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tir avec quelle puiffance elle difpofe de tout ce qui n'exifte que par elle. L'’Univers eft comme un grand livre, dans lequel l'existence de Dieu écrite en gros caracteres, accufe de ftupidité ou de malice, ceux qui ne l'y voyent pas, ou qui ne veulent pas l'y voir.

Lorfque notre Matérialiste dit, que la matière ne pouvant exifter fans le repos, ou fans le mouvement, parce qu'il n'y a point de milieu donné entre les deux ; il s'enfuit en conféquence, que l'exclufion du repos a néceffairement produit le mouvement, & celuici l'ordre, qui n'eft ordre que pour nous, & rien à l'égard de la matiere. Quoiqu'en cela il n'avance rien que de pofitif, on peut cependant affurer , que fi par-là il prétend établir que l'intelligence qui connoît toutes ces chofes, eft elle-même un effet du mouvement; on peut, dis-je, être affuré qu'il ne s'entend pas lui-même.

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Car il refte à demander pourquoi ce que l'on appelle l'ordre n'a de jufteffe que pour les êtres que l'on appelle penfans, lefquels pourtant ne font que des modifications ; & pourquoi ce

même ordre n'eft-il rien pour les autres êtres & pour le refte de la matiere con· fidérée en elle-même ?... Il y a donc quelque chofe dans les uns qui ne fe rencontre pas dans les autres... Or ce quelque chofe eft absolument matiere, ou ne l'eft pas; s'il eft matiere, comme le veut notre Philofophe, on lui demande, par quel privilége fingulier une portion de la matiere univerfelle déterminée au corps humain, admire-t-elle un ordre, une jufteffe, une économie, dont la totalité de la matiere ne se doute pas (a)?... Il répond que c'eft en vertu de fa modification, mais ce n'eft rien dire ; car qu'eft-ce que modification? C'est un arrangement. Ainfi partout où il fe rencontre un arrangement de cette efpece dans la matiere univerfelle, cet arrangement fait ce que l'on appelle penfer; c'est-à-dire qu'il fe connoît lui-même, & la fubftance dont il fait partie, & de laquelle

(a) In materiâ nihil datur præter mechanicas texturas. Spin. Part. 2. Cap. 6. Cogit. Metaph. Vid.

il n'eft diftingué que par fa façon d'être. Partout où cet arrangement ne fe rencontre point, non-feulement la matiere ne pense pas, mais elle n'a pas même le plus léger fentiment de fon existence... Mais toute modification n'eft qu'un accident qui n'ajoute rien à la fubftance; ainfi la faculté de fentir & de penfer ne fçauroit donc être produite dans la matiere par la modification... D'ailleurs comment la modification qui doit fon existence au fujet, a-t-elle pû parvenir à lui être infiniment fupérieure en nature? Par quelle autre modification eft-elle parvenue à connoître que la fubftance qui eft fon principe eft brute & infenfible, pendant qu'elle eft elle-même fenfible & intelligente? Comment en vertu de la combinaison qui conftitue fon être, a-t-elle pû acquérir le fentiment & la connoiffance de cette même combinaison? Elle fait plus que de fentir & de connoître le inéchanifme qui conftitue fon être; elle l'admire, elle l'examine, elle le critique, elle l'imite même jufqu'à un certain dégré. Quel fyftême fut jamais plus abfurde & plus contraire à

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lui-même !... O! curva in terris

anima (a)!

CHAPITRE VII.

,

Que les fubftances actives particulieres ne font point des modifications de la fubftance active univerfelle.

ELON vos principes, reprend le

ces univerfelles; la fubftance active univerfelle qui eft Dieu; & la fubftance paffive univerfelle qui eft la matiere. Or fi, comme vous en convenez vous-même, les corps particuliers, ne font que des modifications de la fubftance paffive univerfelle; il doit s'enfuivre par la même conféquence, que les fubftances actives particulieres, qui font les efprits ou les intelligences

(a) Perfii Satyr. 2.

C

humaines, ne font

ne font que des modifica tions de la fubftance active univerfelle qui eft Dieu (a)... Ainfi il n'y aura point d'action particuliere de l'ame, ni fur fon corps, ni fur elle-même, puifqu'il n'y aura que celle de Dieu.. Car je ne vois nullement pourquoi tous les corps étant des modifications de la matiere univerfelle, les efprits ou fubftances penfantes, ne feront pas des modifications de la fubftance universelle

...

intelligente (b) Par quel droit & fur quoi fondé, imaginez-vous des fubftances particulieres penfantes, effentiellement diftinguées de la fubftance

(a) Potentia Dei univerfalis, nihil eft præter omnium fimul individuorum potentiam. Spin. Tract. Theolog. politic. Cap. 16.

(b) Mens noftra pars eft infiniti intellectus... Mentes noftræ funt æterni cogitandi modi, ità ut omnes fimul Dei æternum & infinitum intellectum conftituant. Spin. Ethic. Part. 2. Prop. 43. Vid. Schol. Part. 5. Ethic. Prop. 40. Vid. Schol.

Animum Prifci Deum effe dixerunt, & ex univerfa mente divinâ animos effe delibatos. Apud Cic. Somn. Scipio. de Senect. Cap. 21. n. 78. & paffim apud Veteres.

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