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belle expérience de M. DUHAMEL (1), qui met cette réflexion CHAP. II. dans un grand jour, & la juftifie. Après avoir rompu l'os de la jambe d'un Poulet, & avoir donné au cal le tems de fe former, il a coupé les chairs vis-à-vis, dans un tiers de la circonférence de la jambe, en pénétrant jufqu'à l'os, qu'il a même ratiffé. La confolidation s'étant faite, il a coupé de même les chairs du fecond tiers, en anticipant un peu fur l'ancienne plaie. I en a fait autant dans l'autre tiers. Par-là, toutes les parties folides ont fouffert une folution de continuité, & pourtant la Nature a réparé ce grand défordre; toutes ces parties fe font régénérées, réunies, greffées; de nouvelles fibres, de nouveaux vaiffeaux fe font développés au-deffus & au-deffous de l'incifion; ils fe font abouchés ; la circulation a été rétablie & l'injection a paffé librement d'un bout à l'autre de la jambe. Qu'on mé̟dite un peu cette expérience, qu'on réfléchiffe fur le nombre de veines, d'arteres, de vaiffeaux lymphatiques, de fibres charnues, tendineufes, mufculaires, qui ont dû fe reproduire, croître, fe réunir; & l'on conviendra, je m'affure, que la régénération de tant de parties diffimilaires eft plus remarquable encore que celle du Polype, dont toutes les parties font pref que fimilaires. J'ai indiqué en plufieurs endroits de ce livre, ce qu'on peut penfer de plus raifonnable fur la maniere dont ces fortes de reproductions s'opérent confultez en particulier l'Article CCXXXVI.

CCLXXI. Il ne faut pas aller dans le cabinet d'un Obfervateur de Polypes pour voir un exemple frappant de greffes animales ; il en eft une que les gens de la campagne exécutent dans les baffes-cours, & qui a dequoi épuifer la fagacité du plus habile Phyficien. Mon Lecteur comprend que j'ai en vue cette greffe de l'ergot du Coq fur fa crête, dont j'ai parlé dans le Chapitre XI de la Ire. Partie: j'ai réfervé pour celui-ci

(1) Mém. de l'Académie, An. 1746.

Explication de la greffe

de l'ergot
du Coq fur
fa crête

CHAP. II.

ce qu'elle offre de plus fingulier & de plus embarrassant. Cet ergot, qui n'eft pas plus gros qu'un grain de Chenevis, quand on l'infere dans la duplicature de la crête coupée, y prend racine, & croit en fix mois, de demi - pouce. Au bout de quatre ans, il devient une corne de trois à quatre pouces de longueur. L'expreffion eft exacte; c'eft une véritable corne, femblable à celle du Boeuf, & qui a comme elle un noyau offeux. Elle parvient à s'articuler avec la tête par un ligament capfu laire, & par diverfes bandes ligamenteules. Mais ce ligament & ces bandes n'exiftent point dans l'ergot ni dans la crête : la plus fine Anatomie ne peut les y retrouver. En concluronsnous que la Nature crée ces nouveaux organes ? Je ne le penfe pas, elle ne crée ni le bourlet des greffes, ni le cal, ni la patte de l'Écreviffe, ni la tête du Polype, &c. Nous admettrons plus volontiers, que ces organes préexistoient invifibles dans l'ergot & dans la crête, mais avec des déterminations différentes de celles qu'ils ont reçues de la greffe. La tête eft pour l'ergot un terrein bien différent de celui où il étoit appellé à croître. L'on n'ignore pas combien la qualité des fucs, leur abondance ou leur difette modifient les productions. On fait encore qu'une légere altération qui furvient à des fibres tendres, porte fur toute la durée de l'accroiffement, & fuffit pour changer les formes, les proportions, la confistance. La fubftance cornée de l'ergot fe mêlant à la fubftance charnue de la crête, peut donner naissance à de nouvelles variétés. Le tissu d'un ergot imite affez celui d'une corne, & fi la crête est charnue, combien de parties molles qui s'offifient par accident! Combien de monftruofités qui céleroient leur origine, fi un examen attentif ne la dévoiloit! C'eft ici une monftruofité par art. Rappellerai-je les exofofes? Parlerai-je de cornes qui ont pouffé fur différens endroits du corps humain? Je dois éviter ces détails qui m'éloigneroient de mon objet principal. Si des parties aufli peu analogues qu'un ergot & une crête, fe greffent, y a-t-il lieu de s'étonner que cela arrive à des portions du Po

lype ? L'AUTEUR de la Nature n'a pas plus fait l'ergot pour être greffé, que le Polype pour être retourné; mais IL leur a donné une structure qui répond à divers cas poffibles. Il a pourvu aux circonftances les plus rares comme aux plus communes; & les conditions relatives aux premieres, embraffoient des circonstances plus rares encore,

CCLXXII. UN Polype déretourné (1) en partie, fe greffe sur lui-même en partie; au moins les deux peaux s'appliquent-elles immédiatement l'une à l'autre, & paroiffent-elles s'unir. Ce fait rentre donc dans la théorie des greffes, & il n'eft pas plus fingulier que deux peaux s'uniffent, qu'il ne l'eft que deux têtes se greffent. Mais pourquoi le bout antérieur fe ferme-t-il ? Pourquoi une ou plufieurs bouches fe forment-elles fur le milieu du corps, près des anciennes levres? Pourquoi ces formes bifarres, que les Polypes déretournés en partie revêtent fucceffivement ? Pourquoi....... car il n'y a point ici de fin aux pourquoi. Je pourrois répondre à toutes ces queftions, & à beaucoup d'autres, que je n'en fais rien. Combien de connoiffances, qui nous manquent encore fur le Polype! Combien de circonftances particulieres, combien de petits faits inftructifs qui ont échappé à la pénétration de M. TREMBLEY, & qui échapperont par conféquent à bien d'autres! Ce que je vois clairement & que l'expérience m'apprend, c'eft qu'il n'eft aucun point dans le Polype qui ne puiffe faire des productions; qu'il n'est aucun point où il ne puiffe fe former une tête, une bouche, des bras. Une multitude d'autres faits m'apprend qu'il n'eft point de génération proprement dite; mais que tout ce qui paroît engendré, étoit auparavant préformé. Les nouvelles têtes, les nouvelles bouches qui paroiffent fur le Polype déretourné en partie, préexiftoient donc à cette apparition. Il refte à affigner les caufes de leur développement: je ne chercherai point à les deviner; je me contenterai de rappeller deux faits; l'un, que la moindre déchi(1) Voyez l'Article CCV.

CHAP. II.

Tentatives

pour rendre
divers phé-
nomenes
que préfen
tent les Po-
lypes dére-

raifon des

tournés en partie.

CHAP. 11

Explication du Polype coupé, retourne, recoupé, &c. Réflexions fur nos idées d'Animali té.

rure suffit pour faire développer une nouvelle tête (1); l'autre, que dans le Polype déretourné en partie, l'extrêmité antérieure forme une espece de bourlet (2); les anciennes levres font donc diftendues; il peut s'y faire des déchirures invifibles à l'Obfervateur, & nous avons vu combien les bourlets favorifent l'éruption des Germes. Qu'une bouche foit formée en partie par les anciennes levres, & en partie par de nouvelles levres qui fe développent; que cette bouche foit garnie d'une partie des anciens bras, & qu'il s'en développe de nouveaux à l'oppofite; c'eft un fait qui fuppofe qu'un développement qui fe feroit fait en entier dans un Polype coupé tranfverfalement, ne se fait qu'à moitié dans le Polype déretourné en partie. La nouvelle bouche, ou les nouvelles bouches prennent de la nourriture; cette nourriture fe répand de tous côtés; le bout antérieur fe prolonge donc, & voilà une queue furnuméraire. Je ne fais pas pourquoi le bout antérieur fe ferme; je ne fais pas non plus pourquoi l'Infecte fe coude; j'entrevois feulement que les mouvemens de la nouvelle partie antérieure peuvent contribuer à cette inflexion. Mais il m'importe fort peu de favoir la raifon de toutes les bifarreries du Polype: probablement elles ne font qu'apparentes; & un Être qui connoitroit la Nature intime de l'In fecte, les rameneroit peut-être à des loix constantes.

CCLXXIII. Je ne reprends ici que les faits effentiels, & relatifs au plan que je me fuis propofé dans cet Ouvrage : je fuppofe toujours que mon Lecteur n'a pas oublié l'abrégé que j'ai donné de l'hiftoire des Polypes, dans le Chap. XI de la premiere Partie. Un Polype coupé, retourné, recoupé, retourné encore, ne préfente ne préfente qu'une répétition de la même merveille, fi à préfent c'en eft une au fens du vulgaire. Ce n'est jamais qu'une espece de boyau qu'on retourne & qu'on re

(1) Mém. fur les Polypes à bras, Tome II, page 224 & 225, in-8vo.
(2) Ibid. Page 236.

Coupe :

Coupe: il eft vrai que ce boyau a une tête, une bouche, des bras; qu'il eft un véritable Animal; mais l'intérieur de cet Animal eft comme fon extérieur ; fes vifceres font logés dans l'épaiffeur de fa peau, & il répare facilement ce qu'il a perdu. Il est donc après l'opération ce qu'il étoit auparavant. Tout cela fuit naturellement de fon organifation; l'adresse de l'Obfervateur fait le refte. Le plus fingulier pour nous, eft donc qu'il existe un Animal fait de cette maniere: nous n'avions pas foupçonné le moins du monde fon existence, & quand il a paru, il n'a trouvé dans notre cerveau aucune idée analogue du Regne animal. Nous ne jugeons des chofes que par comparaison nous avions pris nos idées d'Animalité chez les grands Animaux, & un Animal qu'on coupe, qu'on retourne, qu'on recoupe, & qui fe porte bien, les choquoient directement. Combien de faits encore ignorés, & qui viendront un jour déranger nos idées fur des fujets que nous croyons connoître! Nous en favons au moins affez pour que nous ne devions être furpris de rien. La furprise fied peu à un Philofophe; ce qui lui fied eft d'obferver, de fe fouvenir de fon ignorance, & de s'attendre à tout.

CCLXXIV. DANS les Animaux dont la ftructure nous eft la plus familiere, la Nature a affigné un lieu particulier pour le développement des Embryons & pour leur fortie. Mais dans un Animal dont tout le corps, comme celui d'un Arbre, eft femé de Germes prolifiques, il est naturel que les petits naiffent comme les branches. Le Polype multiplie donc par rejettons: il met fes petits au jour, comme un Arbre y met fes branches (1). La Mere & les Petits ne forment qu'un même Tout; elle les nourrit, & ils la nourriffent un Arbre nourrit fes branches, & il en eft nourri; les feuilles mêmes fe nourriffent réciproquement.

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CHAP. II.

Explication

de la multiplication du Polype par rejettons.

Argument en faveur de

l'emboite

ment.

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