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c'est à la clarté de cette lumiere que le Philofophe doit marcher.. J'ai établi les fondemens de la préexistence des Germes, & j'ai fait fentir l'infuffifance des explications purement mécha niques. M. de REAUMUR étoit bien éloigné de recourir à de femblables explications, comme on le voit par le paffage que je viens de citer, & mieux encore par l'extrait de la Lettre qu'il m'écrivit le 21 de Décembre 1742, que j'ai rapporté ci-deffus (1). Toute la difficulté fe réduit donc à expliquer fuivant hypothefe des Germes, la régénération d'une partie déterminée de patte, d'une moitié, d'un quart, &c. Si la reproduction de la patte entiere ne peut être le produit d'une méchanique fecrette, la régénération d'une partie de cette patte ne fauroit l'être non plus. Il faut donc que ce qui fe régénere préexiftât originairement en petit, car nous ne concevons pas mieux la production méchanique d'une partie de patte, que celle d'une patte entiere, & l'une & l'autre font également oppofées aux faits qui prouvent la préexistence des Germes. Je ne vois d'ailleurs aucun inconvénient à admettre qu'il y a dans chaque patte de l'Écreviffe, une fuite de Germes qui renferment en petit, des parties femblables à celles que la Nature a intention de remplacer. Je conçois donc que le Germe placé à l'origine de l'ancienne patte, contient une patte entiere, ou cinq articulations; que celui qui le fuit immédiatement contient une patte qui n'a que quatre articulations, & ainfi des autres. Si M. de REAUMUR nous eut dit tout ce qui fe paffe dans la régénération d'une fimple pince, nous ferions plus en état d'analyfer ceci. Je me propose de tenter quelques expériences pour m'en inftruire & j'invite les Phyficiens à remanier ce fujet intéressant, & qui a tant d'analogie avec l'importante matiere de la génération. La nouvelle patte, femblable en tout à l'ancienne, contient auffi des Germes destinés aux mêmes fins, & l'emboîtement de ces Germes les uns dans les autres n'effraie que l'Imagination

(1) Article CCLV.

,

CHAP. I.

CHAP. II.

comme je l'ai dit ailleurs. Le Philofophe ne mettra pas ici les Sens à la place de l'Entendement pur; raifonner n'est pas imaginer (1).

3

tion à la

théorie des reproductions du Po

lype.

Vues de l'Auteur.

CHAPITRE I I.

Continuation de l'hiftoire des boutures & des greffes animales.'

Effai d'explication des Polypes.

CCLXIII.

IL

L eft tems enfin que je revienne aux Polypes: on Introduc- ne me reprochera pas d'avoir différé jufqu'ici à effayer d'expliquer les faits qu'ils nous offrent, & dont j'ai crayonné le tableau dans le Chapitre XI de la premiere Partie. Je voulois me faciliter à moi-même cette entreprise, en puifant dans l'examen de faits analogues, des principes de folution, dont je puffe faire une application heureufe aux Polypes. Tel a été le but de mon travail dans les deux Chapitres qui ont précédé immédiatement celui-ci : j'ai comparé entr'eux les faits que ne fourniffoient les Végétaux ; j'ai étendu les comparaifons aux faits que j'ai obfervés dans différentes Efpeces de Vers qui peuvent être multipliés de bouture, & de cet examen réfléchi j'ai vu naître une conféquence générale en faveur de l'évolution. Cette conféquence ne paroîtra pas précipitée à ceux de mes

(1) La merveilleufe reproduction de tous les membres de la Salamandre aquatique, préfente bien d'autres difficultés. J'ai tenté d'en applanir quelques unes, & d'appliquer à ces reproductions les principes que j'ai expofés dans ce Chapitre. Je ne me flatte pas d'y avoir toujours réuffi. Les vrais Philofophes en jugeront. C'eft dans la Part. X

de la Palingénéfie, que j'ai raffemblé mes dernieres méditations fur les Germes. On pourra confulter aufli le Programme de M. SPALLANZANI, & le Mémoire que j'ai publié fur les reproductions de la Salamandre, Journal de Phyfique, Novembre 1777, & où j'ai raconté mes propres expériences.

Lecteurs, qui fe donneront la peine de fuivre ma marche & de méditer mes idées. Ils jugeront, comme moi, que les faits concourent à établir le grand principe de la préexistence des Germes. Ils ne croiront pas devoir l'abandonner, à la vue des prodiges que l'hiftoire des Polypes nous préfente; mais ils préféreront de chercher avec moi comment ces faits étranges fe concilient avec la loi de l'évolution. Je ne forcerai point ces faits à venir fe ranger fous cette loi; je me bornerai à les comparer aux faits analogues qui lui font évidemment foumis, & là où je n'entreverrai point de folution fatisfaifante , j'en avertirai: je tâcherai à ne jamais confondre le douteux avec le probable, & l'aveu de mon ignorance ne mę coûtera point d'effort. Nous ne fommes encore qu'à la naiffance des chofes ; pourquoi un Philofophe rougiroit-il de ne pas expliquer tout? Il y a mille cas où un je n'en fais rien vaut mieux qu'une tentative préfomptueufe.

CCLXIV. Il n'y a pas de difficulté à l'égard de la repro duction du Polype coupé tranfverfalement on voit affez que ce fait revient à celui des Vers que j'ai coupés de cette maniere; & avoir expliqué l'un, c'est avoir expliqué c'eft avoir expliqué l'autre. Seulement tout paroît s'opérer plus promptement & plus facilement dans le Polype. La force reproductrice y eft douée d'une plus grande énergie, & elle y exerce fon activité jufques dans les moindres parties. En quelqu'endroit qu'on coupe le Polype, & quelque petite que foit la partie qu'on retranche, la reproduction a lieu ordinairement, & dans cette partie & dans le tronc. Un Polype haché fe reproduit pareillement, & donne autant de Polypes que la divifion a fait de portioncules. Enfin, M. ROEZEL, bon Observateur, affure qu'il a vu les bras du Polype divifés, devenir des Polypes complets. M. TREMBLEY avoit cherché à voir ce fait; il n'y avoit pas réuflì, mais il a averti qu'il ne le jugeoit pas impoffible (1).

(1) Mémoires fur les Polypes à bras in-8vo. Tome II, page 171.

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CHAP. II.

Comment

LE Polype eft donc un Tout organique dont chaque partie chaque molécule, chaque atome tend continuellement à produire. Il eft, pour ainfi dire, tout ovaire, tout Germes. En mettant un Polype en pieces, on détourne au profit des Germes cachés dans chaque portioncule, le fuc nourricier qui auroit été employé à l'accroiffement du Tout ou à d'autres ufages.

CECI n'a pas befoin d'explication après ce qu'on a lu dans les Chapitres précédens fur les reproductions des Végétaux, & fur celles des Vers que j'ai multipliés en les coupant tranfverfalement; je paffe donc à d'autres faits (1).

CCLXV. C'EST une chofe indifférente à la reproduction du

(1) tt Je prie le Lecteur de faire ici ufage de la remarque fur laquelle j'ai beaucoup infifté, dans le Chapitre I de la Part. IX de la Contemplation de la Nature: favoir, qu'il ne faut pas borner la fignification du mot de Germe, à exprimer un Corpufcule organique qui ren. ferme actuellement très-en petit, toutes les parties qui caractérisent l'Efpece; mais qu'il faut encore étendre cette fignification à toute préformation organique dont un Animal peut réfulter, comme de fon principe immédiat. Il doit fuffire au but qu'on s'eft propofé dans cet Ouvrage, que les loix de la multiplication foient toujours conftantes, quoique trèsdifférentes dans les différens Ordres d'Animalité. Ainfi, il ne faudroit pas comparer, comme je l'ai fait dans cet Article CCLXIV, la régénération du Polype coupé tranfverfalement, à celle des Vers d'eau douce, dont il a été queftion dans le Chapitre XI de la pre

miere Partie. Le Polype fuit probablement d'autres loix à peine une portion de l'Infecte a-t-elle été coupée, qu'elle eft en état de dévorer fa proie. Il femble que la faculté de dévorer réfide actuellement dans toute l'étendue du boyau qui forme le corps de l'Infecte. Il n'en est pas de même des portions des Vers d'eau douce: elles ne peuvent manger que lorfqu'elles ont achevé de refaire une tête, & ce qu'on obferve dans cette régénération, paroît différer beaucoup de ce qui fe passe dans le Polype. La maniere dont je m'étois exprimé ici fur ce fujet, n'étoit pas exacte, parce qu'elle laiffoit entendre que le Polype rerouffoit une nouvelle tête à la façon de mes Vers d'eau douce, & ce n'eft point cela. Je me fuis bien expliqué là-deffus dans le Chapitre de la Contemplation que je viens de citer, & dans la Partie X de la Palingénéfie.

&

Polype, qu'il foit coupé fuivant fa longueur ou fuivant fa
largeur dans un Polype partagé par le milieu fuivant fa lon-
gueur, chaque moitié repréfente d'abord un demi-tuyau ; les
bords oppofés de ce demi-tuyau fe rapprochent bientôt
en moins d'une heure, il devient un tuyau parfait. La réunion
des bords eft fi exacte, qu'elle ne laiffe fur le corps aucune
marque de cicatrice. Tout cela va fi vîte, qu'il n'a pas été
poffible à M. TREMBLEY de fuivre les progrès de cette régé-
nération au bout de trois heures, il a vu le Polype régénéré.
prendre de la nourriture; la tête s'étoit refaite; mais elle n'a-
voit que la moitié des bras qui avoient appartenus à l'ancien
Polype. De nouveaux bras ne tarderent pas à pouffer à l'op
pofite des anciens, & rien ne manqua plus à la perfection de
l'Infecte (1).

QUOIQUE des yeux perçans & éclairés n'aient pu découvrir tout ce qui fe paffe dans la réunion des bords d'une moitié de: Polype partagé fuivant fa longueur, on peut fans présomption, chercher à fe faire une idée de la maniere dont cette réunion s'opére. Au fond, elle n'a de furprenant que fon extrême promptitude, & elle revient d'ailleurs pour l'effentiel, à celle de deux écorces ou de deux peaux qui végétent encore. Un ̧ certain degré de contraction, ou certains mouvemens de l'In-. fecte, peuvent fuffire pour rapprocher l'un de l'autre les bords oppofés, & même pour en procurer le contact. Dès que les bords de la plaie fe touchent, les vaiffeaux correfpondans s'abouchent; de nouveaux vaiffeaux (2) fe développent, comme dans les greffes, & multiplient les points de liaifon ou d'a-.

(1) Ibid. Page 168, &c.

(2) tt Il faut faire ici une remarque femblable à celle qu'on a faite fur le mot de Germe, dans l'Article CCLXIV. Le mot de vaiffeau ne doit pas être pris au fens étroit: il doit fignifier tout

ce qui eft propre à contenir, à prépa..
rer ou à tranfmettre quelque liqueur
&c. La comparaifon avec la greffe végé
tale ne doit pas être trop preffée, & l'on
doit ufer de l'analogie avec retenue

CHAP. II.

on peut cons'opére la reproduction du Po..

cevoir que

lype partagé par le milieu

fuivant fa

longueur

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