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PAGNE.

746,

Quelques Hiftoriens Espagnols * affûrent qu'en cette

J. C.

708. Impostures de quelques Hiftoriens

ERE D'ES- année ou les fuivantes, Conftantin Pontife de Rome, inf- ANNE'E DE truit de la dépravation du Clergé d'Espagne, envoïa un Légat au Roi Witiza pour le folliciter de rétablir la DifWitiza bien cipline dans fon ancienne fplendeur ; mais que loin d'avoir égard aux demandes du Pape, refufa l'audien- Espagnols ce au Légat, & fecoua le joug de l'Eglife Romaine. Ceci contre Wititoutefois n'eft appuïé d'aucun témoignage ancien, & il n'en eft point fait mention, ni par Baronius, ni par Chacon, par leurs Prédéceffeurs, qui ont écrit les actions des Pontifes de Rome; d'où je conclus, que c'eft une fable inventée depuis par ceux qui ont voulu éxagérer la méchanceté de Witiza.

747.

ni

Muza de retour à fon Gouvernement de la Mauritanie, fe difpofa, fuivant qu'il en étoit convenu avec le Calife, à mettre fous la domination de fon Souverain toute la partie de ce Païs, qui est baignée par la Mer. Aïant donc formé une groffe Armée, il fe mit en marche, pour aller conquérir tout ce que les Gots y poffédoient. Îl alla droit affiéger Ceuta, qu'il voulut emporter d'affaut ; mais le Comte Don Julien qui étoit Gouverneur de la Place, fit une fi vigoureuse défenfe, qu'il rendit vains tous les efforts des Barbares. Ceux-ci contraints de lever le Siége & de s'éloigner, ravagerent dans leur retraite les Territoires de quelques Villes, pour fe dédommager des pertes confidérables qu'ils avoient faites à Ceuta (A). Je place cet événemens en cette année 708. parce qu'il ne paroît pas vraisemblable qu'il eût pû arriver dans la précédente, à caufe des expéditions & du voïage de Muza à Damas, depuis l'extrêmité de l'Afrique.

les vi

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Tentatives

inutiles de
ta.

Muza fur
Ceuta,

709.

Les Sara

Le déréglement de Witiza étoit porté fi loin, que ces fe commettoient avec tant de liberté, & le Clergé étoit tombé dans un fi grand relâchement, que fes remon Mer par les trances des perfonnes zélées n'étant point capables d'arrê- Gots fous le ter le cours impétueux des crimes, Dieu par une bonté dide fa Grandeur réfolut d'effaier à faire rentrer les Ef- domire.

gne

- (4) ANONYME. ANDALUCIEN, No-
VIEIRE & PAGI.

l'on ne

* De ce nombre eft Mariana, qui
a adopté tant de Fables, que
peut lire fon Hiftoire d'Espagne qu'a-

vec beaucoup plus de précautions que
n'en ont apportées quelques Ecrivains
modernes, qu'il a induits à erreur fue
bien des faits.

CommandementdeThéo

ANNE'E DE
J. C.

709.

Révolte

contre Witiza. Don Ro

PAGNE

747

pagnols en eux-mêmes par la ménace du châtiment, & à les
engager de prévenir par de dignes fruits de pénitence, l'o-ERE D'E
dont ils étoient ménacés. Muza Abencacer Gouver-
rage
neur de la Mauritanie, comme je l'ai déja dit, forma le pro-
jet de la Conquête de l'Espagne, pour flatter l'ambition de
fon Souverain dont il connoiffoit le caractére, & pour mé-
riter sa faveur. Afin d'éprouver fi la fortune feroit favora-
ble ou non à ses entreprises, il mit en Mer une grosse Flot-
te, avec ordre d'aller infefter les Côtes d'Andaloufie. Cette
Armée Navale obéit, & fit fans doute quelques ravages fur
les Côtes. Sur cette nouvelle, Witiza fit au plûtôt équipper
& armer fa Flotte, dont il donna le Commandement à Théo-
domire, Seigneur d'une naiffance diftinguée chez les Gots,
lequel avoit donné des preuves fuffifantes de bravoure &
de prudence. Théodomire aïant mis à la voile, alla cher-
cher la Flotte Ennemie, & l'aiant rencontrée, il la battit
& la contraignit de regagner fes Côtes avec une perte con-
fidérable. On eut l'obligation de la meilleur partie de cet-
te Victoire, à la piété & à la Catholicité de Théodomire.
Quoique dans les Ouvrages d'Ifidore de Badajoz imprimés
par les foins de Sandoval, où il eft parlé de ce combat &
de cette Victoire Navale, on life Ingreffis, on trouve in
Gracis dans une Copie Manufcrite que j'ai de ces Ouvrages,
d'où il paroît que la Flotte dont Théodomire triompha,
étoit de l'Empire des Grecs; mais je me perfuade que
c'eft une faute du Copifte, parce qu'aucun Hiftorien Grec,
ni Latin ne fait mention de cette Bataille, ni ne marque que
les Empereurs d'Orient aient eu alors quelques intérêts à
démêler avec les Rois d'Efpagne, outre que les premiers
étoient trop
trop embarraflés pour pouvoir envoïer des Flottes
contre les derniers, comme le fçavent & le peuvent con-
noître les personnes qui s'appliquent à l'Etude de l'Hiftoi-
re. Je ne fais qu'expofer ici mon fentiment, laiffant aux Sça-
vans à faire fur ce problême les réflexions qu'ils jugeront
propos.

à

Nombre de Seigneurs entiérement rebutés des infultes & des défordres de Witiza, commencerent à vouloir fedrigue pro- couer le joug de fa tyrannie; c'est pourquoi, à la fin de cette année 709. ou au commencement de la fuivante, ils proclamerent Roi Don Rodrigue que quelques-uns font fils de Théodofred, & petit-fils du Roi Chindasuinthe. Delà prit

clamé Roi.

PAGNE.

742.

peurs de l'impureté, il s'abandonna tout entier à la diffoERE D'ES- lution la plus débordée. Pour lors aucune femme ne pouvoit paroître aimable à fes yeux, fans être exposée à devenir bien-tôt la victime de fon incontinence. Sollicitations, préfens, careffes, tout étoit emploïé pour la féduire; & fi ces moïens ne réuffiffoient pas, il avoit recours à la violence, abufant ainfi de l'autorité qu'il avoit pour affouvir fa brutalité. Cette conduite dépravée ne put être long-tems ignorée du Public, qui ne l'apprit qu'avec douleur, & à qui elle caufa beaucoup de fcandale. Quoique le digne Gunderic & d'autres s'efforcerent fans doute, d'arrêter le cours de tant d'abominations, le Prince voluptueux enyvré de fes détestables plaisirs, fut sourd à leurs avis & à leurs remontrances (A).

743.

par

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705.
Le Roi fe
livre à de plus

L'incontinence étant le vice qui aveugle le plus la rai-
fon, Witiza qui continuoit toujours fes défordres, mit bas
toute pudeur & toute confidération; de maniére qu'il n'é- grands excès.
couta plus que fon goût & fon penchant pour le libertina-
ge. Ainfi dépouillé de tous les refpects humains, qui ont coû-
tume de fervir de frein à la débauche, il ne fe contenta plus,
comme il avoit fait jufqu'alors, de prendre pour objet de
fa fenfualité, les femmes qui n'étant retenues par aucun en-
gagement, pouvoient difpofer d'elles en vertu de leur li-
berté; il porta encore fes défirs jufques fur celles qui étoient
liées les liens du mariage. Tout lui étant alors indiffé-
rent, pourvû qu'il fe fatisfit, les femmes & les filles mêmes
des Grands, ne furent pas moins expofées à fes entreprises
criminelles, que celles du moindre Artifan. La liberté &
le fcandale, avec lequel il commettoit ces excès, firent bien-
tôt changer en haine, la fatisfaction univerfelle que l'on
avoit témoignée, lorfqu'il avoit pris les rênes du Gouver-
nement. Dieu qui difpofoit auffi le châtiment de tant de mé-
chancetés, permit qu'Abdumalic XII. Calife des Sarazins ou
Arabes étant mort le 10. d'Octobre, fût remplacé par fon
fils Walid, dont les Généraux firent dans la fuite la con-
quête de l'Espagne (B).

Les Grands ne purent fe voir déshonorés dans la perfon-
ne de leurs femmes & de leurs filles, fans être animés d'un
vif reffentiment, qui leur fit naître la pensée de conspirer

(4) Don ALFONSE le Grand, le || (8) ELMACIN, & d'autres.

MOINE de Silos.

Tome II.

Ggg

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veurs. Cette nouvelle parvint bien-tôt aux oreilles du Com

te,

*

PAGNE,

748.

qui furieux de cet affront, réfolut d'engager Muza ERE D'ESà faire la guerre à Don Rodrigue, en lui promettant de lui faciliter la Conquête de l'Efpagne, & en lui remettant toutes les Places d'Afrique qui étoient de fon Gouvernement (A).

Pierre Mantuan, Don Jofeph Pellicer & d'autres tiennent le récit de cette violence faite à la fille du Comte Don Julien pour une Fable introduite dans les Hiftoires d'Espagne, parce qu'Ifidore de Badajoz, Don Alfonfe le Grand, & la Chronique d'Albayda, qui font les trois Monumens les plus Anciens, où il eft parlé de l'invasion des Infidéles, n'en font aucune mention; mais ces Auteurs, comme l'a obfervé le Sçavant Marquis de Mondejar, ont décrit fi fuccinctement la perte de l'Espagne, que quoiqu'elle dût être accompagnée d'une infinité de circonftances remarquables, ils ne fe font point arrêtés à les marquer, jufque-là qu'ils ne fpécifient point les Villes dont les Sarazins s'emparerent, nila maniere dont ils en firent la conquête, marquant celles qui furent ruinées ou confervées, & comment les unes fe rendirent aux Vainqueurs, & les autres furent emportées de force. Mais outre que cet événement, qui a procuré l'entrée des Sarazins en Espagne, & qui a été l'origine de la destruction de l'Empire des Gots, a dû refter profondément gravé dans le cœur des Espagnols, & tranfmis à la Poftérité par une Tradition continue, le Moine de Silos que d'autres ont fuivi depuis, l'a inféré dans fes Ecrits fur l'autorité unanime

(4) L'ANONYME ANDALUCIEN, NOVIEIRE, le MOINE de Silos, Don RODERIC, Don LUCAS & les autres.

*On trouve fur cette matiére dans l'Abbé Vayrac, des détails qui tiennent plus du Roman que de l'Hiftoire. On y voit l'origine de l'amour du Roi pour la fille du Comte Don Julien, appellée communément Cava par les Hiftoriens ; les moïens dont il fe fervit pour fatisfaire fa paffion; une Lettre plaintive de rInfortunée Cava au Comte fon pere, qui rempliffoit une prétendue Ambaflade auprès de Muza en Afrique ; le retour du Comte en Espagne; fes Statagêmes pour parvenir à venger l'honneur de fa Maifon; fa fuite & la retraite auprès de Muza qu'il follicita à faire la

guerre au Roi Don Rodrigue, & fon
Voiage à Damas, pour faire auprès du
Calife les mêmes Inftances. Mais pour
fentir le faux du Récit de toutes ces cir-
conftances,& montrer que ce n'eft qu'u
ne Fable arrangée à plaifir : il fuffit d'ob-
ferver que le fouvenir de cet événement,
comme il en convient lui-même plus bas
avec Jean de Ferreras, n'a été tranfmis
à la Toftérité que par la Tradition juf-
qu'au XII. Siècle, d'où il fuit que la
Lettre rapportée & la meilleure partie de
cette Narration, doivent être très - suf-
pectes. Il y a apparence qu'il a pris pour
guide Mariana, qui paroît dans cette oc-
cafion l'avoir aufi été du P. d'Or
leans.

de

ERE D'ES

PAGNE.

740.

749.

-- de tous les Hiftoriens Arabes. En effet, paroîtroit-il croïa-
ble
que le Comte Don Julien, après avoir défendu avec
tant de réfolution la Ville de Ceuta & fes environs contre
Muza, eût follicité les Sarazins à faire la guerre à Don
Rodrigue, s'il n'en avoit eu de puiffans motifs ?

ANNE'E DE

J. C.

7.0.

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Les Fils de Witiza veu

& ne le peu

vent.

Evan & Sifebut fils de Witiza, aufquels les Auteurs poftérieurs donnent d'autres noms, furieux de fe voir privés de la Couronne que leur pere & leur Aïeul avoient portée, lent monter tâcherent d'engager leurs Partisans à la leur faire obtenir. fur le Trône, Don Oppas leur oncle, Métropolitain de Séville, appuïa de tout fon crédit & de toutes les forces leurs prétentions mais les Palatins qui ne vouloient pas que ce qui étoit électif, parût devenir héréditaire, & qui avoient préfent à l'efprit tout ce qu'avoit fait Witiza, dont la Mémoire étoit univerfellement en horreur, rendirent vains tous leurs efforts. Quoique les follicitations d'Evan & de Sifebut furent fans effet auprès des Electeurs, elles ne laifferent point de caufer de la divifion dans l'Etat, parce qu'il eft naturel de croire que Witiza avoit répandu fes faveurs fur un certain nombre de personnes, qui probablement ne devoient point approuver la proclamation de Don Rodrigue, dans la crainte que le Sceptre changeant de mains, ils ne fuffent exposés à quelque revers de fortune.

Les fils de Witiza fruftrés de l'efpérance de pouvoir être ¡Ils appellent élevés fur le Trône des Gots, formerent le projet de s'y les Sarazins à affeoir avec le fecours des Sarazins. Pour cet effet, ils dé- leurs fecours. puterent à Muza Gouverneur de la Mauritanie en Afrique pour Walid, une perfonne de confiance, par laquelle ils le firent prier de les feconder de fes Armes, lui offrant fans doute pour récompenfe, quelque terrein en Espagne *.

Muza qui n'avoit point perdu de vûe le projet qu'il avoit formé fur l'Espagne, charmé d'une occafion fi favorable, ne héfita point à la faifir. Il accepta avec ardeur les propofitions des fils de Witiza, bien réfolu de faire par la fuite ce qu'il jugeroit à propos & de fe conformer aux événemens. Cependant, quoique la conquête de l'Espagne eût tant de

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