CHAP. VIII. des richeffes de la Nature! S'il fe fait dans l'Adulte des réparations & des productions qu'on n'eût ofé prédire, quelles ne doivent pas être celles qui peuvent s'opérer dans le Germe, dont toutes les fibres font fi ductiles, & où tout eft encore à développer! Si les doigts de chaque main & de chaque pied fe touchoient dans le Germe, il arriveroit trop fouvent qu'ils fe colleroient ensemble; car dans des parties auffi pénétrables, l'adhérence feroit facile: je conçois donc qu'il eft une caufe qui tend à les tenir féparées & à prévenir leur union. Si cette caufe, quelle qu'elle foit, aidée du concours de circonftances particulieres, agiffoit trop fortement, il feroit poffible qu'elle tendît alors à divifer les os du métacarpe & du métatarfe, & & avec eux les doigts correfpondans. Les os qui réfifteroient le moins, feroient ceux qui feroient les plus expofés à cette divifion accidentelle (1). fe refufer aux germes originairement ,, monftrueux; c'eft à-dire, différens de la ftructure régnante. Un fixieme ,, doigt bien conditionné avec fes tendons, fes muscles, fes arteres, ne fauroit être l'ouvrage du hafard. Notez que ces tendons viennent de l'hu (1) tt J'ai interrogé par Lettres M. I parties déja formées. Eft-il phyfiquement de HALLER, fur la poffibilité de cette impoffible que de pareilles causes dividivifion accidentelle d'un doigt. Voici fent un doigt du Germe fans agir fur ce qu'il m'a répondu en date du 16 de l'humerus, & fans interrompre la comFévrier 1766.,, Il paroît qu'on ne peut munication avec lui? M. de HALLER ne m'a rien répondu à cette queftion. Mais l'ayant reprise depuis avec lui, j'en eus cette réponse en date du 13 Juin 1766.,, Un deigt à divifer en deux, me paroit une opération bien difficile. Dès que les deux doigts ont leur mouvement, ils ont donc leurs muscles proportionnés, leurs nerfs ,, leurs arteres. Ils ne doivent en avoir ,, que la moitié dans le fyftéme du ,, partage. Il y a deux troncs droits & ,, paralleles d'arteres & de nerfs; il n'y ,, en auroit qu'un, & ce tronc unique ,, s'acquitteroit mal d'un emploi pour lequel il n'y a rien de trop à deux". M. de HALLER ne regardoit donc pas ,, merus, & qu'une caufe qui n'auroit Influence que peut avoir la liqueur femiformation des Monf nale fur la CCCLIV. Il exifte peut-être une autre caufe de monftruofités CHAP. VIII. plus cachée, & dont il feroit poffible que les effets fe diverfifiaffent beaucoup, & même fe propageaffent. Je veux parler des modifications fortuites qui peuvent furvenir aux organes de la génération des Mâles, en vertu defquelles ils fépareroient plus ou moins des molécules appropriées à telle ou telle partie du Germe, ou des molécules d'une activité & d'une qualité différentes de celles qui font propres à l'Efpece ON a pu juger par l'expofé de mes principes fur la formation du Mulet, jufqu'où peut aller l'influence de la liqueur féminale fur les folides du Germe. Il eft déja démontré qu'elle ne modifie pas feulement l'extérieur; mais qu'elle modifie encore l'intérieur, & qu'elle change en particulier, toute l'économie du larynx. Nous ne favons pas précisément comment cela s'opére; mais nous fommes très-affurés que le fait exifte,, & qu'il n'exifte que par l'intervention du sperme. Savons-nous mieux comment cette liqueur fait croître un bois de Cerf,, une défense, une crête, &c. ? Il y a donc dans les organes de la génération de l'Ane quelque chofe qui correfpond à fon larynx, & qui fe communique à celui du Germe. La conféquence est légitime, puifque l'organe de la voix du Cheval imite conftamment celui de l'Ane, toutes les fois que le premier a dû fon développement à l'action de la liqueur féminale du dernier. comme chofe abfolument impoffible, la divifion d'un doigt du Germe par une caufe accidentelle. Il la jugeoit feulement bien difficile. Mais touchant enfuite à ma conjecture dans le Tome III de fes Opufcules, Liv. II, Chap. XI, il remarque, que les Plantes fourniffent des exemples qui ont quelque analogie avec les doigts furnuméraires dont il eft question: telle eft entr'autres la mul- tres.. CHAP. VIII. Famille de SUPPOSONS maintenant que la partie des organes de la génération de l'Ane, qui répond à fon larynx, change par accident, & qu'elle vienne à imiter celle de l'organe de la génération du Cheval, qui correfpond auffi à fon larynx; il en réfulteroit, par la copulation, un Mulet dont l'extérieur feroit celui du Mulet ordinaire, mais dont la voix imiteroit celle du Cheval. AINSI en fuppofant d'autres fortes de modifications dans les organes de la génération de l'Individu fécondateur, on auroit d'autres résultats dans le Germe fécondé. LE Mulet n'engendre point: les organes de la génération du Cheval fouffrent donc un changement par la différence du fperme qui féconde le Germe. Le fperme de l'Ane ne peut donc les développer en entier comme le fait celui du Cheval. Le développement parfait de ces organes dépend donc originairement du concours de la liqueur fécondante propre à leur Efpece (1). MAIS fi la modification furvenue dans le Germe, à ces organes, n'étoit pas de nature à entraîner la ftérilité, l'Animal en contracteroit la capacité de produire des Monftres, qui pourroient eux-mêmes en produire d'autres, avec de nouvelles modifications que la fubféquence des générations & diverfes circonflances feroient naître peu-à-peu, & qui changeroient infenfiblement les effets de l'impreffion primitive. CCCLV. CE feroit fur de femblables principes que je ten (1) tt Confultez fur la prétendue ftérilité du Mulet, l'addition à la note fur l'Art. CCCXXXVI, où je rapporte des obfervations qui prouvent incontef tablement, qu'on s'étoit trop preffé de conclure de certains faits, que les Mu lets font ftériles. pagent. terois d'expliquer le plus embarraffant de tous les faits, & CHAP. VIII. fur la certitude duquel nous ne faurions former le moindre Montres qui fe prodoute. Je ne l'ai encore qu'indiqué, & je redoutois d'avoir à en entreprendre l'explication. Il faut pourtant que je le tranfcrive, & que je tâche de l'analyser. Si je l'omettois, on auroit droit de me l'objecter. Nous le devons à un excellent Obfervateur, M. GODEHEU de RIVILLE, Commandeur de Malte & Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences, qui en a communiqué la relation à M. de REAUMUR la voici telle que cet illuftre Académicien l'a publiée dans fon Art de faire éclorre les Poulets, Tome II, page 377 & fuiv. de la feconde Édition. دو دو : GRATIO KALLEIA, né d'un Pere qui avoit fept Enfans eft venu au monde avec fix doigts aux mains & aux pieds; les fix doigts des mains font parfaitement bien formés, il tous avec une égale facilité; celui qui eft de furplus, tient de l'Index & du médius. Ceux des pieds font difformes, & forment une efpece de couronne qui rend le pied d'une figure défagréable. Ce Gratio Kalleia s'étant marié à l'âge de vingt-deux ans, a eu quatre Enfans, Sal,, vator, George, André & Marie. Salvator, l'aîné de tous, eft né avec fix doigts aux mains & aux pieds: les mains ,, ne font pas auffi bien formées que celles du Pere mais les doigts des pieds font bien arrangés; le fixieme doigt eft un peu plus court que les autres, mais cela n'empêche ,, pas que le pied ne foit d'une belle forme. Ce Salvator s'eft marié à l'âge de dix-neuf ans, & a eu jusqu'à préfent deux Garçons & une Fille avec fix doigts aux mains & aux pieds, & un autre Garçon qui n'en a que cinq. 59 دو GEORGE, fecond Fils de Gratio, eft né avec cinq doigts ,, aux mains & aux pieds. On remarque cependant une difformité dans les mains; fes deux pouces font plus longs & CHAP. VIII. 99 وه plus gros qu'ils ne devroient l'être, & en les maniant on fent dans le milieu une espece de féparation, comme s'il y avoit deux doigts renfermés fous une même peau. Les cinq doigts des pieds font à l'ordinaire, exceptés les deux premiers doigts du pied gauche, qui font collés enfemble. Ce George s'étant marié, a eu trois Filles & un Garçon; les deux Filles aînées ont chacune fix doigts aux mains & aux pieds, & la troifieme, qui a fix doigts à chaque main & au pied droit, n'en a que cinq au pied gauche qui est trèsbien formé. Le Garçon, qui eft encore à la mamelle, n'a » que cinq doigts aux mains & aux pieds. " دو ANDRÉ, troifieme Fils de Gratio, est né avec cinq doigts bien formés à chaque membre, & a fait plufieurs Enfans qui n'ont aucune difformité. ,, MARIE, Fille de Gratio, eft née avec cinq doigts aux دو mains & aux pieds même difformité que mais elle a dans les deux pouces la George. Les cinq doigts des pieds font à l'ordinaire. Elle s'eft mariée à l'âge de dix-huit ans, & a eu deux Garçons & deux Filles; un des Garçons a fix doigts à un pied, & les trois autres font formés à l'ordinaire. Il faut remarquer que les Enfans de George qui ont fix doigts, font, pour ainfi dire, estropiés, à peine peuvent-ils fe fervir de leurs mains pour faire quelque travail: un de ces Enfans a deux doigts fans ongle, & un autre en a deux crochus, & prefque paralytiques: la difformité des mains de George auroit-elle paffé dans fes Enfans? Les Fils de Sal,, vator ont les mains & les pieds mieux formés, & ils peu,, vent travailler. Je m'intéreffe au mariage de fa Fille, qui ,, a déja quatorze ans, & dont les pieds & les mains ne font ,, aucunement difformes; je fuis curieux de favoir fi elle aura |