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CHAP. V.

EN fe métamorphofant, l'Infecte ne fe dépouille point, comme tant d'autres, de la peau de Ver; mais toutes fes parties extérieures s'en retirent peu-à-peu, & s'en détachent enfin entiérement. Elles fe trouvent alors renfermées dans une coque bien clofe, & cette coque eft formée de la peau même du Ver. Ainfi la Nature qui a refufé à notre Infecte, ce fil brillant qu'elle a accordé au Ver-à-foie, & à un grand nombre d'autres Chenilles, l'en a dédommagé en lui enfeignant à se faire une coque de fa propre peau, & dont l'ufage répond exactement à celui de la coque du Ver-à-foie. Elle a même tout difpofé de loin pour que cette coque finguliere, eût le degré de confistance néceffaire aux befoins du petit Animal. On fati que les Chenilles changent plufieurs fois de peau dans le cours de leur vie : l'on connoît les mues ou les maladies du Verà-foie. Mais on ne fait pas aufli bien tout ce que ces mues ont de remarquable: l'on n'imagine pas qu'à chaque mue, l'Infecte fe dépouille de fon crâne, de fes yeux, de ses dents de fes jambes; en un mot, de toutes fes parties extérieures.

ON les retrouve très - complettes dans fa dépouille, & fi complettes, que celle-ci ne differe point extérieurement de l'Animal lui-même. Paré de fa nouvelle peau, il offre pourtant les mêmes parties, & l'on reconnoit qu'elles étoient logées avec un grand art, dans celles de la dépouille, comme dans autant de fourreaux. Nos Vers, qui ont à fe faire une coque de leur propre peau, n'ont point de mues à fubir ils prennent donc tout leur accroiffement fans changer de peau. Celle qui les recouvroit en naiffant, a donc tout le tems de fe fortifier, de s'épaiflir & d'acquérir le degré de confiftance qui la mettra en état de fervir un jour de coque à l'Infecte.

J'AI eu bien des occafions dans le cours de cet Ouvrage, d'infifter fur la fageffe avec laquelle on doit ufer de l'analogie: fi nous jugions de notre Infecte par cette voie, nous

penferions, qu'immédiatement après que tous fes membres fe font détachés de la peau de Ver, il revêt la forme de Nymphe. C'est au moins ce qui arrive à tant d'autres Infectes qui paffent par cet état moyen: dès qu'ils ont abandonné leur premiere enveloppe, ils paroiffent de véritables Nymphes, & nous laiffent voir diftinctement fous cette nouvelle forme, toutes les parties propres à la Mouche. M. de REAUMUR nous a appris, que ce n'eft point ainfi que la Nature procéde à l'égard de l'Infecte dont nous parlons: elle fait varier au befoin fes procédés, & parvenir au même but par des routes très-différentes. Ne cherchons donc point à la deviner; mais interrogeons-là comme elle veut l'être. L'Hiftoire Naturelle eft la meilleure Logique, parce qu'elle eft celle qui nous inftruit par des exemples plus frappans.

OUVRONS avec précaution l'efpece de coque dans laquelle l'Infecte s'eft renfermé. Au lieu d'une véritable Nymphe que nous nous attendions à y trouver, nous n'y trouverons qu'une petite maffe de chair oblongue, blanchâtre, & fur laquelle nous n'appercevrons pas, même à la loupe, le moindre veftige de membres ou d'organes. Loin donc de fe métamorphofer en Nymphe, l'Infecte s'eft métamorphofé en boule-alongée, & c'eft le nom que M. de REAUMUR a donné à cette efpece finguliere de transformation.

MAIS au moins, l'Infecte fe produira-t-il en Nymphe, au moment qu'il fe dépouillera de ce fac, qui lui donne la forme d'une boule-alongée ? La plupart des Infectes qui paffent par un état moyen, le revêtent tout entier au moment qu'ils fe dépouillent de leur premiere enveloppe.

Icı il faut encore abandonner l'analogie, & nous en avions déja été avertis par ce qui avoit précédé. Ce n'eft que par degrés affez marqués, que l'Infecte paffe de l'état de boulealongée à celui de Nymphe proprement dite. Si l'on ouvre

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CHAP. V,

de jour en jour plufieurs de ces coques, voici ce qu'on y découvrira.

Au bout de deux ou trois jours, on verra des jambes trèscourtes qui fortiront de la partie antérieure de la boule. Le jour fuivant, les aîles commenceront à fe montrer, & les jambes en s'étendant davantage, fe rapprocheront de la partie poftérieure de la boule. Un autre jour, on appercevra le bout de la trompe de la Mouche; la trompe entiere paroîtra enfuite, & la tête la fuivra de près. Enfin, on ouvrira des coques où l'on trouvera une Nymphe, dont toutes les parties auront la grandeur & la fituation propres à cet état moyen.

UN Partifan de l'épigénefe croiroit voir ici une Nymphe qui fe façonne peu-à-peu, qui croit par appofition, comme l'on a imaginé que croiffent le Foetus de la Biche, le Poulet, & depuis peu, le Foetus humain. Mais il demeure toujours fi vrai que l'épigénefe n'eft point du tout une loi de la Nature que dans ce cas même, qui lui paroît fi favorable, nous avons des preuves directes de l'évolution, & des preuves auxquelles on ne s'attendroit pas. Tandis que l'Infecte eft fous la forme de boule-alongée, & qu'il ne montre pas le moindre veftige des parties d'une Nymphe, l'on peut obliger ces parties à fe! produire au grand jour; on peut faire naitre à volonté une Nymphe qui ne paroiffoit pas exifter encore. Il ne faut pour cet effet, que preffer avec précaution le bout poftérieur de la boule au méme inftant, on verra fortir d'un enfoncement qui, eft à fon bout antérieur, toutes les parties d'une Nymphe, qui fe prolongeront de plus en plus à mesure qu'on augmentera la preffion. Elles préexiftoient donc à leur apparition naturelle ou forcée; elles étoient donc rénfermées & repliées dans l'intérieur de la boule, à-peu-près comine une fleur dans fon bouton. En un mot, il en eft de ces parties, pour me fervir de la comparaifon de M. de REAUMUR, comme des doigts

d'un

d'un gant, qu'on auroit fait rentrer dans la main du gant, & qu'on en retireroit enfuite. S'il nous étoit poffible d'en ufer de 'même à l'égard des petits boutons & des corps oviformes dont naiffent différens Polypes, il y a lieu de préfumer que nous en ferions fortir pareillement toutes les parties propres à ces Infectes, & que nous háterions ainfi le moment de leur prétendue naiffance. Je rapporterai bientôt une expérience fur les boules-alongées, qui mettra cette vérité dans le jour le plus lumineux.

CCCXXIII. Je reviens maintenant à la production oviforme de la Mouche-araignée, à cette efpece d'oeuf, d'une groffeur démefurée, d'où fort une Mouche auffi grande que Pere & Mere. J'ai averti que cette production n'est point un véritable oeuf quelle eft donc fa nature? Nous ne pouvons l'apprendre que de l'obfervation & de l'expérience.

DANS un de ces corps oviformes, ouvert quatre jours avant celui où la Mouche en auroit dû fortir naturellement, M. de REAUMUR (1) a trouvé une Nymphe, dont toutes les parties étoient très-diftinctes, & auxquelles il manquoit peu du côté de la confiftance. L'efpece d'oeuf dont je parle, a un de fes bouts plus arrondi que l'autre le bout le plus arrondi eft l'antérieur; le bout poftérieur fe termine par deux cornes mouffes. La Nymphe, très-aifée à reconnoître pour une Nymphe de Mouche-araignée, étoit placée de maniere que fa tête répondoit au bout antérieur de la coque, & que fon derriere étoit appuyé fur le bout oppofé. Au bout antérieur eft une efpece de calotte qui s'enleve facilement, & qui a été ménagée pour la fortie de la Mouche.

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Nous fommes donc affurés qu'il eft un tems où le corps

(1) Mém. pour fervir à l'Hift des Inf. Tome VI, Mém. XIV, pag. 587 & fuiv.
Tome III.
A a a

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Explication de la Mou

che araignée. Nouvel argu

ment en faveur de l'é volution.

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oviforme, dont nous recherchons la nature, renferme une véritable Nymphe. Cette Nymphe a fans doute été un Ver: ce Ver fe feroit-il transformé en boule-alongée ? Le corps oviforme feroit-il cette boule-alongée, ou pour parler plus exactement renfermeroit-il l'Infecte fous cette forme? Pour tâcher de le découvrir, M. de REAUMUR a ouvert des coques un jour ou deux après la ponte. Il n'a vu dans leur intérieur qu'une bouillie blanchâtre, prefque fluide & dans laquelle il n'a pu démêler aucune forte d'organisation. Lorsqu'il a ouvert de ces coques plus tard, il a remarqué que la bouillie étoit moins fluide, & qu'elle avoit même quelque confistance; mais toujours fans aucune apparence d'organifation. Enfin, dans quel que tems qu'il ait ouvert de pareilles coques, il n'eft jamais parvenu à y découvrir un Ver.

AINSI, l'on ne trouve dans nos coques nouvellement pondues, qu'une bouillie plus ou moins fluide, & où l'on n'apperçoit aucune trace des parties propres à un Ver ou à une Mouche. Quelle lumiere pouvons-nous efpérer de tirer d'une femblable bouillie? Comment la Nature débrouille-t-elle ce petit cahos, & en fait-elle fortir un Tout très-organifé? Nous venons de voir une véritable Nymphe occuper la place de cette bouillie peu de jours ont fuffi pour que cette Nymphe ait achevé de fe former, & pour qu'elle ait acquis un certain degré de confiftance. Immédiatement auparavant, elle n'étoit qu'une fubftance laiteufe ou caféeufe eft-ce donc que la Nature fait un Infecte comme nous faifons un fromage? Ou pour recourir à une Phyfique moins groffiere elt-ce que des molécules organiques éparfes dans la bouillie, venant à fe réunir en vertu de certaines forces de rapport, produifent une tête, des yeux, une trompe, des jambes, &c. 11 n'y a qu'un moment, qu'en preffant le bout poftérieur d'une boule-alongée, nous en faifions fortir toutes les parties extérieures d'une Nymphe, qui ne fembloient pas exifter.

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