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CHAP. III.

Siege de l'Ame. Sen

fations. Moi du Polype.

ployer à méditer, le tems qu'on à perdu à discourir. Je ne finirois point, fi je voulois refuter tous les mauvais raifonnemens dont le Polype a été le fujet ou l'occafion: peu de gens favent fe faire des idées nettes fur cette matiere abftraite; il en eft même qui traiteroient volontiers de téméraire quiconque oferoit en promettre de telles. Je ne promets rien; mais je vais expofer fimplement les principes que mes méditations m'ont fournis.

CCLXXXIV. LA découverte de l'origine des nerfs a donné lieu de placer l'Ame dans le cerveau. Il n'eft pas besoin que je dife qu'elle n'y réfide pas à la maniere d'un corps: elle n'est pas corps mais elle y eft préfente à la maniere d'une fubftance fimple. Qu'on ne me demande pas ce que c'est que cette préfence; je fais profeffion d'ignorer profondément la nature intime de l'Ame, & je ne la connois un peu elle-même, que par quelques-unes de fes Facultés.

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Je fuppofe donc une Ame dans la tête du Polype. Cette Ame a des fenfations que lui procurent les organes dont l'Infecte eft doué. Elle a un fentiment de la présence de fes sensations; car une Ame ne peut avoir une fenfation, qu'elle ne fente, en même tems, qu'elle l'a. Je ne puis dire ce que c'est que ce fentiment, mon Ame n'eft pas faite pour fentir à la maniere de celle du Polype: mais je vois affez qu'il n'est pas précisément ce que nous nommons en nous confcience ou apperception. La confcience fuppofe toujours un peu de réflexion; & l'on n'accordera pas la réflexion à un Infecte. Tout ce qu'on peut raifonnablement lui accorder, c'est une forte de réminifcence. Le Polype fent qu'il faifit une proie, qu'il l'avale; il fent encore qu'il a du plaifir à la faifir & à l'avaler: il en conferve un certain fouvenir, qui lie les fenfations qui furviennent à celles qui ont précédé. Ce fouvenir conftitue l'efpece de perfonnalité de l'Infede. Il ne peut dire Moi; mais il pof

fede un Moi à fa maniere. Ce Moi s'approprie toutes les fen- CHAP. III. fations; il s'identifie avec toutes. Il eft le Moi qui faifit un Puceron, qui l'avale, qui l'a faifi, qui l'a avalé (1).

CCLXXXV. JE partage l'Infecte par le milieu fuivant fa largeur; il eft bien évident que la portion où tient la tête, eft la feule qui conferve le Moi ou la perfonnalité.

Il n'y a donc plus de Moi dans l'autre portion; car nous avons admis que l'Ame réfide dans la tête; mais cette portion paroit pourtant fentir: elle fe donne divers mouvemens, & j'ai vu une moitié de Ver de terre (2), & des tronçons de mes Vers aquatiques, ramper comme l'auroit fait un Ver complet; il y a plus, ils fembloient conferver encore toutes les inclinations propres à leur Efpece. Je ne veux rien diffimuler; je vais donc augmenter la difficulté en tranfcrivant ici un paffage très-remarquable de mon Traité d'Infectologie, Partie II (3).

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DANS le compte que j'ai rendu ( Obf. II. ) de ma premiere Expérience fur ces Vers, je me fuis arrêté quelque tems à décrire les mouvemens de chaque moitié, pendant les premiers jours après l'opération. J'ai fait remarquer que la feconde, celle qui n'avoit point de tête, alloit en avant à-peu-près comme fi elle en avoit eu une; qu'elle fembloit

(1) ft Quand je dis ici, que je fuppofe une Ame dans la tête ou dans le cerveau du Polype, je ne prétends pas que le Polype ait un cerveau & des nerfs femblables à ceux des grands Animaux. On faifiroit bien mal mes principes, fi l'on me prêtoit une pareille opinion. Mais je pense qu'il eft dans le Polype, certains organes dont les fonc

tions répondent à celles du cerveau &
des nerfs des grands Animaux; & je
fais profeffion d'ignorer profondément
ce que font ces organes. Je me fuis
expliqué difertement là-deffus, Art. XVI
du Tableau des Confidérations.
(2) Voyez l'Article CCXLIV.
(3) Obferv. XIV.

Où réfide le Moi dans l'Infecte qu'on vient de partager en deux

tranfverfalement? Des

mouvemens

qui paroif fent Spon

tanés, & qui ne font que machinaux. Principes propres à les expliquer,

tirés de la doctrine de Virritabilité,

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chercher à fe cacher, qu'elle favoit fe détourner à la rencontre de quelque obftacle, &c. Tout cela, quoique fort remarquable, ne l'eft pas néanmoins autant que ce que j'ai obfervé fur de femblables Vers, peu de tems après leur avoir coupé la tête. Je les ai vus, à mon grand étonnement s'enfoncer dans la boue en fe fervant de leur bout antérieur comme d'une tête, pour s'y frayer un chemin. J'ai vu le Ver N°. II de la Tab. II, ramper le long des parois du vafe de verre, où je le tenois renfermé, & faire effort » pour en fortir, quoiqu'il n'eût ni tête ni queue ".

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CEUX de mes Lecteurs qui ont lu les beaux Mémoires de M. de HALLER fur l'irritabilité, entrevoient déja ce qu'on peut dire pour tacher à réfoudre la difficulté dont il s'agit ici. On fait que l'irritabilité eft cette propriété de la fibre musculaire, en vertu de laquelle elle fe contracte d'elle-même, à l'attouchement de tout corps, foit folide, foit fluide. C'eft par elle, que le cœur, détaché de la poitrine, continue quelque tems à battre. C'est par elle, que les inteftins féparés du basventre, & partagés en plufieurs portions, comme nos Vers continuent pendant un tems, à exercer leur mouvement périfialtique. C'est par elle enfin, que les membres de quantité d'Animaux continuent à fe mouvoir après avoir été féparés de leur tronc. Dira-t-on que ces portions d'inteftins, qu'on voit ramper fur une table comme des Vers, font mifes en mouvement par une Ame qui réfide dans leurs membranes? Admettra-t-on aufli une Ame dans la queue du Lézard, pour rendre raifon des mouvemens fi vifs & fi durables qu'on y obferve après qu'on l'a coupée ? Voudra-t-on encore que ce foit une Ame logée dans l'aiguillon de la Guêpe qui le darde au dehors, affez long-tems après que le ventre a été féparé du corfelet? Affurément ces faits font bien auffi finguliers & auffi embarraffans, que ceux que j'ai rapportés dans le paffage cité ci-deffus qui ne voit pourtant que les uns & les autres

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font que les réfultats d'une méchanique fecrette? M. de HALLER CHAP. III. a prouvé, que le coeur, féparé de la poitrine, ceffe de battre, dès qu'on purge les ventricules du peu de fang qu'ils renfermoient encore: l'irritabilité, cette force dont la nature nous eft inconnue, n'agit plus alors; rien ne l'excite. C'eft donc par les contractions, que l'attouchement d'un corps étranger produit dans les fibres mufculaires de nos Vers, dans celles des portions d'inteftins, dans celles de la queue du Lézard, &c. que s'opérent ces mouvemens qui nous paroiffent volontaires, & qui ne font pourtant que purement machinaux. La machine est montée pour les exécuter, & elle les exécute dès qu'elle eft mife en jeu (1).

CCLXXXVI. CETTE portion du Polype, qui n'avoit ni tête ni bras, ne tarde pas à en pouffer de nouveaux, & déja elle eft un Polype parfait, qui faifit des proies & les avale. S'il n'eft point de nouvelle création dans les Corps, pourquoi en fuppoferions-nous dans les Ames? Si l'AUTEUR de la Nature a jugé convenable de renfermer d'abord tous les Corps organifés dans des Germes, n'eft-il pas probable qu'il y a renfermé auffi, dès le commencement, les Ames qui y deviendront un jour le principe du fentiment & des mouvemens volontaires? Imaginera-t-on qu'à chaque nouveau coup de fcalpel, DIEU crée une Ame pour le Germe qui va fe développer? Cela feroit certes bien peu philofophique; fur-tout fi l'on admettoit des Volontés fucceffives dans la RAISON SUPRÊME. Comment fuppofer une fucceffion d'actes dans cette VOLONTÉ qui a pu créer tout par un feul acte ?

Le Polype qui vient de fe développer fous nos yeux, eft

(1) tt Au commencement de la Partie XV de la Palingénéfie, j'ai essayé de montrer comment on pourroit expliquer par l'irritabilité feule, les princi

paux phénomenes du Polype à bras.
Mais j'ai fait fentir en même tems, que
cette explication n'étoit point celle qui
me paroiffoit préférable.

Nouveau

Moi qui eft comment.

produit, &

Que les Hydres font des Per

fonnes com pofées. Explication du Ver à deux têtes & à deux volontés.

donc une nouvelle Perfonne; qu'on me permette ces expreffions il n'a pu conferver aucun fouvenir des fenfations qui avoient affecté le Polype dont il faifoit auparavant partie. Ce fouvenir eft demeuré attaché au cerveau de l'ancien Polype : un nouveau cerveau s'eft développé dans le Polype que nous confidérons; & les premieres impreffions qui affectent le Po. lype naiffant, font le fondement d'une nouvelle perfonnalité. Il en eft précisément de ce Polype comme du Fœtus de quelque Animal que ce foit: l'Ame de la Mere ne fe partage pas entr'elle & le Foetus; mais celui-ci poffédoit déja dans fon état de Germe, une Ame qui lui étoit propre, & qui commence à fentir, dès que les organes fe font développés jufqu'à un certain point.

CCLXXXVII. UNE Hydre eft un compofé de plufieurs PerJonnes réunies fur un tronc commun. Quand on partage un Polype fuivant fa longueur, en commençant par la tête, on ne divife pas l'Ame; mais elle demeure dans celle des deux moitiés où fon fiege continue à réfider. L'opération peut néanmoins occafioner un tel dérangement dans cet organe, que la perfonnalité en foit entiérement détruite. Il s'en formera donc Remarque une nouvelle, dès que l'organe aura acquis ce qui lui manfur le phé nomene mé- quoit pour tranfmettre à l'Ame de nouvelles fenfations.

taphyfique

que préfentent les Hydres.

IL feroit inutile que je m'arrêtaffe ici à prouver que le Souvenir tient, non à l'Ame, mais au Corps: ceux de mes Lecteurs qui auront médité les principes que j'ai expofés dans mon Effai analytique (1), n'auront pas de peine à en convenir.

CE Ver à deux têtes & à deux volontés, dont il a été beau

(1) Fffai analytique fur les Facultés | Chap. VII, paragr. 57, &c. Chap. XXII, de l'Ame: à Copenhague & à Geneve,

chez les Freres Philibert, 1760, in-4to.

paragr. 626 & fuivans.

coup

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