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CHAP V.

10 Quest.: un germe

d'une efpece

donnée peut il fe développer dans un tout organife

d'une ef

rence ?

rente ; le germe du Tania, par exemple, porté dans notre corps & abreuvé des fucs les plus propres à la nourriture de ce Ver, parviendroit-il à s'y développer; & feroit-ce là l'origine des Vers du corps humain?

RÉPONSE. Comme je ne crois pas que le germe de la Tulippe puiffe janais fe développer dans la Rofe, je ne pense pas non pece diffé- plus que le germe du Tania puiffe fe développer dans le corps humain comme dans fa matrice naturelle. Je crois qu'il n'eft point dans la Nature de loix plus invariables que celle qui ordonne que les germes d'une espece ne fe développent point dans des Corps organifés d'une espece différente. Ainfi, quoique l'origine des vers du corps humain foit extrêmement obscure, je préférerai toujours de fufpendre mon jugement fur ce fujet, à embraffer l'hypothefe dont je viens de parler (1).

Réflexions

des Vers du corps hu

main.

LXXII. UNE Mouche va dépofer fes oeufs dans le nez du fur l'origine Mouton. Une autre mouche plus hardie encore, va pondre dans le gofier du Cerf. (2) Lorfqu'on ignoroit ces faits, on étoit auffi embarraffé fur l'origine des Vers du nez du Mouton, ou fur celle des Vers du gofier du Cerf, qu'on l'eft aujourd'hui fur l'origine des Vers du corps humain. Un heureux hafard des obfervations plus fines ou plus pouffées nous découvriront un jour le myftere, & nous apprendront qu'il en eft de l'origine des Vers du corps humain comme de celle des autres animaux.

Si le Tania exiftoit dans la terre, comme l'affure un habile Naturalifte, le problême feroit facile à réfoudre. Mais l'obfervation fur laquelle ce fait repofe n'a point été répétée, & elle manque des détails qui auroient été propres à la constater (3).

(1) Je renvoye fur ce que je viens de dire des Germes, à la note que j'ai placée à la fin du Chapitre précédent.

(2 Mémoires fur les Infedes par M. de REAUMUR, Tom. IV & V.

(3) Voyez ma Differtation fur le Tania, I. Vol des Savans Etrangers. Oeuvres. Tom. II.

LE Tania eft commun à différens animaux la Tanche & le Chien y font fort fujets. On imagine aifément comment cet Infecte peut paffer du corps de ces animaux dans celui de l'homme. Mais comment s'introduit-il dans l'intérieur de la Tan che? Les eaux font encore moins connues que la terre: feroient elles la vraie patrie du Tania? Les femences invifibles de ce Ver, ou le Ver lui-même, encore petit, pafferoient-ils avec les alimens dans les inteftins de la Tanche ? Mais le même Infecte peut-il vivre également dans l'eau dans l'eau, & dans le corps d'un animal vivant? Les obfervations de plantes qui ont germé dans l'estomac & les inteftins de divers animaux, celles d'Infectes terreftres ou aquatiques, qui font fortis du corps de plufieurs perfonnes, rendroient cette conjecture plus probable, fi elles étoient plus fûres ou mieux constatées (1). Quoi,

(1) tt J'avois douté fortement de l'exactitude des obfervations qu'on trouve fur ce fujet dans je ne fais combien d'écrits. Je puis aujourd'hui en rappor ter qui me paroiffent mériter la confiance du Naturalifte Philofophe. J'ai en main la copie d'un certificat figné par un Médecin & par un Chirurgien Anglois, fous la date du 18 Juillet 1763, qui prouve; que des Cloportes font fortis vivans du corps d'une jeune fille, qui les avoit rendus avec de grands vomissemens. Le certificat porte, qu'elle avoit avalé quelque tems auparavant de ces Infectes vivans. Ceux qu'elle rejetta, dont le nombre étoit prodigieux, étoient renfermés dans une humeur vifqueuse. Il y en avoit de toute grandeur; ce qui prouveroit qu'ils s'étoient développés dans l'eftomac en des tems différens.

On trouve dans l'Hiftoire de l'Académie de Pruffe pour 1770, une rela

tion circonftanciée, préfentée à cette
compagnie par M. BATIGNE, Médecin
de Montpellier & bon Obfervateur, qui
prouve; que des Salamandres aquatiques
avoient multiplié dans l'eftomac d'un
Payfan de Languedoc. Ce Payfan, âgé
de 35 ans, reudit par la bouche en
Mai 1759, des Salamandres de différentes
grandeurs, les unes vivantes, les autres
mortes. Peu d'années auparavant preffé, de
la foif, il avoit bu d'une eau croupiffante
peuplée apparemment de Salamandres
très-communes dans les eaux de ces con-
trées. Elles s'étoient établies dans fon
eftomac comme dans une marre. Leur
multiplication exceffive caufoit fouvent
des défaillances au malade, qu'on fai
foit ceffer en lui faifant avaler de l'eau.
Les Salamandres fe trouvant alors dans
leur élément, n'affectoient plus les mem
branes nerveufes de l'eftomac. Des vo

mitifs adminiftrés au malade lui firent

CHAP. V

CHAP. V.

qu'il en foit, nous voyons les hommes & les animaux fe faire à des climats très différents & quelquefois contraires. Nous les voyons auffi s'accoutumer à des alimens qui ne different pas moins que les climats. Nous prolongeons ou nous abrégeons à volonté la durée de la vie de beaucoup d'infectes; nous les faifons vivre indifféremment dans un air extrêmement froid ou extrêmement chaud; nous retardons ou nous accélérons comme il nous plait, la transpiration de ces petits animaux, fans qu'ils paroiffent en fouffrir (1). Ce font là autant de préfomptions en faveur des tranfmigrations du Tania.

ENFIN, n'en feroit-il pas du Tania & des autres Vers du corps humain comme de plufieurs efpeces d'infectes, dont la vie paroît avoir été liée dès le commencement à celle de différens animaux? Les Vers du Mouton & ceux du Cerf dont nous venons de parler, la Puce, le Pou, &c. en feroient des exemples Les étres doués de fentiment ont été multipliés autant que le plan de la création a pu le permettre. Un animal

rendre dans l'efpace de quelques mois
par la bouche & par les felles go Sa-
lamandres.

Les Cloportes & les Salamandres ne
changent point de forme : il devra donc
paroitre plus fingulier, que des Infec-
tes du genre de ceux qui fubiffent des
métamorphofes, puiffent vivre quelque
tems dans l'intérieur du corps humain.
C'est pourtant ce qui paroit attefté par
le témoignage d'un Médecin, que mon
illuftre Ami M. de GEER cite dans la
1 Part. du Tom. II de fes Mémoires fur
les Infecies pag. 110. Il faut que je rap-
porte fes propres termes. Un Médecin
célebre, dit-il, m'a fait voir des lar-
ves de Mouches communes qui avoient

été rendues par les felles. M. de GEER cite à cette occafion LEUWENHOEK, qui avoit trouvé de femblables larves dans une tumeur de la jambe, & qui les avoit vues fe changer en Mouches.

On peut voir dans l'Encyclopédie d'Yverdun, au mot Ver à Mouche du Corps humain, bien des exemples trèsremarquables de Vers, dont les uns fe changent en Mouches, les autres en Papillons ou en Scarabés, & qui ont vécu dans l'intérieur du corps humain. Mais je ne répondrois pas de la vérité de tous ces faits. Il eft trop facile ici de s'en laiffer impofer.

(1) Mémoires fur les Infectes par M. de REAUMUR, Tom. II.

eft un monde habité par d'autres animaux ; ceux-ci font mondes à leur tour, & nous ne favons point où cela finit.

LXXIII. ONZIEME QUESTION. Comment fe fait la multiplication fans accouplement?

RÉPONSE. DANS les efpeces qui ne font pas foumifes à la loi de l'accouplement, chaque individu a en foi le principe de la fécondation. Il eft pourvu d'organes qui féparent de la maffe de fon fang, la liqueur fubtile qui doit opérer le développement des germes. Ces germes font nourris, ils croiffent & fe perfectionnent comme les autres parties de l'animal; & cette multiplication qui nous paroît fi extraordinaire, nous paroîtroit la plus naturelle, parce qu'elle eft la plus fimple, fi nous, n'euflions jamais vu d'animaux s'accoupler.

y

LXXIV. En effet, comment euffions-nous foupçonné que pour produire une plante ou un animal, la Nature eut dû employer le concours de deux plantes ou de deux animaux. Confidérons Pappareil d'organes qui ont été ménagés dans les deux fexes pour cette importante fin. Rendons-nous attentifs aux diverfes circonftances qui précedent, qui accompagnent, & qui fuivent l'union de deux individus, & nous demeurerons convaincus qu'il n'eft peut-être rien dans la Nature de plus fingulier, & de plus propre à exciter notre surprise.

LXXV. PAR quel motif la SAGESSE SUPREME a-t-elle été déterminée à choifir un femblable moyen pour conferver les ef peces? Quelle eft la raifon métaphyfique de l'accouplement?

On peut propofer la même queftion fur les métamorphofes des Infectes; les réflexions auxquelles elles donnent lieu, repa roiffent ici, à-peu-près fous le même point de vue.

CHAP. V.

Ir Queft.: comment fe fait la mul tiplication fans accou plement?

Réflexion

fur l'accou

plement?

Conjectures

fur la raifon métaphyfi

que de l'accouplement

CHAP. V.

Si l'unité & la variété constituent le beau phyfique, la distinc2 tion de la plupart des animaux en mâles & femelles eft trèspropre à embellir la Nature. La diverfité qui réfulte de cette distinction, soit à l'égard des formes, des proportions, des couleurs, des mouvemens; foit à l'égard du caractere, des goûts, des inclinations, fait une perspective qui fixe agréablement la vue du spectateur.

ON pourtoit conjecturer avec quelque fondement que le concours des fexes fert principalement à rendre les générations plus régulieres. Dans un Tout auffi compofé que l'eft un oiseau, un quadrupede, l'homme, il eut été fans doute bien difficile que la génération n'eût pas été fouvent troublée ou altérée, fi elle s'y fût faite à la maniere des Pucerons ou des Polypes. Les défectuofités qui fe feroient facilement rencontrées dans l'individu auroient, pu paffer au Foetus, & de celui-ci, aux animaux qui en feroient provenus. Le dérangement auroit crû ainfi à chaque génération. Dans l'union des fexes, au contraire, ce qu'il y a de defectueux chez l'un des individus peut être réparé par ce que fournit l'autre individu. Ce qu'il y a de trop dans l'un eft compensé par ce qu'il y a de moins dans l'autre.

CHAPITRE

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