Imágenes de páginas
PDF
EPUB

CHAP. VI.

CHAPITRE V I.

Découvertes microfcopiques de M. NEEDHAM,

Remarques fur ces découvertes.

CCCXXIX. IL
L n'y a que vingt-deux ans que nous igno-
rions la maniere étrange dont multiplient les Pucerons, les
Polypes, différentes Efpeces de Vers d'eau douce, les Vers
de terre, les Etoiles & les Orties de mer, les Mouches-
araignées, &c. En moins de quatre ans, nous avons
avons acquis
plus d'idées abfolument neuves fur le Regne animal,

graines produifoit un Arbre ! La multiplication deviendroit effrayante ; & l'on en concluroit, qu'une feule graine d'Orme, pourroit au bout d'un certain nombre de Siecles, fournir de quoi couvrir tout le globe des feuls Arbres de fon Efpece. La fécondité des Moififfures, des Lichens, des Champignons, &c. furpaffe, fans doute, de beaucoup celle des Arbres les plus féconds.

Et n'oubliez pas de remarquer, que la multiplication par les graines, n'est pas la feule qui s'opére chez les Végétaux. L'Orme, comme quantité d'autres Arbres, peut multiplier encore par boutures & par rejettons. Il n'eft pas une feule de fes branches, un feul de fes rameaux, qui ne puiffe donner un Arbre, qui fe chargera en fon tems d'autant de graines, que celui dont DODART avoit effayé de calculer la fécondité. Il y a plus; cet Orme, que nous fuppofons dépouillé de toutes fes branches,

qu'on

en pouffera bientôt de nouvelles, & en auffi grand nombre, que celles qui auroient été retranchées; car il n'eft aucun point du tronc comme il n'est aucun point des branches ou des rameaux, où il ne fe trouve des germes reproduc teurs. Ceci s'étend même jufqu'aux racines, puifque l'Orme peut multiplier encore par fes racines. Enfin, il eft des Végétaux qui peuvent être multipliés par leurs feuilles. Des germes de racines & de branches font donc encore répandus dans les feuilles. Quelle immenfe profufion, & qui pourroit efpérer de la ramener au calcul ! C'eft furtout dans cette étonnante multiplication des Etres vivans, & dans fa perpétuité, qu'éclatent la grandeur de la Nature, & la Puiffance adorable de fon AUTEUR. Phyf. des Arbres, Liv. IV, Chap. VII. Recherches fur Tufage des Feuilles, Ar ticles V, LXXVIII. Voyez encore cideffus, Article CCXXXVIII, & la note

Progrès de de l'iftoire

Naturelle

depuis l'année 1740. Réflexions

fur ce fujet.

CHAP.

n'en avoit acquis pendant une longue fuite de fiecles. A peine les REAUMUR, les TREMBLEY, les JUSSIEU, les LvoNET ont paru, que la Nature s'eft empreffée à leur étaler fes tréfors & à leur découvrir fes fecrets les plus cachés. Aujourd'hui que, graces à ces excellens Obfervateurs, nous fommes plus inftruits, nous ne préfumerons pas, que nous connoiffions toutes les manieres dont l'Animal multiplie. Nous penferons plutôt que la Nature ne fait que commencer à parler; parce qu'il n'y a pour ainfi dire, qu'un jour qu'elle eft interrogée comme elle demandoit à l'être. Les fiecles futurs auront fans doute leurs REAUMUR & leurs TREMBLEY, auxquels elle fe plaira à révéler de nouveaux prodiges & de plus grands encore. Tant de vérités inconnues aux Anciens & réservées à nos Modernes, peuvent nous aider à juger de celles que découvriront d'autres Modernes, pour lefquels ceux-là feront des Anciens très-ignorans. Il y a affurément bien loin de la maniere dont fe propagent les Polypes à bouquet à celle dont fe propagent les Animaux qui nous font les plus connus. Il exifte peut-être des Animalcules qui different beaucoup plus à cet égard, des Polypes à bouquet, que ceux-ci ne different d'un Quadrupede, d'un Oifeau ou d'un Poiffon. Combien de merveilles que notre Langue ne fuffiroit point à décrire, ne nous of friroient pas en ce genre, les Animalcules des infusions, si leur effroyable petiteffe ne les mettoit trop hors de la portée de nos meilleurs microfcopes! Ici commence un autre Univers dont nos COLOMBS & nos VESPUCES n'ont entrevu que les bords, & dont ils nous font des defcriptions qui ne reffemblent pas mal à celles que les premiers voyageurs publierent de l'Amérique.

CECI me conduit aux découvertes microfcopiques (1) de M.

(1) Sommaire des Expériences faites | Traduction de l'Anglois. Ce Mémoire a dernierement fur la Génération, la Compofition & la Décomposition des Subftances des Animaux & des Végétables.

été inféré dans les Tranfactions Philofophiques.

NEEDHAM,

NEEDHAM, un de ces Colombs modernes qui auront la gloire d'avoir les premiers côtoyé cette Région des infiniment petits. La nouveauté de ces découvertes, la fingularité des objets qu'elles préfentent, la réputation bien méritée de leur Auteur, & le but que je me fuis propofé dans cet Ouvrage, m'engagent à en donner un extrait. Je me fuis peut-être trop arrêté dans le Chapitre VII de la Ire. Partie, fur les obfervations que M. de BUFFON a publiées dans le même genre. Celles de M. NEEDHAM leur font fort analogues; mais elles renferment des particularités qui les diftinguent, & que j'ai d'autant plus de plaifir à rapporter, que je fais plus de cas de la fagacité & des talens du célebre Obfervateur. Nous devons regretter que fes yeux aient fouffert de l'attention qu'il a donnée à de fi petits objets : il auroit repris fes curieufes recherches & les auroit portées à une plus grande perfection.

[blocks in formation]

de M. NEEDHAM fur

CCCXXX. PREMIERE EXPÉRIENCE. Notre Phyficien a rempli Découvertes une phiole de jus de Mouton fort chaud. Il l'a fcellée avec autant d'exactitude, que fi elle l'avoit été hermétiquement, & il l'a tenue dans des cendres chaudes.

PAR cette maniere de procéder, il penfe s'être affuré, qu'il n'y avoit ni œufs ni Infectes vivans, foit dans la liqueur qu'il vouloit obferver, foit dans l'air qui occupoit le vuide de la phiole.

Il nous apprend néanmoins que cette phiole fourmilla enfuite d'Animalcules de différentes dimenfions. La premiere goutte de liqueur qu'il obferva immédiatement après l'avoir tirée de la bouteille, en renfermoit une multitude. Ils étoient parfaitement formés, & tous leurs mouvemens indiquoient de la fpontanéité & de la vie.

SECONDE EXPÉRIENCE. M. NEEDHAM a répété la même ex-
Tome III.

Ddd

les Animalfufions.

cules des in

CHAP. VI. périence, avec le même fuccès, fur d'autres fubftances animales, comme le fang, l'urine, &c.

TROISIEME EXPÉRIENCE. Il a comparé les Animalcules de toutes ces infufions avec ceux qui étoient nés dans des infufions de même efpece, qui n'avoient été ni échauffées, ni renfermées, & il s'eft convaincu que les uns & les autres étoient précifément femblables.

QUATRIEME EXPÉRIENCE. Dans des infufions de germes d'Amandes & de différentes Graines, il a remarqué au bout de huit jours, de légers mouvemens. Un atome diftinct fe détachoit fouvent d'un amas de pareils atomes, & s'en éloignoit un peu..

QUINZE jours après que les germes & les graines avoient commencé à infufer, la liqueur étoit peuplée d'une infinité d'atomes mouvans exceffivement petits.

Les infufions du Bled pilé, lui ont offert d'innombrables filamens, qui étoient, felon lui, de parfaits Zoophytes, prêts à produire, & qui fe mouvoient par eux-mêmes. Plufieurs reffembloient à des colliers de perles ou à des chapelets. Ils n'étoient pas eux-mêmes des Animalcules microfcopiques; mais ils en étoient le principe. Toute la fubfance, dit-il, après une certaine féparation des fels & des parties volatiles, s'eft partagée en filamens, qui ont produit toutes les différentes fortes d'Animaux. microfcopiques.

NOTRE habile Obfervateur ajoute une chofe bien extraordinaire, & qui mérite la plus grande attention. Je la rapporterai encore dans fes propres termes. Ces mêmes Animaux microscopiques, après s'être raffemblés au fond du verre & avoir perdu tout mouvement, fe font réduits de nouveau en une fubftance filamenter fe, & ont donné des Zoophytes & des Animaux d'une plus

petite espece. On voit cette opération fe réitérer, jufqu'à ce que les filamens & les Animalcules, en fe dégradant continuellement, aient atteint à une telle petiteffe, qu'ils ne foient plus perceptibles au microscope.

CINQUIEME EXPÉRIENCE. L'ingénieux Phyficien a fu varier fes procédés. Au lieu de faire infufer les grains, il leur a retranché les extrémités pour les empêcher de germer; il les a fichés perpendiculairement par un bout dans un liege fort mince qui flottoit fur l'eau.

CES grains ainfi humectés, ont bientôt pouffé par leur bout inférieur de longs & nombreux filamens, qui s'étendoient dans l'eau, & qui étoient très-vifibles à la vue fimple.

IL a coupé. de ces filamens; il en a mis les fragmens dans de petits verres concaves, qu'il a remplis d'eau; c'étoient des verres de lunettes qui lui fourniffoient ces baffins commodes, & fi bien appropriés à la petiteffe & à la nature des objets qu'il fe propofoit de fuivre.

[ocr errors]

LES fragmens qui flottoient fur l'eau de ces petits baffins, font devenus pour lui des íles microfcopiques & enchantées qui fe font peuplées fous fes yeux, d'un nombre innombrable d'habitans. En un mot, & pour m'exprimer en termes moins figurés, il a vu reparoître ici tous les phénomenes des infufions. Il a vu les filamens prendre de nouvelles formes, s'animer, & produire des Animalcules femblables en tout à ceux des infufions ordinaires.

ASSURÉMENT il n'eft perfonne qui n'eût pris ces filamens de grains humectés, pour une véritable Moififfure, & conféquemment pour une production purement végétale. M. NEEDHAM

CHAP VI.

« AnteriorContinuar »