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foi & hommage, & après les avoir reconnus pour Vaffaux,
il les congédia, leur promettant de paffer en Espagne l'an-
née fuivante avec fes Armes. Ainfi les Gouverneurs s'en re-
tournerent très-fatisfaits (A).

ANNE'E DE

J. C.

777.

778. Incurfion &

Charlemagne, pour leur tenir parole, forma deux Armées : l'une fut levée dans la Lombardie, dans la Bourgo- Conquêtes de gne, dans la Provence & dans la Gaule Gotique ou Nar- Charlemabonnoife, & l'autre dans les Provinces Occidentales de la gae en ElpaFrance, & dans les Aquitaines. Il ordonna à la premiére gue. commandée par fes Généraux, de pénétrer en Espagne par la Catalogne, & il résolut d'y mener l'autre en perfon ne par la Navarre. Après avoit célébré la Pâque à Caffeneuil, il fe mit en marche avec fon Armée, il paffa les Pyrénées, & il entra en Espagne, tandis que fon autre Armée en faifoit autant du côté de la Catalogne. Continuant fa route, il alla affiéger la Ville de Pampelune, & quoique les Mahométans y fiffent une vigoureuse défense, il l'emporta de force. Sur la nouvelle de fon arrivée, Abiatar Gouverneur de Huefca fortit pour le recevoir, lui offrit toutes les Villes de fon Gouvernement, & l'accompagna jufqu'à Saragoffe, où Ibin-Alarabi en fit autant.

L'Armée qui s'étoit avancée par la Catalogne, mit Girone & Barcelone fous la Domination de Charlemagne, Elle alla enfuite droit à Saragoffe, où elle fe joignit aux autres Troupes du Roi, tout le Païs depuis le pied des Pyrénées jufqu'à l'Ebre demeurant dans cette occafion foumis au Roi de France. Louis Marmol dans l'Histoire, dit, qu'Abderrame fe mit en Campagne, pour s'opposer aux progrès de Charlemagne, après que ce Monarque François fe fût emparé de Pampelune, & que proche de l'Ebre, il lui préfenta le combat dans lequel il fut battu avec perte de la meilleure partie de fon Armée ; mais comme il n'eft rien dit de cette Victoire par tant d'Hiftoriens qui ont écrit cette entreprise de Charlemagne, l'on ne peut pas trop s'en fier à cette notice. Je m'imagine plûtôt qu'Abderrame comprit que les Troupes de France, ne devant pas refter en Espagne, il étoit plus prudent d'attendre, pour dompter Ibin-Alatabi & Abiarar, qu'elles fe fuffent retirées, que d'expofer fon Monde contre des forces fi confidérables.

(4) EGINHART, le Poëte SAXON, LOISEL, LE MOINE de Silos & nombre LE MOINE d'Angoulême, Annales de d'autres,

II

Pendant que Charlemagne faifoit la guerre en Espagne, ANNE'E DE où il avoit la meilleure partie de fes forces, les Saxons

J. C.

ce Monarque

Troupes à
Roncevaux.

pro

778. fiterent de fon éloignement pour fe révolter de nouveau. Retour de Sur cette nouvelle, le Monarque de France reprit la rouen France, & te de fes Etats avec fon Armée. Avant que de partir, il défaite d'une s'affûra de la fidélité d'Abiatar, qu'il laiffa dans fon Goupartie de fes vernement, en exigeant de lui pour Otages fon fils & son frere. Outre ces deux Maures, il emmena encore lbinAlarabi, parce que ce dernier lui étoit apparemment devenu fufpect, pour quelques intelligences fecrettes qu'il entretenoit avec Abderrame. Il s'en retourna par la Navarre, où il démantela la Ville de Pampelune, pour la mettre hors d'état de fe révolter; & content d'avoir pris cette précaution, il alla regagner les Pyrenées par la Vallée de Roncevaux.

Jufques-là, Charlemagne avoit eu lieu de s'applaudir de fes expéditions en Efpagne, mais il reçut à fon retour un échec auquel il fut extrêmement fenfible. Contraint de faire défiler fes Troupes dans les gorges étroites des Montagnes, il étoit déja paffé avec la meilleure partie de fon Armée, lorfque fur le foir fon Arriere-Garde, où étoit la meilleure partie des richeffes qu'il avoit recueillies en Efpagne, fut attaquée par une troupe de Vafcons, qui defcendant du fommet des Pyrénées, dont ils connoiffoient jufqu'aux moindres fentiers, fondirent fur elle, & l'envelopperent de toutes parts. Surprise de cette attaque, elle fe mit en devoir de se défendre, mais malgré tous fes efforts, elle fut entiérement défaite, fans pouvoir être fecourue par le refte de l'Armée. Prefque tous ceux qui la compofoient, périrent dans le combat, & entre autres Roland Gouverneur de la Bretagne, Eginhart Grand - Maître d'Hôtel de Charlemagne, & Anfelme Comte du Palais. Après cette action, les Vafcons s'étant emparés de tous les bagages de l'Armée Françoife, fe difperferent dans les Montagnes, à la faveur de l'obfcurité de la nuit. Charlemagne ne tarda pas d'apprendre cette trifte nouvelle, mais ne pouvant remédier à ce malheur, ni se venger, il jugea propos de continuer fa marche. Ce fut ainfi qu'arriva la fameufe déroute de Roncevaux, fans que l'on ait jamais pû fçavoir fi l'on doit l'attribuer aux Vafcons Aquitains,,

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ou aux Vafcons Espagnols qui font les Navarrois *. A l'é-
gard de ce que l'on ajoûte de Bernard d'El- Carpio, de ANNE'E DI
Don Alfonfe le Chafte, ou des Rois de Navarre, on ne
doit y avoir aucun égard. Toutes ces additions ne font
qu'un tiffu de Fables & de Contes de Vieilles, forgés de-
puis long-tems par quelques Ecrivains François & Efpa-
gnols; parce que le Roi Don Alfonfe le Chafte ne régnoit
point encore, qu'il n'y avoit point alors de Roi de Na-
varre, & qu'il n'y a jamais eu en Espagne un Bernard d'El-
Carpio, fils du Comte Don Sanche de Saldagne **,
,quoi
que l'on dife que fon tombeau eft proche d'Aguilar de
Campo (A).

Domenec, & d'autres qui l'ont fuivi, mettent en ce tems
les Fondations de quelques Monaftéres de Catalogne par
Charlemagne. Il y a néanmoins lieu de croire qu'ils le trom-
pent, puifqu'il eft conftant par les Auteurs d'où j'ai tiré
ce que je viens de raconter, que Charlemagne n'a point
été alors en Catalogne, & que ce Prince eft entré en Ef-
pagne, & en eft forti par la Navarre.

779:

La Reine Doña Adofinde faifoit élever avec grand foin
fon coufin Don Alfonfe, qui fut par la fuite furnommé le Révolte en
Chafte, lui faifant avoir part au maniment des affaires du paifée par le
Roïaume, pour le former comme un Prince destiné à fuc- RoiDon Silo.

(A) EGINHART, LE POËTE SAXON, LE MOINE de Saint Eparche, les Annales du Tillet, de Saint NAZAIRE, du P. PETEAU, & de Loisel, LE MOINE de Silos & d'autres.

** Le P. d'Orléans foutient, fans doute d'après Mariana, que Bernard d'ElCarpio a exifté. Ils le font tous deux fils de Doña Ximénez ou Chiméne, fœur de Don Alfonfe le Chafte, laquel

fe de Don Sanche, Seigneur de Salda-
gne, l'avoit époufé fecrettement. Avant
néanmoins que de parler ainsi, ils au-
roient dû commencer par prouver par de
bonnes autorités, que Don Alfonfe le
Chafte a eu une four; car, puifque Fer-
reras, dont on ne peut contefter l'exac-

* Les nouveaux Hiftoriens de Lan-le, difent-ils, étant devenue amoureu-
guedoc paroiffent vouloir décider cette
queftion, en difant que Loup, Duc de
Gascogne, étoit à la tête de ces Monta-
gnards; & qu'aiant été pris par la fuite,
il fut pendu ignominieufement, en pu-
nition de fa perfidie. Pour prouver ces
faits, ils s'appuient même d'une Chartre
de Charles le Chauve, en date de latitude, n'en dit rien, on fera toujours
cinquième année de fon Régne, dans
laquelle il en eft parlé, & qui doit être
d'autant moins fufpecte aux Efpagnols,
qu'elle eft rapportée par le Cardinal
d'Aguirre, dans la Collection des Con-
ciles, Tome III. Pour ce qui eft de
Mariana, fon récit eft accompagné de
sant de Fables, dans cette occafion,
qu'il ne mérite aucun crédit,

fondé à en douter, & par conféquent à
rejetter tout ce qu'ils débitent de leur
Bernard. D'ailleurs, on peut encore
ajoûter, qu'il n'eft point douteux que-
Ferreras, Hiftorien fi judicieux, n'ait
bien examiné tout ce qu'on raconte de
ce prétendu Bernard, pour nier d'une
maniére fi pofitive jusqu'à son exiften--

ce

Galice, ap

ANNE'E DE
J. C.

779.

780.

férentes in

céder à fon mari, de qui elle n'avoit point d'enfans. Sur
ces entrefaites,les Galiciens fe fouleverent contre le Roi Don
Silo, fans que l'on ait jamais pû en pénétrer la cause. Le
Roi contraint d'emploier la force pour les réprimer, fe
mit à la tête d'une Armée fuffifante, & entra en Galice.
Après avoir paffé le Vierze, il trouva les Séditieux fur le
haut du Mont Ciperius, appellé aujourd'hui par corrup-
tion Cebrero il les attaqua & les défit entiérement; de
forte qu'après avoir châtié les principaux Chefs de la ré-
volte, & aiant rendu le calme à la Province, il s'en re-
tourna (A).

Par la fréquente communication avec les Mahométans,
Erreurs dif- il s'étoit élevé chez les Chrétiens qui vivoient parmi eux
troduites chez plufieurs erreurs qui avoient trouvé différents Partifans.
les Chrétiens En Andaloufie, un nommé Mingentius ou Migetius avoit
d'Espagne.
perfuadé à plufieurs, que la Pâque devoit fe célébrer le
lendemain du quatorze de la Lune, en quelque Férie que ce
jour tombât; ce qui étoit à peu près l'erreur des Quarto-
décimans: ou comme d'autres le prétendent, que fi le qua-
torze de la Lune tomboit le Samedi, on ne pouvoit célé-
brer la Pâque le Dimanche fuivant; mais qu'elle devoit
être remife au Dimanche qui arrivoit huit jours après, par
ce que le Samedi, étant le quatorze de la Lune, il n'étoit
point permis de jeûner ce jour-là.

fordres affreux.

Outre cette erreur, il y en avoit encore plufieurs autres. Les uns foutenoient qu'il n'y avoit point d'obliga tion de jeûner les Vendredis, ni les Samedis. D'autres traitoient d'ignorans ceux qui ne vouloient pas manger de Viandes fuffoquées ou le fang des animaux : d'où il fuit Autres dé que l'on n'avoit point encore permis en Espagne ce qui s'y eft introduit depuis. Quelques-uns prétendoient que nous ne pouvions contribuer en aucune maniere à notre Salut, qui dépendoit de Dieu feul, & d'autres au contraire, qu'il n'étoit pas néceffaire de prier Dieu de nous délivrer des tentations, parce qu'en vertu de notre libre arbitre, nous pouvions les furmonter; en quoi les premiers étoient Pélagiens, & les derniers, Manichéens. Le relâchement fut porté à un tel point, que l'on ne faifoit pas difficulté de manger & de boire avec les Juifs & les Mahométans : les -Chrétiennes fe marioient avec eux & les Chrétiens époufoient

(4) Don ALFONSE le Grand, la Chronique d'ALBAYDA & d'autres.

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des Juives & des Mahométanes : les Prêtres mêmes, fans
aucun respect pour la Réligion, prenoient pour femmes des ANNE'E
perfonnes mariées, qui quittoient leurs maris (A).

J. C.

780.

DE

Abderrame

facrer de nou

A ces défordres, il s'en joignoit un autre très-considérable, felon moi, qui étoit qu'Abderrame, Monarque de ne veut point la meilleure partie de l'Espagne, & cruel Ennemi du permettre de nom Chrétien, qu'il cherchoit à détruire peu à peu dans veaux Evê fes Etats, ne permettoit point, lorfqu'un Evêque mou- ques. roit, que l'on en facrât un autre en fa place: s'il accordoit cette faveur, c'étoit au prix de quelques fommes confidérables d'argent que lui païoient les Chrétiens qui vouloient l'obtenir. Cette conduite faifoit que fouvent les Eglifes reftoient fans Prélats, faute d'être en état de pouvoir acheter le confentement du Prince, fans lequel les autres Evêques n'ofoient fe hazarder à les en pourvoir.

Sur ces entrefaites, le Siége de Grenade vint à vaquer par la mort de Valduigius. Egila Prêtre de cette Ville prit le parti de passer en France, pour s'y faire facrer Evêque de cette Eglife en la place du défunt. Il traita de cette affaire avec Vulc arius ou Ubilicarius, Archevêque de Sens, qui n'ofa point l'ordonner fans confulter auparavant Adrien Pontife de Rome. L'Archevêque en écrivit donc au Pape, qui lui envoïa ordre de le faire, après qu'il l'auroit examiné fur les principaux Points de Religion, & qu'il lui auroit fait promettre de prêcher la Foi Catholique en, Efpagne, contre les erreurs qui s'y étoient répandues, & de ne point quitter fon Diocèse pour un autre. Vulcarius s'acquita exactement de tout ce qui lui fut enjoint; de forte qu'Egila revêtu de la Dignité Epifcopale, s'en retourna en Espagne avec le Prêtre Jean fon Compagnon (B). Ceux qui difent que cet Egila eft le même que Cixila, Archevêque de Toléde, fe trompent groffiérement, parce qu'Egila vécut, comme nous le verrons par la fuite dans le même tems que le Siége Métropolitain de Toléde étoit occupé par Elipand, Succeffeur de Cixila.

Egila Evêque de Greférent de Cixila de Tolé

nade, & dif

de.

Aldégaftre fils naturel du Roi Don Silo, & fa femme Monaftére de Doña Brunilde, fonderent & doterent de grands revenus Ste. Marie le Monaftére de Sainte Marie d'Obone, dans la Principau- les Afturies.

(4) Lettre 96. du Pape Adrien dans GRETSER, dans DUCHESNE & dans PELLICER.

(B) ADRIEN, Lettre 96. Catalogue des Evêques de Grenade dans le Livre de S. MILAN, écrit dans le Siécle X.

d'Obone dans

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