tout entier à la diffoERE D'ES-lution la plus débordée. Pour lors aucune femme ne pouvoit paroître aimable à fes yeux, fans être exposée à devenir bien-tôt la victime de fon incontinence. Sollicitations, préfens, careffes, tout étoit emploïé pour la féduire; & fi ces moïens ne réuffiffoient pas, il avoit recours à la violence, abufant ainfi de l'autorité qu'il avoit pour assouvir sa fa brutalité. Cette conduite dépravée ne put être long-tems ignorée du Public, qui ne l'apprit qu'avec douleur, & à qui elle caufa beaucoup de fcandale. Quoique le digne Gunde- Gunderic & ric & d'autres s'efforcerent fans doute, d'arrêter le cours d'autres tende tant d'abominations, le Prince voluptueux enyvré de tent inutilefes détestables plaisirs, fut sourd à leurs avis & à leurs re- tirer. montrances (A).

743.

ment de l'en

705. Le Roi fe livre à de plus

L'incontinence étant le vice qui aveugle le plus la rai-
fon, Witiza qui continuoit toujours fes défordres, mit bas
toute pudeur & toute confidération; de maniére qu'il n'é- grands excès.
couta plus que fon goût & fon penchant pour le libertina-
ge. Ainfi dépouillé de tous les refpects humains, qui ont coû-
tume de fervir de frein à la débauche, il ne fe contenta plus,
comme il avoit fait jufqu'alors, de prendre pour objet de
fa fenfualité, les femmes qui n'étant retenues par aucun en-
gagement, pouvoient disposer d'elles en vertu de leur li-
berté; il porta encore ses désirs jusques fur celles qui étoient
liées par les liens du mariage. Tout lui étant alors indiffé-
rent, pourvû qu'il fe fatisfit, les femmes & les filles mêmes
des Grands, ne furent pas moins expofées à fes entreprises
criminelles, que celles du moindre Artifan. La liberté &
le fcandale, avec lequel il commettoit ces excès, firent bien-
tôt changer en haine, la fatisfaction universelle que l'on
avoit témoignée, lorfqu'il avoit pris les rênes du Gouver-
nement. Dieu qui difpofoit auffi le châtiment de tant de mé-
chancetés, permit qu'Abdumalic XII. Calife des Sarazins ou
Arabes étant mort le 10. d'Octobre, fût remplacé par fon
fils Walid, dont les Généraux firent dans la fuite la con-
quête de l'Espagne (B).

Les Grands ne purent fe voir déshonorés dans la perfon-
ne de leurs femmes & de leurs filles, fans être animés d'un
vif reffentiment, qui leur fit naître la pensée de conspirer
(B) ELMACIN, & d'autres.
Ggg

(4) Don ALFONSE le Grand, MOINE de Silos.

Tome II.

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J. C.

705.

contre celui qui leur montroit tant de mépris. Redoutant
ANNE'E DE néanmoins la violence de ce Monftre, qui n'avoit point
d'autre Loi
que fa volonté, ils chercherent à fe mettre à
l'abri de ses infultes, quoique l'on puiffe facilement se per-
fuader, qu'ils laifferent échapper quelques murmures con-
tre fes turpitudes affreufes & peu communes. Quelques-uns
affûrent auffi, que Gunderic Métropolitain de Toléde, tou-
ché du mal que caufoit le mauvais exemple du Roi, fit pour
remettre dans la bonne voie ce Prince égaré, de nouveaux
efforts qui furent auffi inutiles que les premiers.

Gunderic ne peut le rame ner à la vertu.

za.

706.

On confpire

bare de ce
Prince.

ERE D'E PAGNE, 7431

Witiza porta enfin fes excès fcandaleux à un tel point, 744 contre Wii- qu'il fe forma quelques confpirations qui tendoient à lui ôter la Couronne; mais elles ne purent être tenues fi fecrétes qu'elles ne parvinffent à fa connoiffance, malgré toutes les précautions que l'on prit pour empêcher qu'elles ne tranfpiraffent. Cependant, foit qu'il ne connût pas la profondeur du précipice qui s'ouvroit fous fes pieds, foit qu'il fût retenu par la crainte d'être expofé à de plus grands dangers, il fe contenta d'exiler quelques-uns des ConjuAdion bar. rés. Je m'imagine que ce fut pour lors qu'il bannit de Toléde le Duc Théodofred, pere du Roi Don Rodrigue, l'envoïant à Cordoue, où l'on dit qu'il lui fit arracher les yeux, pour le rendre inhabile à monter fur le Trône, & Don Pélage, fils de Favila, qui fe retira dans les Afturies, tous deux Defcendans des Rois Gots. Il n'eft pas facile de prouver par les Monumens des trois Siécles précédens, que ces deux Illustres Personnages étoient de Sang Roïal; c'est pourquoi quelques Siécles après, les Auteurs l'ont fait de différente maniére. Pelage Evêque d'Oviédo a été, felon moi, le premier qui l'ait avancé dans des Généalogies qu'il a écrites à ce sujet, & dont Ambroise de Morales a tiré une Copie, que j'ai entre mes mains (Ă).

Il n'a point

Quelques-uns affûrent que Witiza craignant les révoltes, fait démante- fit démolir les murailles de toutes les Villes de fon Roïaume, d'Espagne. à la referve de celle de Tuy, d'Aftorga & de Toléde *; mais

ler les Villes

(4) Chronique d'ALBAYDA; LE MOINE de Silos.

* Mariana a adopté imprudemment cette opinion. L'Abbé de Vayrac en a fait autant dans fes Révolutions d'Es pagne, fous prétexte que de célébres Hiftoriens l'out avancé ainfi; mais s'il

vouloit qu'on le crût fur un événement
qui paroit fi contraire à la vérité de
l'Hiftoire, il auroit dû nommer fes
autorités, afin de mettre les Sçavans à
portée de juger de leur crédit, & de
décider, s'il eft préférable à celui de
Jean de Ferreras.

ERE D'ES-
PAGNE.

744.

745.

c'eft à tort, parce que les Sarazins, lorfqu'ils entrerent en
Efpagne, trouverent beaucoup de Villes fermées, qu'ils ANNE'E DE
démantelerent en punition de la résistance des Habitans,
comme on le verra dans le cours de l'Hiftoire.

que

J. C. 706.

707. Suites af

Le mauvais exemple de Witiza avoit déja entraîné dans l'abîme la meilleure partie des Membres de l'Etat, parce freules de les les actions des Souverains fervent ordinairement de ré- défordres, gle pour celles des Sujets. Les Seigneurs & le Peuple étoient tombés dans le relâchement : la modestie, la chasteté & la tempérance Chrétienne commençoient à s'éclipfer, & à faire place à la gourmandise & à l'incontinence, qui faifoient de fi rapides progrès, que chacun entretenoit librement un commerce infâme avec les femmes qui leur plaifoient. A la vûe de tant de défordres, Gunderic Métropolitain de Toléde, d'autres Prélats & quelques Grands, dont les mœurs n'avoient pas été corrompues, prévoïant que les vices cauferoient la ruine de la Monarchie, firent tous les efforts imaginables, pour porter le Roi à convoquer un Concile National où des Conciles Provinciaux, afin de remédier au dérangement & aux abus qui s'étoient fi fort étendus dans l'Etat. Mais Witiza toujours esclave de fes paffions, & charmé de faire tomber tous les autres dans l'aveuglement où il s'étoit précipité, refufa de fe rendre à leurs follicitations, & fit même une Loi détestable, par laquelle il permit aux Eccléfiaftiques de fe marier, & à un chacun d'avoir autant de Concubines qu'il en fouhaiteroit. Avec cette licence, les crimes & les péchés s'accumulerent les uns fur les autres, parce que la plupart des Eccléfiaftiques contracterent des mariages facrileges, fans refpect pour le vœu de chafteté par lequel ils s'étoient liés, fçachant que le châtiment de leurs fautes étoit refervé au pouvoir du Roi de qui ils n'avoient rien à craindre ; & les Séculiers prirent un nombre de Concubines, profanant ainfi les Saintes Loix du Mariage (A).

Sur ces entrefaites Walid, Calife des Sarazins donna or- Expéditions dre à Muza un de ces Généraux & Gouverneur de tout des Sarazins le Païs conquis dans les Mauritanies, de fe rendre maître en Afrique. de tout ce qui reftoit à conquérir dans ces Provinces. Mu

za se mit auffi-tôt en Campagne à la tête de de fes Trou

(4) Don ALFONSE le Grand,

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708.! Lâche com

le Roi..

*

pes, & aïant rencontré les Bérébéres qui s'étoient unis
pour lui réfifter, il leur livra Bataille & il les défit en-
tiérement. Après cette victoire, il alla affiéger la Ville de
Tanger, dont il s'empara, obligeant tous ceux qui fai-
foient profeffion de la Religion Chrétienne, d'embraffer le
Mahométifme. Glorieux de fes expéditions, il alla en ren-
dre compte au Calife Walid, & recevoir fes ordres pour
ce qu'il devoit faire, laiffant Taric ** à Tanger avec dix-
fept mille hommes (A).

Il paroît que vers ce tems mourut Gunderic Métropo-
litain de Mérida, dont j'ai déja fait connoître le mérite.
Son Succeffeur fut Sindéred, qui dût fa promotion à l'E-
pifcopat, à la faveur de Witiza. Malheureux Prélat, qui
fe condamna au filence par la crainte de déplaire à celui
à qui il étoit redevable de fa fortune (B).

par

Quoique Sindéred eût la foibleffe de tolérer fon fiplaifance de lence la vie licencieufe de Witiza, & fouffroit qu'à l'omGindéredpour bre de ce Prince débauché, l'on commît tant de crimes & tant de facriléges; plufieurs Eccléfiaftiques animés d'un faint zéle à la vûe du relâchement de la Difcipline Eccléfiaftique, & des défordres qui tendoient à la ruïne de la Monarchie, eurent la hardieffe de reprendre le Roi fur la conduite déréglée & fur l'affreufe permiffion qu'il donnoit d'irriter la colére de Dieu. Sindéred au lieu d'appuier leurs démarches, comme il étoit de fon devoir, les châtia févérement au grand scandale de tous les Fidéles, ne souffrant point qu'il y eût quelqu'un qui ofât mettre un frein au vice (C).

(4) L'ANONYME d'Andaloufie.
VIEIRE & PAGI.

(B) ISIDORE de Badajoz.
(C) ISIDORE de Badajoz.

No-face des Révolutions d'Efpagne, & dif
férent de Tarif qui eut part à la conquête
de l'Espagne, & avec lequel Rodrigue
de Toléde le confond mal à propos. Par
fes longs fervices, il parvint à de grands
Honneurs Militaires, mais il ne paffa
point en Espagne à la tête de fix cens
Hommes avec le Comte Don Julien,
quoique l'Abbé de Vayrac le dife dar s
Fendroit cité, oubliant que dans le corps
de l'Ouvrage, il marque qu'il y en
tra avec douze cens Combattans, fi Ta-
ric & Taric Abincier font une méme
perfonne, après que Tarif qui y condui-
fit les fix cens Hommes, s'y étoit déja
établi.

Peuple de la Babarie en Afrique,
diftingué des Africains Naturels & des
Arabes. On les die Originaires de l'Ara-
bie Heureufe, d'où ils pafferent en Afri-
que avec leur Roi Melech - Ifiriqui. Ils
s'étendirent enfuite dans ce Païs, don
ils conquirent la meilleure partie. C'est
d'eux que
defcendoient les Rois qui ont
régné à Tunis, à Trémécen & à Alger,
jufqu'à l'invafion des Turcs. DAPPER &
MARMOL.

**Il étoit fils d'un Affranchi, comme
J'obferve l'Abbé de Vayrac dans la Pré-

ERE D'ES

PAGNE.

245.

746

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