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bouchement; le cours des liqueurs eft rétabli & avec lui l'économie vitale. Dans un Infecte, qui n'eft prefque qu'une gelée épaiffie, les fibres ont tant de foupleffe, tent de ductilité, qu'il n'eft pas étonnant que des plaies énormes s'y confoli dent fans cicatrice apparente. Il ne l'eft pas davantage que la confolidation y foit très-prompte; les tems du développement répondent à la délicateffe des organes; plus ils font délicats ou extenfibles, & plus le développement eft prompt (1). L'élément que le Polype habite, contribue encore à la rapidité de l'accroiffement, en confervant aux fibres leur extrême foupleffe.

CCLXVI. Ce que je viens de dire s'applique facilement aux Hydres dont j'ai parlé, Article CXC. Si une portion de Polype coupé en partie fuivant fa longueur, conferve affez de largeur, pour que les bords oppofés puiffent fe rapprocher jufqu'à fe toucher, cette portion prendra bientôt la forme d'un tuyau, & ce tuyau deviendra un Polype. Mais il n'en va pas de même de portions fort étroites ou de très-petits fragmens: j'ai dit d'après M. TREMBLEY, que ces portions ou fragmens fe renflent, & que l'intérieur du renflement eft le nouvel eftomac (2).

Ici l'on ne peut pas tout voir; il faut fouvent fe contenter d'entrevoir. J'ai affez prouvé que la Nature ne crée rien; elle ne crée donc pas ce nouvel eftomac mais l'on comprend que la peau du Polype peut n'être pas fimple, qu'elle peut être compofée de deux membranes principales dont la duplicature fournit au nouvel eftomac. Je ne fais pas précisément pourquoi ces deux membranes fe féparent dans de très-petites portions, & pourquoi elles ne fe féparent pas dans des portions plus larges: j'entrevois feulement que dans celles-ci, les

(1) Voyez l'Article CLXVII.

(2) Mém. fur les Polypes à bras, in-8vo. Tome II, page 206, &c.

bords

bords oppofés fe rapprochant promptement, ces membranes peuvent n'avoir ni le tems ni les moyens de fe féparer. Dans le premier cas, les chairs ont des points d'appui qui leur permettent les mouvemens néceffaires à la réunion des bords; dans le fecond, elles en font dépourvues, & la cause qui opére la féparation peut agir. J'ignore quelle eft cette caufe, & je ne. cherche point à la pénétrer; il me fuffit que ce petit fait ne choque point mes principes.

CCLXVII. CES fragmens de Polype, devenus eux-mêmes des Polypes, nous offrent une grande fingularité : ce qui formoit l'intérieur de l'ancien eftomac, compofe à préfent une partie de l'extérieur de l'Infecte: car un des côtés de chaque fragment appartenoit à l'intérieur de l'ancien Polype. Le dedans du Polype eft donc fi femblable au dehors, qu'ils peuvent être fubftitués l'un à l'autre, fans que les fonctions vitales en fouffrent. Il regne donc beaucoup de fimplicité & d'uniformité dans les organes. L'observation, comme l'expérience, conduit à ce résultat je l'ai déja remarqué; à l'aide des meil leurs microscopes, on ne voit dans le Polype qu'un amas de petits grains répandus par-tout. Sans doute qu'il y en a encore dans toute l'épaiffeur de la peau, & dans cette duplicature qu'on peut y foupçonner. Quand on connoît cette ftructure, & qu'on fait ce qui arrive aux fragmens du Polype, l'on n'est plus furpris du fuccès de ce retournement que j'ai décrit dans l'Article CCV; mais on ne ceffe point d'admirer le Génie qui a conçu & exécuté le premier une opération fi neuve & fi délicate. Le Polype n'étoit pas appellé par la Nature à être retourné & déretourné, mais il étoit fait de maniere qu'il pouvoit l'être. Son organisation étoit en rapport avec différens cas poffibles, dont plufieurs fuppofoient la main de l'Homme.

CCLXVIII. Nous avons vu combien les vaiffeaux du Polype ont de difpofition à s'aboucher & à s'unir: ils ne la doivent Tome III.

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peut-être qu'à leur confiftance prefque gélatineufe. Des parties folides de l'Embryon, des doigts, par exemple, s'uniffent dans la matrice des fruits, des feuilles encore tendres, s'uniffent pareillement. I eft donc très-naturel que les portions du même Polype, & que des portions de Polypes différens, rapprochées & mifes bout à bout, fe greffent les unes aux autres par approche. Un Polype ne differe apparemment pas plus d'un autre Polype, que le Prunier ne differe de l'Amandier. J'ai prouvé que l'union de la graffe avec le Sujet, s'opére par le développement de petits vaiffeaux, d'abord gélatineux, puis herbacés, enfuite corticaux, qui paffent réciproquement de l'un à l'autre. Il y a lieu de préfumer qu'il fe fait quelque chofe d'analogue dans les portions d'un ou de plufieurs Polypes, qu'on force à fe toucher. Elles ne s'uniffent d'abord que par un fil délié, mais l'union devient plus intime & plus parfaite à mesure qu'il fe développe de nouveaux vaiffeaux, & que les points de communication fe multiplient. Le fait n'est pas plus merveilleux dans l'Animal que dans le Végétal; car le Polype eft prefque une Plante, par la fimplicité de fa ftructure. Elle eft d'ailleurs telle, que des portions de Polype prifes à volonté, contiennent, comme un rameau ou une feuille, tous les organes effentiels à la vie végétative. Elles peuvent donc végéter à part, & faire de nouvelles productions. Ifolées, elles poufferoient une tête, des bras, une queue; mifes bout à bout, elles ne font que s'unir. La molleffe de l'Infecte rend même cette greffe moins finguliere que celle du Végétal: mais on étoit familiarifé avec les greffes végétales, & on ne l'étoit: pas encore avec les greffes animales.

CCLXIX. EN avalant une proie, le Polype avale fouvent fes propres bras; quelquefois deux Polypes fe difputent la même proie, & l'un avale les bras de l'autre ; on s'attend qu'ils vont être digérés avec la proie: point du tout, ils reffortent de l'eftomac fans altération apparente. Ce qui opére la

CHAP II.

pes,

mis l'un

digestion dans le Polype, n'a donc pas de prife fur les parties propres à l'Infecte. M. TREMBLEY a vu un Polype demeurer qua- dans l'autre. tre jours dans l'eftomac d'un autre Polype, & en ressortir plein de vie (1). L'Observateur, toujours fécond en vues fines, l'avoit introduit dans le corps de l'autre, pour tenter par ce moyen ingénieux une nouvelle forte de greffe. Il femble donc qu'un Polype ne puiffe en diffoudre un autre; mais une portion de Polype peut s'unir extérieurement à une autre, & l'intérieur de quelque portion que ce foit, ne differe point de fon extérieur : enfin, il n'est aucun point de l'extérieur ou de l'intérieur d'un Polype, qui ne puiffe faire des productions. Si donc on parvenoit à retenir un Polype dans un autre Polype, il est probable qu'il s'y grefferoit & qu'il doubleroit en quelque forte le Polype extérieur. M. TREMBLEY a fu l'exécuter comme je l'ai raconté, Article CCII: les deux Polypes fe font exactement confondus, & les deux têtes n'en ont formé fûrement qu'une feule; mais la fage défiance de l'Auteur ne lui a pas permis de prononcer fur la réalité de l'union des deux corps je ne faurois dire, remarque-t-il (2), ce qu'eft devenu le corps du Polype intérieur, s'il a été diffous dans leftomac du Polype extérieur, ou s'il s'eft incorporé avec ce dernier Polype; mais je puis assurer que j'ai vu ce corps de Polype intérieur dans le Polype extérieur, plufieurs jours après qu'il y a été introduit. Par rapport à la tête du Polype intérieur, je fuis assuré qu'elle s'eft réunie avec celle du Polype extérieur. Je ne raifonne ici que fur les faits que notre excellent Obfervateur me fournit, & je ne dois pas tirer de ces faits, des conféquences que lui-même n'a pas ofé tirer. Ainfi, je me bornerai à faire obferver, qu'en admettant la réalité de l'union dont il s'agit, elle s'expliqueroit heureusement par les príncipes que nous offrent divers faits analogues. Cette efpece de greffe en flute ne differe pas extrêmement de celle

(1) Ibid. Page 274.

(2) Ibid. Page 283.

CHAP II.

Appréciation des merveilles du Polype. Que la régé nération des plaies des

grands Ani

maux nous offre des

faits auffi merveil.

leux.

rience de M. DUHAMEL.

qu'on exécute fur le végétal; & s'il étoit une fois prouvé que le Polype qu'on retient dans l'intérieur d'un autre, ne s'y diffout pas, on comprendroit que les deux Polypes devroient s'unir plus facilement que deux écorces; car les deux côtés d'une écorce ne fe reffemblent pas autant que les deux côtés d'un Polype, & une écorce n'a ni la molleffe ni la ductilité de la peau de cet Infecte. Je prie qu'on fe rappelle ici ce que j'ai dit dans le Chapitre XII de la Ire. Partie, fur la néceffité de l'analogie entre la greffe & le Sujet.

CCLXX. LORSQU'ON entend dire qu'un Phyficien a greffé la tête d'un Animal fur le tronc d'un autre; qu'il a introduit un Animal dans l'intérieur d'un autre Animal, & que les deux Animaux n'en ont fait qu'un, qui a vécu & multiplié; le merveilleux s'empare de l'efprit', au point qu'il n'y refte pas de place pour des explications fimples & naturelles. Cependant dès qu'un Philofophe examine de fang froid les faits, qu'il les compare entr'eux, qu'il les compare aux faits relatifs, & fur-tout, dès qu'il réfléchit fur la nature du Polype, le merveilleux difBelle expé- paroit, & il ne refte plus que l'impreffion paffagere de la nouveauté. Je ne dis point ceci pour affoiblir la jufte admiration que les Polypes doivent nous inspirer, non pour eux-mêmes, mais pour l'étonnante fagacité de celui qui nous les a fait connoître. Les grands Animaux nous offrent des particularités qu'un Anatomifte inftruit jugeroit plus remarquables encore que celles que renferment les Polypes. Je difois il y a treize ans dans ce Parallele des Plantes des Animaux, que je publierai peut-être un jour (1), que fi l'on pouffoit les recherches fur les plaies, on y découvriroit plus de merveilles que dans le Polype. Je fondois ma réflexion fur la composition & fur la variété des parties qui peuvent fe régénérer & s'unir. J'ignorois alors une

(1) + Je l'ai publié en 1764, dans la Partie X de la Contemplation de la Nature.

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