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flots, forme des bancs, des caps, des golfes, des ifles... La terre, par fes tremblemens & fes révolutions, forme des montagnes, des collines, des plaines; produit des volcans, des lacs, des étangs où l'on n'en avoit jamais vû; tranfporte le cours des fleuves & des rivieres, les fait quelquefois difparoître entiérement, ainfi que des villes entieres, dont il ne reste plus aujourd'hui que le nom... Or fi dans la production de toutes ces choses, on ne peut raifonnablement admettre de l'intelligence; pourquoi vouloir en fuppofer dans l'arrangement univerfel du monde, ainfi que dans le méchanisme particulier des animaux & des végétaux ? Conféquemment il eft démontré que l'on peut se dispenser d'admettre deux causes ou deux fubstances effentiellement diftinguées, l'une defquelles foit active & l'autre paffive; puifque la matiere une fois déterminée au mouvement peut fuffire à tout (a)... Que l'on me donne

(a) Sors illis pro Deo eft, quâ Deus ipfe negatur. Plin. Lib. 2. Cap. 7.

de la matiere & du mouvement, difoiɛ un Philofophe conféquent & géométri que ; & je vous ferai un Univers. Nous répondrons à cette objection dans le chapitre fuivant.

CHAPITRE VI..

Fauffeté du principe par lequel les Matérialistes prétendent établir l'unité d'une fubftance, qui eft la matiere, caufe productrice & efficiente de toutes chofes par fon mouvement.

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E fyftême de l'existence unique & feule néceffaire de la fubftance étendue caufe productrice & effi ciente de toutes chofes par le mouvement auquel elle a été déterminée par l'exclufion du repos, ne peut abfolument fe foutenir, ni en Métaphyfique, ni en Phyfique.

Car premiérement l'exclufion du repos admet néceffairement un moteur

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d'une nature effentiellement différente de la fubftance qui est mûe... Tout corps mis en mouvement n'a pu s'y mettre de lui-même, puisque le mouvement n'eft pas effentiel à fa nature & ne peut avoir été mis en mouvement par un autre corps, qui de fa nature n'a pas plus d'action que lui (a). Il faut ici un progrès jufqu'au premier principe. Si le mouvement eft coéternel à la matiere, il lui eft effentiel; s'il lui eft effentiel, on ne peut la concevoir fans lui: or on la conçoit fans lui ;" donc il ne lui eft pas effentiel, mais lui vient d'ailleurs (b) or il ne peut lui venir que d'une caufe effentiellement diftinguée d'elle. Et ce principe eft tellement dans la nature , que l'exclufion du repos ne manque jamais de faire naître des queftions, & que le repos

(a) Materia quiefcens in fuâ quiete perseverabit, nec ad motum concitabitur nifi à caufâ potentiore & externá. Spin. Epift. 70. 1676.

(b) Quidquid ex aliquâ re tolli poteft; eâ integrá remanente, ejus effentiam non conftituit; & vice versa. Axiom.

au contraire les exclud toutes... Car perfonne ne s'avife de faire des raifonnemens fur l'état d'un corps en général qui n'eft point mû. On ne fait point de queftions fur l'état d'une pierre que l'on trouve à fes pieds fans mouvement parce que par une conformité d'idées qui ne fe dément dans aucun des hommes, le repos eft ce que nous concevons le premier dans la matiere après l'extenfion, comme le mouvement eft ce que nous concevons le dernier, & ce que nous regardons toujours comme étranger à la matiere...... Mais fi nous voyons voler par l'air cette même pierre que nous avons vûe à nos pieds fans mouvement, nous devons être reçus à demander la caufe de cette action que nous fçavons bien n'être pas propre à la nature de cette pierre. Parce que tous les hommes conçoivent que le repos, s'il n'eft pas effentiel à la matiere, eft du moins fon état naturel celui que nous concevons le premier dans cette fubftance après l'étendue, celui qu'elle ne quitte que difficilement, qu'elle reprend fans peine & auquel elle tend invinciblement; ce que l'on

ne peut pas dire de l'état oppofé qu'elle ne prend jamais qu'on ne lui donne & qui lui eft fi peu effentiel, que nous la concevons bien plus clairement fans lui qu'avec lui. Quoi qu'en dife M. Leibnitz, qui établit que pour connoître la matiere, il faut aller au-delà de l'étendue, & y concevoir une double action effentielle à fa nature, c'est-à-dire une tendance naturelle au mouvement & une réfiftance au mouvement imprimé d'ailleurs (a); ce qui eft démenti par l'expérience & la raison.

Ce que nous venons de dire de tout corps qui n'eft point en mouvement on le peut dire de tout corps où l'on n'apperçoit point d'ordre... Je ne ferai point de queftions fur un lingot d'or que l'on me mettra entre les mains, je verrai feulement que c'eft de l'or, & je né concevrai en le regardant que la

(a) La force de fe mouvoir, fuppofée dans la matiere, est un objet que nos idées trouvent étranger & extrinféque à l'égard du corps & de l'étendue, tout de même que le fentiment & la pensée. Hift. de l'Acad des Scien. Tom. IX.

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