Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CHAP. V.

de nouvelles branches & de nouveaux rameaux par la divi fion même des cloches.

CETTE Courte récapitulation de l'hiftoire des Polypes à bou quet, fait affez connoitre que leur façon de multiplier n'a rien de commun avec celle des Vivipares, ni avec celle des Ovipares. Il faudroit inventer des termes pour exprimer la génération de ces Polypes, & nommer fi l'on veut, ceux de la premiere Efpece Gemmipares, & ceux de la feconde Bulbipares. Mais les mots n'augmentent pas nos connoiffances fur les chofes qu'ils repréfentent. Quand on aura trouvé des termes propres à fixer nos idées fur cette nouvelle claffe de corps organifés, nous n'en pénétrerons pas mieux le fecret de leur multiplication. Ils font fi petits, que le microscope ne peut nous découvrir que leur forme extérieure, & tout ce qui fe paffe dans leur intérieur avant, pendant & après la divifion, nous demeure caché. Combien de faits intéreffans s'offriroient ici à notre examen, fi la méchanique de ces petits corps étoit expofée à nos yeux! Leur organisation eft fans doute très-fimple; nous en pouvons juger par celle du Polype à bras. J'ai comparé la Chenille à un oeuf (1); elle en fait au moins les fonctions à l'égard du Papillon; mais cet œuf mange, croît, rampe, &c. La bulbe, qui eft le principe d'un Polype à bouquet de la feconde Efpece, feroit-elle une forte d'ovaire animé, qui renfermeroit actuellement tous les Polypes, toutes les petites cloches qui naîtront de fa divifion ou de fa décompofition graduelle & fucceffive? Imaginer cela & cent chofes pareilles, c'eft vouloir deviner la Nature, & jamais l'on ne court plus de rifque de fe tromper en tentant de la deviner, que lorfqu'on ne peut pas même s'aider de l'analogie. L'extréme fimplicité de la ftructure des Polypes qui nous font les plus connus, indique fufifamment que tous

(1) Voyez le Chapitre X de la premiere Partie.

les Animaux de cette claffe, ne font prefque formés que de CHAP. V. parties fimilaires. C'eft ainfi que dans le Polype à bras, chaque fragment, & pour dire plus, chaque molécule peut repréfenter un Polype en petit. Or, les résultats naturels d'une fem blable ftructure doivent différer beaucoup de ceux d'une ftructure fort compofée, & où il entre un grand nombre de parties diffimilaires. Les Polypes femblent occuper les plus bas. échellons de l'Échelle de l'Animalité placés à une fi prodigieufe distance de l'Homme & des grands Animaux, il feroit peu philofophique de fe croire toujours en droit de tirer des inductions des uns aux autres. Mais nous avons puifé chez les grands Animaux des idées d'oeufs, d'ovaire, de matrice, de ponte, d'accouchement, &c. & nous tranfportons. ces idées fans y réfléchir, à tout ce qui a le caractere d'Animal (1). Nous ne fommes pourtant pas encore parvenus à fixer nos idées fur l'Animalité, & les Polypes nous ont appris. que des caracteres qu'on avoit jugés propres au Végétal, conviennent auffi à l'Animal. Les Polypes nous apprennent donc à user fobrement de l'Induction. Je fais que nos connoiffances s'étendent par la voie des comparaifons; mais je n'ignore pas, non plus, que l'art de comparer a fes regles fur lefquelles les. Logiques ordinaires n'infiftent pas affez. Ne comparons donc les Polypes qu'à eux-mêmes, ou aux Êtres dont ils paroiffent fe rapprocher le plus. C'eft ce que j'ai effayé de faire dans les deux premiers Chapitres de cette Ile. Partie, lorfque j'ai tenté de rendre raifon des boutures & des greffes animales. Cependant comme il n'eft pas toujours facile d'inventer des termes qui repréfentent parfaitement des objets dont on n'avoit point en

(1) Si le favant M. WRISBERG à qui nous devons de curieufes obfervations fur les Animalcules des liqueurs, avoit fait attention à ce que je dis ici fur l'abus de l'analogie à l'occafion du Polype, il ne m'auroit pas reproché

d'avoir dit, que tous les Polypes naiffent d'œufs. Il avoit étendu par erreur à tous les Polypes, ce que je difois des Polypes à panache, Art. CCCXVI, CCCXVII.

CHAP. V.

Mouvemens remarqua

core les idées, il arrive quelquefois qu'on fe fert, pour cet
effet, de termes déja confacrés à fignifier des objets très-
connus, & cet ufage ne fauroit être vicieux dès qu'on a
foin de montrer la différence des objets représentés par les
mêmes termes. Ainfi, lorfque je me fuis fervi de ces expref-
fions, que le
que le Polype eft tout ovaire, je n'ai point prétendu
donner à entendre, que le Polype entier fût un ovaire fem-
blable à ceux que nous connoiffons, ni qu'il renfermât des
œufs femblables à ceux des autres Infectes ; mais j'ai voulu
fimplement faire entendre en peu de mots, qu'au lieu que
chez la plupart des Animaux, les Embryons font raffemblés
dans un lieu particulier, ils font répandus chez le Polype
dans toute l'étendue de fon corps (1).

CCCXX. Je ne l'ai pas dit encore, & je dois le dire bles que fe à préfent, pour faire mieux fentir la difficulté d'expliquer la

(1) tt Je pourrois étendre beaucoup | fuit point de ces réflexions, que parmi ces réflexions philofophiques, fi propres à perfectionner la Logique du Na. turalifte; & faire mieux fentir encore, que l'impoffibilité où nous fommes de ramener la génération des Polypes à bouquet aux loix les plus connues de l'évolution, doit nous perfuader qu'il y a dans la Nature une multitude de générations, ou de manieres d'engendrer, très-différentes de toutes celles que nous connoiffons, & qui ne fauroient s'expliquer par nos théories actuelles. Je montrerois ainfi, combien il feroit peu philofophique de renfermer la Nature dans les bornes étroites de nos connoiffances, & combien fon immenfité & fa fécondité font au-deffus de nos foibles conceptions. Mais je ferois remarquer en même tems, qu'il ne s'en

les générations qui nous font encore inconnues, il y en ait qui foient véri tablement équivoques ou fpontanées, ou qui ne doivent leur origine qu'à un concours fortuit de molécules; car les obfervations & les expériences les mieux faites & les plus répétées, concourent uniformément à établir, que les générations font par-tout régulieres & uniformes dans chaque Efpece, & que depuis l'Animalcule des infusions jufqu'à l'Homme, depuis la Moififfure jufqu'au Chêne, tout s'opére dans la multiplication de chaque Efpece, d'une maniere conftante, univoque, invariable. C'est ce que je mettrai dans le plus grand jour par le précis que je donnerai des nouvelles découvertes fur les Auimalcules des infufions.

fe

génération des Polypes à bouquet, & pour juftifier le filence que jai gardé fur ce fujet, à la fin du Chapitre II de cette II. Partie la tige & les branches ne compofent avec les cloches qu'un feul. Tout organique, & le même principe de vie paroît animer les unes & les autres. La tige & les branches font fufceptibles de mouvemens très-remarquables, & qui fe diverfifient beaucoup. Dans une Efpece de ces Polypes à bouquet, qu'on pourroit nommer Polypes en houppe, à caufe de la forme du bouquet, la tige & les branches se retirent fur elles-mêmes avec une promptitude extrême, pour peu qu'on agite l'eau. Elles exécutent ce mouvement en fe difpofant en spirales, dont les tours fe touchent tous ou à peu près. Chaque branche peut fe retirer indépendamment d'une autre branche. Mais lorfque la tige fe retire, toutes les branches fe retirent auffi. Dès que le calme eft rendu au Polype, la tige & les branches s'étendent ou fe déploient de nouveau. Lorsque le bouquet eft déja fort avancé, la tige ne fe retire plus; on diroit qu'elle s'eft endurcie. Les cloches, comme je l'ai dit, fe détachent enfin du bouquet: quand il en eft fort dégarni, les branches ne fe retirent plus avec la même promptitude; & lorfque le bouquet eft encore plus dégarni de cloches, il n'y a plus que les branches qui en font pourvues, qui fe retirent encore. Enfin, lorfque le bouquet a perdu toutes fes cloches, les branches ne jouent plus. On peut inférer de ces faits, que le principe de ces mouvemens eft dans les cloches. Ce font elles auffi qui fourniffent à l'accroiffement de la tige & des branches. Il ne faut pourtant pas comparer ces branches à celles des Arbres; elles font plutôt des Efpeces de racines que pouffent les cloches, & qui fe développent peu à peu. Quand un de ces très-petits Polypes fe détache d'un bouquet, il va en nageant fe fixer contre quelqu'appui. Il fort de fa partie inférieure un court pédicule qui l'attache à cet appui. Ce pédicule s'alonge de plus en plus, & bientôt il devient la tige, d'un nouveau bouquet.

[blocks in formation]

CHAP. V.

Nouvelle découverte de M. TREMBLEY fur les Polypes en naf Jes. Corps ovi formes aux

quels ils doi

vent leur origine.

Le Polype placé à l'extrêmité de la tige fe partage en deux inégalement. Le plus gros Polype demeure attaché au bout de cette tige; l'autre fe trouve placé un peu plus bas. Il pouffe auffi un pédicule par lequel il tient à la tige. Ce pédicule s'alonge & c'eft une branche. Le Polype placé au bout de cette branche, fe partage bientôt comme le premier, & pouffe, comme lui, un pédicule; & voilà une nouvelle branche qui s'implante fur la premiere, &c. Ainfi ce ne font pas les branches qui produifent les cloches, comme une branche végétale produit un bouton ou une fleur; mais ce font les cloches qui produifent les branches, & celles-ci ceffent de croître dès que celles-là s'en féparent naturellement ou par accident.

LES Polypes à bulbes font, comme l'on a vu, au nombre des Polypes à bouquet. D'une tige commune partent huit à neuf branches principales, qui font avec la tige un angle un peu plus grand qu'un droit. De toutes ces branches fortent des branches latérales plus petites; & à l'extrêmité des unes & des autres eft une cloche ou un Polype. Quand on touche légérement le bouquet, & fouvent fans qu'on le touche, les branches fe replient fubitement de dehors en dedans & en fe rapprochant elles fe difpofent de façon à former une petite maffe ronde. La tige fe retire en même tems, & fe plie de la même maniere que l'on plie une mesure qui a des charnieres, en deux ou trois endroits.

CCCXXI. IL femble que les Polypes foient faits pour déranger toutes nos idées d'économie animale. Je l'ai dit, & je ne crains point de le répéter ici, ils ont été conftruits fur des modeles qui different fi prodigieufement de tous ceux qui nous étoient connus, que nous fommes même embarrassés à nommer ce qu'ils nous montrent. Nous entendons par un œuf, un corps rond ou oblong, dont l'enveloppe, foit molle, foit crustacée, renferme avec différentes fubftances, un Embryon appellé à y

prendre

« AnteriorContinuar »