CHAP. V. CHAPITRE V. Suite des variétés qu'on obferve dans la fécondation & dans la génération des Animaux. CCCXI. JE n'ai pas achevé de crayonner l'esquisse des variétés que nous offrent la fécondation & la génération des Animaux. Ce fujet eft fi riche, que je fuis plus occupé à écarter qu'à raffembler. Je continuerai à infifter fur les excep de quelqu'autre moule; en forte ,, qu'elles peuvent paffer de l'Animal au Végétal, & du Végétal à l'Animal fans altération, & avec la propriété ,, permanente & conftante de leur por ter la nutrition & la vie : feulement il arrive une infinité de générations ,, fpontanées dans cet intermede, où la , puiffance du moule eft fans action, c'eft-à-dire, dans cet intervalle de ,, tems pendant lequel les molécules ,, organiques fe trouvent en liberté dans la matiere des corps morts & décom,, pofés: dès qu'elles ne font point abforbées par le moule intérieur des ,, Etres organifés, qui compofent les ,, efpeces ordinaires de la Nature vivante ou végétante; ces molécules ,, toujours actives, travaillent à remuer la matiere putréfiée, elles s'en ap,, proprient quelques particules brutes, & forment par leur réunion une multitude de petits Corps organifés, dont les uns, comme les Vers de ,, terre, les Champignons, &c. paroif,, fent être des Animaux ou des Végé taux affez grands; mais dont les au,, tres, en nombre prefqu'infini, ne se ,, voyent qu'au microfcope: tous ces ,, corps n'existent que par une géné ration fpontanée, & ils rempliffent l'intervalle que la Nature a mis en,,tre la fimple molécule organique vivante, & l'Animal ou le Végétal; auffi trouve-t-on tous les degrés, toutes les nuances imaginables dans cette fuite, dans cette chaîne d'Etres, qui defcend de l'Animal le mieux organifé à la molécule fimplement orga,, nique prife feule, cette molécule eft fort éloignée de la nature de l'Animal. ....... Et cette génération ,, fpontanée, à laquelle tous ces Etres doivent également leur exiftence s'exerce & fe manifefte toutes les fois ,, que les Etres organifés fe décompofent; elle s'exerce conftaniment & univerfellement après la mort, & ,, quelquefois auffi pendant leur vie, lorfqu'il y a quelque défaut dans l'organisation du corps, qui empêche ,, le moule intérieur d'abforber & de Introduc tion. CHAP. V. tions, parce qu'elles font une branche intéreffante de la Logique du Phyficien. Les Êtres qui choquent nos regles généra les, ne choquent pas fans doute le fyftême général. Ils tiennent à d'autres Êtres, & ceux-ci à d'autres encore, par des دو "" ne finirois pas fi je voulois rappeller ici tous les genres d'Etres qui ne doivent leur existence qu'à la génération fpontanée; je me contenterai ,, d'obferver que le plus grand nom bre de ces Etres, n'ont pas la puiffance de produire leur femblable: ,, quoiqu'ils aient un moule intérieur puifqu'ils ont à l'extérieur & à l'in,, térieur, une forme déterminée qui prend de l'extenfion dans toutes ses ,, dimensions, & que ce moule exerce fa puiffance pour leur nutrition; il ,, manque néanmoins à leur organisation la puiffance de renvoyer les molécu, les organiques dans un réfervoir com. Cependant quelques uns de ces Etres, dit-il (*), tels que les An ,, guilles du mucilage de la farine, femblent contenir des germes de pof térité; nous avons vu fortir, même ,, en affez grand nombre, de petites Anguilles de cette Efpece, d'une Anguille plus groffe; néanmoins cette Mere Anguille n'avoit point eu de Mere. & ne devoit fon existence ,, qu'à une génération fpontanée ; il paroit donc par cet exemple, & par plufieurs autres, tels que la production de la vermine dans les maladies ,, pédiculaires, que dans de certains. (*) Page 342. rapports qui nous font inconnus. Obfervons donc & comparons; mais défions-nous toujours des affertions générales. N'oublions point que nous n'avons que des prémisses particulieres fur la plupart des fujets de Phyfique & d'Hiftoire Naturelle. ,, cas, cette génération fpontanée a la ,, même puiffance que la génération or,, dinaire, puifqu'elle produit des Etres ,, qui ont la faculté de fe reproduire ". L'Auteur rappelle ici, qu'il avoit rapporté dans fon Livre divers faits qui prouvent, felon lui, la réalité de plufieurs générations Spontanées mais il croit convenable d'étayer fa doctrine par deux obfervations qui lui ont été communiquées nouvellement, qui lui paroiffent décifives, & dont il donne un détail très-circonftancié. La premiere concerne de très petits Moucherons fortis en grand nombre d'un cadavre humain exhumé au bout d'un mois & demi la feconde eft celle d'une Chenille à feize jambes, rendue dans un violent accés de toux par une Demoifelle attaquée d'une phthifie pulmonaire. L'illuftre Auteur, qui ne préfume pas qu'on puiffe expliquer raifonnablement de pareils faits autrement que par le concours de fes molécules organiques, croit être en droit d'en conclure : que plus on obfervera la Nature de près, & plus on reconnoîtra qu'il fe produit en petit beaucoup plus d' Etres, de cette façon que de toute autre On s'affurera de même, ajoute-t-il, que cette maniere de génération Spontanée eft non-feulement la plus fréquente & la plus gé nérale, mais encore la plus ancienne, c'est-à-dire, la premiere & ta plus univerfelle. Notre Philofophe s'élevant enfuite à de plus hautes fpéculations, entreprend de montrer comment les molécules or ganiques pourroient par elles-mêmes pro. duire une nouvelle Nature, fi la Nature actuelle venoit à être anéantie. : Suppofons pour un inftant, ditil (*), qu'il plût au SOUVERAIN ETRE de fupprimer la vie de tous les Individus actuellement exiftans, que tous fuffent frappés de mort au même inftant les molécules organiques no laifferoient pas de furvivre à cette mort univerfelle le nombre de ces molécules étant toujours le même, & leur effence indeftructible auffi permanente que celle de la matiere brute ,, que rien n'auroit anéanti, la Nature ,, poffederoit toujours la même quantité de vie, & l'on verroit bientôt pa,, roître des Efpeces nouvelles qui remplaceroient les anciennes ; car les molécules organiques vivantes fe trouvant toutes en liberté, & n'étant ni pompées ni abfoibées par aucun moule fubfiftant, elles pourroient travailler la matiere brute en grand, produire d'abord une infinité d'Etres organifés, dont les uns n'auroient que la faculté de croitre & de fe nourrir, & (*) Page 359 & fuiv. CHAP. V. CHAP. V. Variétés dans les tems de la copulation. CCCXII. Les Animaux ont, en général, des tems marqués pour la génération ces tems font ceux du rut. Cela étoit apparemment nécessaire à l'accroiffement des Foetus & à l'éducation des petits. Le Printems eft la faifon des amours des d'autres plus parfaits qui feroient doués de celle de fe reproduire ; ceci ,, nous paroît clairement indiqué par ,, le travail que ces molécules font en ,, petit, dans la putréfaction & dans les maladies pédiculaires où s'engendrent , des Etres qui ont la puiffance de fe , reproduire; la Nature ne pourroit ,, manquer de faire alors en grand ce ,, qu'elle ne fait aujourd'hui qu'en pe,, tit, parce que la puiffance de ces molécules organiques, étant proportionnelle à leur nombre & à leur liberté, elles formeroient de nouveaux moules intérieurs, auxquelles elles donneroient d'autant plus d'extenfion, qu'elles fe trouveroient concourir en plus grande quantité à la ,, formation de ces moules, lefquels ,, préfenteroient dès lors une nouvelle ,, Nature vivante, peut-être affez femblable à celle que nous connoiffons. & ces nouveaux Etres feroient en ,, quelque forte femblables aux anciens, ,, parce que la matiere brute & la ma,, tiere vivante étant toujours la même, il en résulteroit le même plan géné ral d'organisation & les mêmes variétés dans les formes particulieres ; ,, on doit feulement préfumer d'après notre hypothese, que cette nouvelle Nature feroit rapetiffée, parce que la chaleur du globe n'étant plus auffi forte aujourd'hui qu'elle l'étoit au commencement de notre Nature vi,, vante, les plus grandes Efpeces pourroient bien ne pas naître ou ne pas arriver à leurs dimensions, &c. ". Il auroit manqué à cette doctrine quelque chofe de bien effentiel, fi l'Auteur n'eut pas expliqué la formation des molécules organiques elles-mêmes, de ces molécules douées d'une fi grande puiffance génératrice, & qui jouent un fi grand rôle dans le monde organique; car on auroit toujours pu lui deman der, d'où venoient ces molécules? Auffi termine-t-il fes nouvelles méditations fur les générations fpontanées par ex pliquer l'origine de ces petits Etres actifs, vivans, indeftructibles. Oifeaux, & de ceux de plufieurs efpeces de Poiffons, comme les Brochets, les Barbeaux &c. D'autres efpeces de Poiffons, comme les Carpes, fe cherchent en Été, les Chats en Janvier, Mai & Septembre; les Chevreuils en Décembre; les Loups & les Renards en Janvier; les Cerfs en Septembre & Octobre; les Chevaux en Été (1). Parmi les Infectes, le plus grand nombre des Efpeces fe joignent au Printems ou en Été. CCCXIII. PRESQUE tous les Infectes s'épuifent par l'acte de CHAP. V. Variétés dans les ef la génération, au point qu'ils meurent bientôt après. Tout le fets que la 23 دو les trois autres font purement pafsifs, & ne prennent de mouvement qu'au taut que le premier leur en donne. Chaque atome de lumiere ou de feu fuffit pour agiter & pénétrer un ou plufieurs autres atomes d'air, de terre ou d'eau : & comme il fe joint à la force impulfive de ces atomes de chaleur, une force attractive, récipro,, que & commune à toutes les parties de la matiere; il eft aifé de concevoir que chaque atome brut & paflif, devient actif & vivant au moment ,, qu'il eft pénétré dans toutes fes dimenfions par l'élément vivifiant : le nombre des molécules vivantes eft donc en même raifon que celui des ,, émanations de cette chaleur douce, "qu'on doit regarder comme l'élément primitif de la vie ". 33 "9 Enfin, après avoir expofé fa théorie fous ces nouveaux points de vue, M. de BUFFON nous apprend dans quel efprit & avec quelles difpofitions il veut étre lu & médité. dit-il (*); tout Homme de bon efprit, qui voudra lire avec attention ce que ,, j'ai écrit, Vol H, & dans plufieurs ,, autres endroits des Volumes fuivans, ,, au fujet de la nutrition, de la gé,, nération, de la reproduction, & qui aura médité fur la puiffance des moules intérieurs, adoptera fans peine ,, cette poffibilité d'une nouvelle Na,, ture, dont je n'ai fait l'expofition ,, que dans l'hypothefe de la deftruction générale & fubite de tous les Etres, fubfiftans. Ces réflexions out befoin d'une profonde connoiffance de la ,, Nature, & d'un dépouillement entier de tout préjugé pour être adoptées > même pour être fenties; ainfi un plus grand développement ne fuffi roit pas encore à la plupart des mes Lecteurs, & feroit fuperflu pour ceux ,, qui peuvent m'entendre ". |