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J. C.

PAGNE

grandes marques d'eftime, & le retint cinq jours; & par 'ANNE'E DE Toléde, où il demeura quelque tems auprès du Saint Vieil- ERE D'ES. lard Wiftremir. De cette derniére Ville, dans laquelle il laiffa une haute idée de fes grandes vertus & de fa fcience, il fe rendit à Cordouë, où fa mere & fes fœurs le revirent avec beaucoup de joie (A).

845.

846.

re gagne une

Infidéles.

En 846. Abderrame s'étant imaginé que le Roi Don RaDon Ram mire avoit beaucoup contribué aux ravages que les Norvictoire fur les mands avoient faits dans fes Etats, forma une groffe Armée, & entra fur les Terres de ce Prince Chrétien. Sur le champ, Don Ramire aïant affemblé fes Troupes, marcha droit aux Ennemis, & les attaqua avec tant de vigueur, qu'il les tailla en pièces, & les contraignit de fortir en diligence de son Païs. Le Roi Don Alfonfe le Grand, dit dans fa Chronique, que Don Ramire combattit deux fois les Infidéles, fans marquer en quel tems, ni en quel lieu; c'eft ce qui fait que je mets cette bataille en la préfente année. Il pourroit bien fe faire qu'elle fe fût donnée dans le Portugal, parce que Bernard Brito dans le Liv. 7. de fa Monarchie Lufitanienne, chap. 13. raconte que le Roi Don Ramire fit une incurfion en Portugal, où il pénétra jufqu'à Monte - Major le Vieux, & fubjugua plufieurs Gouverneurs. Cet Ecrivain afsûre avoir tiré cette Notice d'une Chartre du Roi Don Ramire, en faveur de Jean, Abbé du célébre Monaftére de Saint Mames de Lorban, proche de Coimbre; mais comme je n'ai pas vû ce Diplome, je ne puis juger de fon contenu. Le Roi Don Ramire, très-dévot à l'Archange Saint MiFondation chel, fous la protection de qui il avoit vaincu fes Ennemis, de deux Egli- fit élever en fon honneur, à une demi-lieuë d'Oviedo, un fes par Don Ramire. Temple fomptueux & conftruit avec beaucoup d'art, qui fubfilte aujourd'hui sous le nom de Saint Michel de Lino. Morales, Carvajal & d'autres qui l'ont vû & mesuré, en font un grand éloge (B).

847.

Peu loin de-là, il bâtit au pied du Mont-Narenço, ou fur cette Montagne même une autre Eglife, fous l'Invocation de Nôtre-Dame, à qui il avoit beaucoup de dévotion. Morales, Carvajal & plufieurs autres en louent aussi beaucoup l'Architecture. Je mets ces Fondations en cette

(4) S. EULOGE dans la Lettre à Willefind, Evêque de Pampelune, ALVARE de Cordoue dans la Vie du Saint,

chap. 3.

(B) Don ALFONSE le Grand & la Chronique d'ALBAYDA.

883.

8848

8852

ERE D'ES-
PAGNE.

$85.

886

J. C.

année, parce qu'il n'y a point de tems qui paroiffe plus
propre pour ces Ouvrages, que celui dans lequel le Roi ANNE'E DE
Don Ramire fe trouvoit tranquille (A). Il paroît auffi que 847.
vers ce tems, le Roi follicita les Grands & les Seigneurs du Don Or-
Roïaume, de reconnoître pour fon Succeffeur à la Couron- dogno affocié
ne Don Ordogno fon fils, dont on connoiffoit deja tout le ne avec Don
mérite, & que ce jeune Prince, en faveur de fes belles qua-
lités, fut proclamé Collégue & Succeffeur de fon pere.

Abderrame, Roi de Cordouë, envoïa des Ambassadeurs
à Charles, Roi de France, pour conclure avec lui la paix.
Charles leur donna audience à Reims, & consentit à ce
qu'il défiroit. Un Allemand appellé Bodon, Diacre qui
avoit apoftafié la Religion Chrétienne, pour le Judaïfme,
& qui avoit épousé une Juive, s'étoit fauvé de France en
Efpagne en 839. & s'étoit retiré à Saragoffe. Il y a appa-
rence que ce Renegat avoit auprès d'Abderrame quelque
crédit dont il fe fervit pour exciter ce Prince à contrain-
dre tous les Chrétiens de fes Etats, fous peine de mort, de
fe faire ou Juifs ou Mahométans. Les inftances qu'il fit
l'y déterminer, mirent les Evêques dans la néceffité d'écri-
re au Roi Charles, au nom de tous les Chrétiens de leurs
Diocèfes, pour le prier de demander cet Apoftat au Roi
de Cordoue, afin d'empêcher les maux qu'il cherchoit à
leur faire endurer (B). On ignore quel fuccès eurent leurs
Lettres.

pour

Couron

Ramire foa

pere.

848.

Guillaume

En ce tems, les Normands avoient fait de grands rava-
ges en France; de forte que la Catalogne devoit être mu- furprend Bar-
nie de Soldats. Guillaume, fils de Bernard, Comte de Barcelone & Am-
celone, qui étoit à la Cour d'Abderrame, profita de cette purias,
occafion, pour lier des intrigues fecrettes avec quelques

Partisans de fon
folliciter de lui donner en-
pour
pere, &
trée dans la Ville. Lorfqu'il fe fut afsûré d'eux, il commu-
niqua cette affaire à Abderrame, à qui il demanda des Trou-
pes pour la confommer, s'engageant de fe reconnoître
pour fon Vaffal. Abderrame, flatté de cette promesse, lui
donna les Troupes dont il avoit befoin; de forte que Guil-
laume se mit en marche, & s'avança vers Barcelone. Dès
que Guillaume fut à la vue de cette Place, il fomma fes Con-
fédérés de lui tenir parole ; & ceux-ci lui firent fçavoir les
(A) Don ALFONSE le Grand & la
la || (8) Annales de Saint Bestia,
Chronique d'ALBAYDA

ANNE'E DE
J. C.
848.

Nouvelle confpiration contre Don

mort des

méfures qu'ils avoient prifes pour le faire entrer dans la
Place. Tout étant donc bien concerté, Guillaume fut intro-
duit dans Barcelone, dont il fe rendit Maître par surprise.
Aledran qui en étoit Comte **, au défespoir de cette ré-
volution, s'échapa de la Ville, & l'abandonna à Guillau-
me, qui furprit encore par la fuite Ampurias (A).

Piniole, Comte du Palais de Don Ramire, fâché de voir que Don Ordogno avoit été déclaré Héritier & SuccefRamire diffi- feur du Roi fon pere, & que par-là, tout autre étoit exclu pée par la du Trône, qui devenoit ainfi héréditaire, forma de concert avec quelques autres le déteftable projet d'affaffiner fon Souverain, & de s'emparer de la Couronne. Mais la confpiration *** aïant été découverte & étant parvenue à la connoiffance du Roi, il fut condamné à perdre la vie avec fept fils qu'il avoit. (B).

Chefs

849.

Fameufe victoire de Don

Abderrame, toujours animé du défir de recouvrer tout ce que les Armes du Roi Chrétien lui avoient enlevé, entra Ramire fur les dans les Etats de Don Ramire, à la tête d'une puiffante Armée; mais à peine y eut-il mis le pied, que le Roi Don

Infidéles.

(4) Annales de S. Bertin, la ChroRique de FONTENELLE.

(B) Don ALFONSE le Grand, la Chronique d'ALBAYDA & d'autres.

* L'offre que Guillaume fit à Abder-, rame de le rendre fon Vaffal, s'il l'aidoit à s'emparer de Barcelone, donne lieu de douter qu'il ait agi auprès de ce Monarque Mahométan par ordre de Pepin, comme il eft marqué dans l'Hiftoire de Languedoc, à moins que l'on ne fuppofe, que parjure à fon Prince & à fa Patrie, il ne penfa qu'à fes propres intérêts. Il faut convenir cependant que c'étoit un moien de donner de nouvelles occupations à Charles le Chauve, Ennemi de Pepin; mais ce n'étoit pas chercher à aggrandir les Domaines du dernier aux dépens de ceux du premier. C'étoit plûtôt profiter de la méfintelligence de ces deux Princes, pour les fruftrer l'un & l'autre, d'une partie des biens qu'ils fe difputoient. Il femble donc qu'il eft plus nazurel de croire avec Ferreras, que Guillaume, pour éviter de tomber entre les mains de Charles le Chauve, qui avoit fait mourir fon pere, fe retira de fon propre mouvement auprès d'Abderra

me, & qu'en confidération de l'azile
& des fecours que lui donna ce Roi
Mahometan, il s'engagea de fe recon-
noître fon Feudataire.

** C'est à l'occafion de ce Titre qu'-
Aledran portoit en cette année 848. &
qui ne lui eft pas contefté dans l'Hiftoire
générale de Languedoc, que Ferreras
a jugé que ce Seigneur fuccéda immé-
diatement à Bernard dans le Comté de
Barcelone. Delà vient encore qu'il ne
parle point de Sunifred, parce qu'il
feroit étonnant que celui ci eût été f
promptement dépouillé de ce Comté,
fur-tout lorsque l'Hiftoire ne nous ap-
prend point qu'il fut alors difgracié de.
Charles le Chauve.

** Mariana dit qu'elle arriva la cinquième année du Régne de Don Ramire, & l'on voit en marge année 850. Or, fuivant cette Epoque & ce calcul, il eft évident qu'il ne fait commencer le Régne de Don Ramire qu'ea 845. où il fixe la mort de Don Alfonfe fon Prédéceffeur, comme il eft marqué dans une Note fous l'année 843.. & que par conféquent tout ce qu'il fait faire à ce Prince en 844. avec le Titre de Roi, eft ou faux ou déplacé.

Ramire

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RE

PAGNE.

887.

Ramire marcha à fa rencontre avec la fienne, l'attaqua &

J. C. 849.

ce Prince.

EDES le défit (A). Quelqus-uns jugent que cette Victoire eft la ANNE'E DE même que les Hiftoriens Modernes * Efpagnols prétendent fur l'autorité de Don Roderic, que Don Ramire gagna fur les Mahométans dans les Champs de Clavijo, par le fecours de l'Apôtre S. Jacques, qui lui apparut en fonge pour l'exciter à retourner au combat, & qui, par une assistance visible, lui procura ce glorieux Triomphe. Ils ajoûtent Ils ajoûtent Vou fait à qu'en actions de graces, il engagea par unVou, tout fon S.Jacques par Peuple à païer au Saint Apôtre une mefure de Bled par chaque Arpent de terre. On prétend qu'il expédia à cette occafion un Privilége qui a fourni matiére à une ample contestation, dans laquelle on a beaucoup écrit de part & d'autre. J'ai entre mes mains toute la procédure qui a été faite à ce sujet, à la Chancellerie de Valladolid; & entre autres pièces, un Mémoire très-fçavant, écrit par Lazare Gonçalez d'Azebedo, en faveur de ceux qui foutenoient l'exemption, & un autre bien raifonné, mais fans nom d'Auteur, pour l'Eglife de Saint Jacques : ce dernier a été imprimé à Madrid par Thomas Juncti en 1624.

Ce qu'on

la Chartre

Pour moi, ce que je penfe fur cette matiére, eft, qu'en vertu de la Tradition continue & immémoriale, on ne peut doit penfer de fe difpenfer de fatisfaire à ce Vou ; & c'eft en cette con- que l'on profidération que les Pontifes de Rome & les Rois d'Efpagne, duit pour le ont ordonné de païer le tribut mentionné à l'Eglise de Saint prouver. Jacques. A l'égard du Diplome que l'on dit avoir été ex-, pédié par Don Ramire, à l'occafion de ce Vou, je le tiens pour faux, parce que dans la date, dans les Soufcriptions, & dans tout ce qu'il contient, il y a une infinité de chofes contraires à la vérité de l'Hiftoire, comme je pourrois le montrer plus amplement, s'il étoit néceflaire.

(4) Don ALFONSE le Grand,

On voit par ceci le peu de cas que Ferreras fait de ce que l'on raconte de cette bataille de Clavijo; car fi aucun Ancien n'en a parlé, dans quelque endroit Don Roderic, qui n'a vécu que dans le XIII. Siécle, & qui a fervi de guide à ces Modernes, dont parle Ferreras, a-t'il pû puifer cette connoiffan ce? Il faut donc convenir que cette bataille de Clavijo eft purement imaginaire, & que Mariana qui la met fous l'année 844. a eu tort d'adopter cette Tome II.

Fable & toutes celles qui l'accompa-
gnent. J'ajoûterai encore avec Ferre→
ras, que le Vou que ces Hiftoriens
font faire par Don Ramire I. à Saint
Jacques, n'a été fait, comme on le voit
dans la Chronique d'Iria, que par Don
Ramire II. en l'année 938. où il en
fera parlé, à l'occafion d'une guerre
qu'il eut avec Abderrame III Roi de
Cordoue; d'où il fuit qu'en confondant
ainfi ces deux Princes Chrétiens de mê-
me nom, ils font un Anacronilme con-
fidérable.

F fff

de voiles, fans ofer reparoître fur les Côtes des Etats du ANNE'E DE Roi Don Ramire (A).

J. C. 844.

Mort de Bernard, Comte de Barcelone.

D'autres Vaiffeaux Normands, au nombre de cinquante-
quatre grands & de plufieurs autres petits, allerent de la
Corogne en fuivant là Côte, jusqu'à la Baye de Lisbonne
où ils mouillerent. On n'eut pas plûtôt jetté l'ancre, que
les Pirates, étant défcendus à terre, pillerent, faccagerent
& brûlerent tous les dehors de la Ville, & mirent dans
les fers toutes les perfonnes qu'ils purent attrapper. A la
vûe de tant d'hoftilités, les Habitans de Lifbonne firent
fçavoir à Abderrame ce qui fe paffoit, & ce Prince leur
écrivit pour les engager à fe défendre avec valeur, pendant
qu'il affembleroit des Troupes pour accourir à leur fecours.
Cependant les Pirates jugeant qu'il leur feroit très-difficile
de s'emparer de Lisbonne, remirent à la voile, enrichis de
butin & d'Efclaves. Don Roderic, qui parle de ces événe-
mens dans l'Hiftoire des Arabes, marque l'Egire 229.
qui commença le 29. de Septembre de l'année précédente;
de forte qu'on doit les mettre en cette année, parce que le
tems de cette Egire, propre pour la navigation, concourt
avec la préfente année 844. Cette remarque fervira auffi
pour l'année fuivante.

Le Roi Charles, curieux de réduire fous fon obéiffance
toute l'Aquitaine & la Gaule Narbonnoife, parce que celle-
ci tenoit pour Bernard, Comte de Barcelone, & l'autre
pour Pepin, vint en perfonne en folliciter la paifible pof-
feffion. Aïant convoqué les Etats proche de Toulouse,
y manda le Comte Bernard, & le fit affûrer qu'il pouvoit
s'y rendre fans aucune crainte. Bernard, qui reconnoiffoit
qu'il étoit trop foible pour fe maintenir dans l'indépendan-
ce, ne fit point difficulté d'obéir. Etant entré dans l'Assem-
blée, il fe profterna à genoux pour baiser la main du Roi
& lui faire fes foumiffions; mais lorsqu'il fe difpofoit à se
relever, Charles le faifit avec la main gauche & tira de la
droite un poignard qu'il lui enfonça dans le fein. C'est ainfi
que cet événement eft rapporté par Baluze fur l'autorité
d'Odo Alibertus. D'autres difent que Bernard aïant refufé de
fe rendre aux Etats, le Roi Charles envoïa quelques Trou-
pes qui le prirent & l'amenerent en fa préfence, & que

(4) Don ALFONSE le Grand, la Saint Bertin, LE MOINE de Silos &
Chronique d'Oviedo, les Annales de

d'autres.

ce

ERE D'EL

PAGNE.

8824

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