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monstrueux. Ne me feroit-il pas permis d'en inférer, que le CHAP. VIII. doigt en queftion ne tenoit pas à la fécondation, & qu'il étoit l'effet d'une caufe accidentelle, concomitante ou fubféquente, qui avoit divifé un des doigts du pied, &c. conformément à ce que j'ai expofé dans l'Article CCCLIII? N'a-t-on pas vu des Enfans naître avec un ou plufieurs doigts furnuméraires, fans que ni le Pere ni la Mere, ni aucun des Ancêtres renfermaffent rien de monftrueux au moins extérieurement. Si Marie n'étoit pas née dans une Famille de Monf tres qui fe propagent de Pere en Fils, l'on n'auroit pas attribué à la fécondation l'origine du doigt excédent d'un de fes Enfans.

Je ne fais ce que M. LEMERY auroit penfé de notre Famille de Malte, ni comment il auroit expliqué ces Monftres qui fe perpétuent. Je foupçonnerois fort néanmoins, qu'il auroit cherché la raison de ce doigt furnuméraire du Fils de Marie dans l'union de deux Germes, en fuppofant, comme il l'avoit fait pour d'autres Monftres femblables ou analogues, que l'un des deux Germes avoit été détruit, & qu'il n'étoit resté de fes débris que le feul doigt dont nous parlons.

MAIS en recourant ici à cette hypothefe, l'on s'expofe aux objections tirées de la Doctrine des probabilités que M. de MAIRAN lui a oppofées dans l'Hiftoire de l'Académie Royale des Sciences pour l'année 1743, pages 58 & fuivantes, auxquelles je renvoie le Lecteur.

Je prendrai cependant la liberté de faire obferver, que les objections de cet illuftre Académicien perdroient, fans doute, de leur force, fi nous connoiffions toutes les circonstances qui peuvent procurer l'union partiele de deux Germes, & produire la destruction prefque totale de l'un des deux. Le nombre des connues eft bien petit dans ce problême.

X x x 2

CHAP. VIII.

LES monftruofités qui fe propagent, doivent, fuivant mes principes, aller toujours en décroiffant de génération en génération. L'effet de la premiere caufe, qui devient caufe à fon tour, ne fauroit produire un effet qui lui foit précisément égal & femblable: les Germes n'étant pas originairement monftrueux, tendent toujours à retenir leur conformation naturelle & primitive. Ils modifient donc l'action des liqueurs féminales, qui s'affoiblit ainfi de plus en plus. C'eft ce qui fe confirmeroit apparemment, fi nous avions la fuite de l'Hiftoire des Defcendans de Gratio Kalleïa, & j'invite M. le Commandeur de RIVILLE à nous la donner. Ce fujet eft peut-être le plus difficile & le plus intéreffant de tous ceux qui peuvent s'offrir à la méditation d'un Phyficien. Je fouhaiterois d'y avoir répandu plus de jour j'ai au moins tâché d'aller auffi loin que mes principes pouvoient me conduire. Je laiffe aux Phyfiologiftes à juger de l'application que j'ai tenté d'en faire & j'attends de nouvelles inftructions de leur fagacité & de leurs recherches (1).

(1) ff Je ne veux rien diffimuler, parce que je ne cherche que le vrai. Quand je tâchois d'appliquer mes principes à la propagation du fex-digitifme de la famille de Malte, je ne fuppofois point qu'elle pût s'opérer également par l'un & l'autre fexe. Je n'admettois point de liqueur proJifique dans les Femelles, & bien moins encore le pouvoir de l'imagination des Meres. Auffi n'attribuois-je point à Marie, le doigt furnuméraire de fon Fils. Il eft pourtant des faits qui paroiffent prouver que cette forte de monftruofité peut fe propager également par la Mere & par le Pere. Parmi ces faits, un des plus circonftancié, eft celui que M. de MAUPERTUIS a configné dans un court écrit fur la

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CCCLVII. J'APPERÇOIS une autre fource de monftruofité: l'accroiffement des oeufs dans les Poules vierges, ne nous permet

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fex-digitaires. L'un d'eux, Jacob Er,, neft, a fix doigts au pied gauche, & ,, cinq au droit : il avoit à la main droite ,, un fixieme doigt qu'on lui a coupé ; à la ,, gauche, il n'a à la place du fixieme. ,, doigt qu'une verrue ". M. de MAPERTUIS ajoute expreffément:,, qu'il a fuivi avec exactitude cette généalogie, & il conclut ; que le fex-digitisme fe tranfmet également par le Pere & ,, par la Mere; qu'il s'altere par l'alliance

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de quindigitaires; & que par ces alliances répétées il doit vraisemblablement s'éteindre.

J'avoue que je n'éprouvai par une médiocre furprife, lorfque je lus pour la premiere fois ce récit du Philofophe de St. Malo, que j'ignorois entiérement quand je travaillois aux Confidérations. Je ne tardai pas à m'en entretenir par Lettres avec feu mon illuftre Ami, M. de HALLER. Ce cas, lui écrivis-je, préfente de grandes difficultés pour tous ,, les fyftémes, & celui des Monftres ,, originels que vous paroiffez préférer ici, ne femble pas en être favorisé. ,, Je vous demande là deffus votre penfée ". M. de HALLER me répondit le 10 de Décembre 1769. " L'article de Ruhe fe trouve dans le Livre ridicule de ROBINET. Peut-être l'hif toire n'eft-elle pas exacte. Ce n'eft p t pas ,, là ce qui gêne les Philofophes je ,, pourrois le favoir. Je me fouviens de la dent d'or fur laquelle on écri voit des Livres, & qui ne fe trouva

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,, que dorée. Je repliquai à mon Ami : ,, Oui, la dent d'or: mais cette dent, M. de MAUPERTUIS affure l'avoirmife dans le creufet, & l'avoir trouvée d'or malif. Il faudroit des autorités pour combattre la fienne, & ,, je n'en connois point. Tout ce qui a l'air de faits, a droit d'en impofer: il ne fuffit point de s'infcrire en faux contre de telles chofes : il faut ,, prouver qu'elles font fauffes. Nous ,, avons à faire à des Epigénéfifies, ,, qui ne fe payeroient pas de nos ,, négatives".

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J'avois eu raifon de ne pas mettre l'hif toire de Ruhe au même rang que celle de la dent d'or. Environ quatre ans après, je lus dans le Journal de Phyfique, Novembre 1774, l'expofé de plufieurs faits de même genre. On doit cet exposé à M. RENOV, Maitre en Chirurgie, & c'eft fur quelques familles du Bas-Anjou qu'il a fait fes obfervations.,, Il fe trouve, dit-il, dans plufieurs paroiffes du BasAnjou, & de tenis immémorial, des familles fex-digitaires, & cette dif ,, formité s'y perpétue, quoiqu'alliées ,, avec des perfonnes qui en font exemptes . . . . . . C'est toujours à côté des

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CHAP. VIII. les caufes accidentelles

pas

de douter que le Germe ne croiffe avant la fécondation (1). Il pourroit donc contracter avant la fécondation, des difpofi

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ce moyen un pouce double qui eft un ,, peu fourchu à fou extrémité, où il a deux ongles. D'autres fois le fixieme ,, doigt fe fepare du pouce à fa feconde articulation; & cela fe fait tantôt en dehors, c'est à-dire à fa partie latérale ,, externe, ou bien à sa partie contraire; c'est-à-dire dans l'efrace qui eft entre lui & le doigt index. Que ce foit le Pere ou la Mere qui foient atteints, ,, & qui propagent cette difformité, leurs Enfans des deux fexes en font indiffé remment affectés. Ils n'ont pas tou,,jours les pouces doubles, mais fouvent

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contrefaits, plus longs d'un tiers que dans l'état naturel, applatis & ayant ,, les dernieres phalanges d'une circulation lâche, & retournées vers l'extrémité de l'index, où elles atteignent ,, prefque. Cette conformation extraor dinaire n'empêche pas ceux qui l'ont de faire tous les ouvrages de la campa,, gne; & il y en a même qui exercent des métiers. Un homme ou une femme ,,fex-digitaire ont quelquefois une partie & même tous leurs Enfans exempts de cette difformité, tandis que ces derniers au contraire produifent des rejet. tons chez qui elle reparoît dans le plus ,, grand degré. On a auffi été furpris que

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quelquefois autant à chacune. Que dis

,, je? On en a même vu un en avoir fix à l'une fept à l'autre; mais après avoir examiné la famille & remonté à ,, la fource, il s'eft toujours trouvé que ,, quelqu'un des Ancêtres avoit eu pareil vice de conformation".

Il femble donc qu'il faille reconnaitre que le fex-digitifme fe tranfmet ou paroit fe tranfmettre par l'un & l'autre fexe. Il refulte même des obfervations de M RENOV, que fi dans une famille fex-digitaire, il se rencontre une génération exempte de la difformité, la génération luivante, ou quelqu'une des générations fuivantes s'en trouvera affectée. On peut remarquer enfin, qu'il eft dans tout ceci de grandes variétés, qu'on feroit tenté de nommer des bizarreries, s'il pouvoit y avoir de vraies bizarreries dans la Nature.

Que devons-nous donc renfer de la propagation du fex-digitisme par le fexe feminin files Femelles étoient douees d'une liqueur prolifique, il ne feroit pas bien difficile, comme je le difois, de ré foudre le problême. Nous raifonnerions fur cette liqueur des Femelles, comme j'ai raifonné fur celle des Mâles Peut-être même feroit on porté à regarder la propa gation du fex digitisme par les Femelles, comme une preuve ou au moins comme De préfomption qu'elles ne font pas abfolument privées d'une liqueur prolifi que; mais qui ne fauroit faire develop (1) Voyez l'Article CCCXLI.

tions à certaines monftruofités; & il feroit même poffible que ces difpofitions ne devinffent fenfibles qu'après la naiffance.

per entiérement le germe fans le concours de celle du Mâle. Evitons cependant de recourir à une fuppofition trop contredite par d'autres faits : n'admettons de liqueur vraiment prolifique que dans les Mâles feuls; & admettons en même tems, que tous les germes humains ont été créés avec cinq doigts aux mains & aux pieds, ou ce qui revient au même, qu'il n'y a qu'une feule efpece d'Hommes.

Suivant cette fuppofition, il faudra néceffairement admettre, ou que la liqueur féminale du Mâle peut agir à la fois fur plufieurs générations, comme je l'ai infinué dans la note précédente au fujet de la Fille de Gratio; ou qu'il eft dans le corps Animal des caufes naturelles perturbatrices qui opérent le fex-digitifme. On voit bien que ces caufes perturbatrices doivent dépendre en dernier reffort de certaines modifications fecrettes, furvenues à l'organisation ou au cours des liqueurs, & dont nous ne faurions pénétrer l'o rigine. Si ces caufes n'agiffent que fur les doigts du Germe, la monftruofité ne fera pas de nature à fe propager; mais fi elles affectent les organes de la génération dans l'individu fécondateur, la monftruofité pourra fe transmettre à une autre génération, comme j'ai tenté de l'expliquer au fujet de la Famille du Malte.

On trouve dans les Mémoires de l'Académie des Sciences de Paris pour l'année 1770, un Ecrit de feu M. MORAND fur le fex-digitifme. La partie

la plus intéreffante de cet Ecrit, eft celle qui concerne la diffection des doigts furnuméraires d'un fex-digitaire. Elle manquoit effentiellement à l'hiftoire de l'Anatomie, & je l'avois fort defirée. M. MORAND avoit retrouvé dans ces doigts fuperflus, les muscles & les tendons néceffaires à l'exécution de leurs divers mouvemens, quoiqu'avec des variétés plus ou moins remarquables. Mais il omet de parler des vaiffeaux & des nerfs, qui fe diftribuoient dans ces doigts, & cette omiffion eft à regretter. Le favant Académicien conclut de cette organisation plus ou moins réguliere des doigts furnuméraires, que cette forte de fex-digitifme démontre l'existence de Germes originairement monstrueux. Mais il eft des fex-digitaires dont les doigts furnuméraires font incapables de s'acquitter des fonctions propres à ces organes. M. MORAND obferve, que ces fortes de doigts furnuméraires dépour vus de mouvemens, ont bien un ou plufieurs os revêtus de leur périofte, & recouverts de la peau; mais qu'il n'y a entre l'os & la peau qu'une fubstance fébacée, qui en remplit l'intervalle. Cette forte de fex-digitisme eft, felon lui, la plus commune; & pour l'expliquer, il confent qu'on recoure à l'hypothefe des caufes accidentelles.

Il y a donc, fuivant notre Anatomiste, deux genres principaux de fex-digitisme Dans l'un, l'organisation eft réguliere, ou à-peu-près réguliere, & les doigts

CHAP. VIII.

agiflent avant la fé

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