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Athênes par mon pere accrue & protégée,

Reconut avec joie un roi fi généreux.

Si dans le même mot l'e muet précédé d'une voyele, est suivi d'une s ou des lettres nt, ce mot ne peut se mettre qu'à la fin du vers, comme dans ceux-ci :

Je vois combien tes vœux font loin de tes pensées.
Auffi-tôt maint efprit fécond en rêveries,
Inventa le blafon avec les armoiries.

Tandis que dans les airs mille cloches émues,
D'un funebre concert font retentir les nues.

Au feul nom de Henri les François fe rallient :
La honte les enflamme, ils marchent, ils s'écrient.
Souvent dans leurs projets les conquérans échouent.
Ainfi ces deux Vers ne valent rien :

Tu payes d'impofture & tu m'en as donné.

Ce que voyent mes ieux, franchement je m'y fie.

fe

L'e muet au dedans d'un mot & à la fuite d'une autre voyele, fupprime toujours & ne fait pas une fyllabe particuliere dans la prononciation ce qui arive le plus ordinairement dans les futurs des Verbes. Ainfi tuerai, crierons, louerez, facrifiera, enjouement, &c. fe prononcent, túrai, criront, loûrez, facrifira, enjoúment, comme dans ces Vers:

J'efpere toutefois qu'un cœur fi magnanime'
Ne facrifiera point les pleurs des malheureux..
J'avouerai qu'autrefois au milieu d'une armée,
Mon cœur ne foupiroit que pour la renomée.
S'il vient il paiera cher un fi fenfible outrage.

facrifiera ne fait que quatre fyllabes, j'avouerai n'en fait que trois, & paiera n'en fait que deux.

Des Voyeles qui forment ou ne forment pas de Diphthongues.

Il est encore très-effentiel de favoir quand plufieurs voyeles forment dans les Vers une diphthongue ou n'en forment pas, c'est-à-dire, quand elles doivent fe prononcer en une ou en deux fyllabes: furquoi nous donnerons ici quelques regles particulieres, en parcourant les différentes fortes de diphthongues, dont la plupart doivent fe prononcer en deux fyllabes, dans la poéfie & dans le difcours foutenu.

IA, forme généralement deux fyllabes, foit dans les Noms, foit dans les Verbes, comme dans di-amant, di adême, étudi-a, confi-a, vubli-a, &c. excepté dans quelques mots qui fe réduifent à peu-près à ceux-ci, diable, fiacre, liard, familiarité, familiarifer:

De peur de perdre un liard foufrir qu'on vous égorge,
Sa familiarité jusque-là s'abandone.

Je hais.... ces gens.....

Dont la fiere grandeur d'un rien se formalife,

De crainte qu'avec elle on ne familiarife.

IE, avec l'e ouvert ou fermé, n'est ordinairement que d'une syllabe, de quelque confone qu'il foit suivi, comme dans ciel, troifie-me, fie-vre, pie-ce, ami-tié, ba-ri-ere, pa-pier, pre-mier, &c.

Il faut obferver que dans les Verbes en ter de la premiere conjugaifon, ie forme deux fyllabes à l'infinitif, à la feconde perfone du pluriel du préfent de l'indicatif, ou de l'impératif, & au participe paffif. Ainfi il faut prononcer, étudi-er, confi-er, déli-er, mari-er; vous étudi-ez, vous confi-ex, vous déli-ez, vous mari-ez; étudi-é, confi-é, déli-é, mari-é. IA1, dans la premiere perfone du prétérit de ces Verbes, fe prononçant comme ié, forme auffi deux fyllabes: J'étudi-ai, je confi-ai, je déli-ai, je mari-ai.

On prononce de même, vous ri-ez, vous fouri-ez, impi-été, inqui-et, inqui-éter, inqui-étude, hardi-effe, matéri-el, effenti-el, & quelques-autres mots en el de plus d'une fyllabe.

HIER, s'emploie quelquefois en une seule syllabe, comme dans ce Vers:

Hier j'étois chez des gens de vertu finguliere.

Mais on en fait plus communément deux fyllabes, comme dans ce Vers:

Mais hier il m'aborde, & me ferrant la main,

Ah! Monfieur, m'a-t-il dit, je vous atends demain.

Il est d'une feule syllabe dans avant-hier.

Le bruit court qu'avant-hier on vous afsassina.

lo, eft communément de deux fyllabes, comme dans vi-olence, vi-olon, di-ocife. On pouroit en excepter, fio-le & pio-che.

Prends la fiole où.....

Je crains en ce défordre extrême.....

OE, ne fait qu'une fyllabe, comme dans boë-te, coë-fe, moë-le, poè-le; excepté dans poé-fie, po-ême, Po-ête.

O1, avec le fon de l'o & de l'è ouvert, n'eft jamais que d'une fyllabe, comme dans roi, loi, voi-là, emploi, &c.

UE, avec l'e ouvert ou fermé, et toujours de deux fyllabes, comme dans du-el, tu-er, tu-é, attribu-er, attribué, fu-er, fu-é.

U1, ne forme qu'une fyllabe, comme dans lui, ce-lui, dédui-re, conftrui-re, fuir, fui, aigui-fer, &c. excepté dans ru-ine, ru-iner,

bru-ine.

IAI, eft de deux fyllabes dans ni-ais: il eft quelquefois de deux & quelquefois d'une feule dans bi-ais, bi-aifer, ou biais, biaifer.

IAU, eft toujours de deux fyllabes, comme dans mi-auler, befti-aux, provinci-aux, impéri-aux, &c.

IEU,

IEU, fe prononce ordinairement en deux fyllabes, comme dans pi-eux, odi-eux, furi-eux, préci-eux : excepté dans cieux, Dieu, lieu, lieu-tenant, mi-lieu, mieux, pieu, é-pieu, ef-fieu, vieux, ieux.

OUE, avec l'e ouvert ou fermé, eit de deux syllabes, comme dans jou-et, lou-er, lou-é, avou-er, avoué: excepté dans fouet & foué-ter. Oui, eft de deux fyllabes, comme dans ou-ir, ou-i, jou-ir, jou-i, blou-ir, éblou-i: excepté dans bouis, & dans oui, marquant affirma

tion.

Et deux fois de fa main le bouis tombe en morceaux.

IAN & IEN avec le même fon, forment deux fyllabes, comme dans étudi-ant, fortifi-ant, ri-ant, li-ant, cli-ent, pati-ent, impati-ence, expédi-ent, expéri-ence: il faut feulement excepter vian-de.

Autour de cet amas de viandes entafsées,

Régnoit un long cordon d'alouetes prefsées.

IEN, avec le fon qui approche de celui de l'é fermé, ne forme ordinairement qu'une feule fyllabe, dans les noms fubftantifs, les pronoms poffeflits, les verbes, & les adverbes, comme dans bien chien, rien, mien, tien, fien, je viens, je tiens, combien, &c. excepté li-en, parce qu'il vient du Verbe lier de deux fyllabes.

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len, eft de deux fyllabes, quand il termine un nom adjectif d'état, de profeffion, ou de pays, comme dans Grammairi-en, comédi-en, mufici-en, hiftori-en, gardi-en, magici-en: excepté chré-tien.

ION, n'eft d'une fyllabe que dans les premieres perfones du pluriel de l'imparfait de l'indicatif, du conditionel préfent, du préfent & de l'imparfait du fubjonctif des Verbes, quand il ne fe trouve pas, avant la terminaifon de ces persones, une r précédée d'une autre confone. Il est de deux fyllabes dans les premieres perfones du pluriel du préfent de l'indicatif ou de l'impératif des Verbes qui ont l'infinitif en ier, & dans quelque autre mot que ce puiffe être, comme dans nous étudi-ons, nous confi-ons, nous déli-ons, nous mari-ons, nous ri-ons, li-on, religi-on, uni-on, paffion, vifi-on, créati-on, &c.

OIN, n'est jamais que d'une fyllabe, comme dans.coin, foin, befoin, apointement, &c.

Enjambement des Vers.

Les Vers n'ont ni grâce, ni harmonie, quand ils enjambent les uns fur les autres, c'est-à-dire, quand le fens deineure fufpendu à la fin d'un Vers, & ne finit qu'au commencement du Vers fuivant: ce qui arive principalement toutes les fois que le commencement d'un Vers eit régime ou dépendance néceflaire de ce qui fe trouve à la fin du Vers précédent, comme dans ceux-ci :

C'étoit votre nourice. Elle vous ramena,
Suivit exactement l'ordre que lui donna
Votre pere, &c.

Mmmmm

où l'on voit que votre pere a une liaison néceffaire avec la fin du Vers précédent, puifqu'il eft le nominatif du Verbe donna.

Cette regle eft effentiele dans les Vers d'un style noble & sérieux : on s'en difpenfe néanmoins quelquefois dans les Vers d'un ftyle familier, comme dans les comédies, les fables, les contes, les épîtres, &c.

Mais l'harmonie, en quelque ftyle que ce pût être, ne feroit bas blefsée, fi le régime ou la dépendance d'un Vers s'étendoit jusqu'à la fin du Vers fuivant, comme dans ceux-ci :

L'amour effentiel à notre pénitence,

Doit être l'heureux fruit de notre repentance.

Mais admire avec moi le fort dont la poursuite
Me fait courir alors au piége que j'évite.

Tranfpofition des Mots.

Quoique le langage de la Poéfie Françoife ne foit pas différent de celui de la Profe, & qu'on y emploie communément les mêmes mots; il est cependant permis d'y faire dans la conftruction de la phrafe, certaines tranfpofitions que la Profe n'admetroit pas, & qui contribuent beaucoup à l'harmonie & à la nobleffe des Vers. Mais il faut toujours faire ces tranfpofitions avec efprit & avec goût, de maniere qu'elles n'apportent ni dureté, ni obfcurité dans les Vers.

Elles confiftent à changer l'ordre naturel des mots : ce qui peut fe faire de plufieurs manieres.

1. En mettant le nominatif après le verbe, comme on le met aufli quelquefois en Profe. Ainfi dans ces Vers:

Ce traitement, Madame, a droit de vous furprendre ;

Mais enfin, c'eft ainfi que fe venge Alexandre.

l'ordre naturel feroit, c'est ainsi qu'Alexandre fe venge.

11. En mettant le régime abfolu à l'accufatif avant le régime qui le gouverne: ce qui ne doit pourtant fe faire qu'avec beaucoup de réserve, comme dans ces Vers:

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Le fort vous y voulut l'une & l'autre amener
Vous pour porter des fers, elle pour en donner.
Vous direz à celui qui vous a fait venir,
Que je ne lui faurois ma parole tenir.

L'ordre naturel & indifpenfable en Profe, feroit, le fort voulut vous y amener l'une & l'autre, &c. que je ne faurois lui tenir ma parole. III. En mettant un nom au génitif avant celui dont il dépend, comme dans ces Vers:

Celui qui met un frein à la fureur des flots,

Sait auffi des méchans arrêter les complots?

au lieu de dire, fait auffi arrêter les complots des méchans.

IV. En mettant le régime relatif au datif ou à l'ablatif, avant le verbè auquel il a raport, comme dans ces Vers:

Quels charmes ont pour vous des ieux infortunés,
Qu'à des pleurs éternels vous avez condamnés.

au lieu de dire, que vous avez condamnés à des pleurs éternels.

La Grece en ma faveur eft trop inquiétée ;
De foins plus importans je l'ai crue agitée.

au lieu de dire, je l'ai crue agitée de foins plus importans.
V. En mettant entre le verbe auxiliaire & le participe, des mots qui
ne s'y foufriroient pas en Profe, comme dans ces Vers:

Aujourd'hui même encore une voix trop fidele

M'a d'un triste désastre apporté la nouvele.

au lieu qu'il faudroit dire en Profe, m'a apporté la nouvele d'un triste défafire.

Le Ciel enfin pour nous devenu plus propice

A de mes ennemis confondu la malice.

au lieu de dire, a confondu la malice de mes ennemis.

V I. Enfin en mettant avant le verbe tout ce qui peut en dépendre, & ce qui devroit naturélement être mis après. Ce font le plus communément les prépofitions avec leurs régimes, comme on le reconoîtra fans peine dans les Vers suivans:

A ce difcours, ces rivaux irrités,
L'un fur l'autre à la fois fe font précipités.
Pour la veuve d'Hector fes feux ont éclaté.

Contre mon ennemi laiffe-moi m'affurer.

Si la foi dans fon cœur retrouvoit quelque place.

Par de fériles vœux pensez-vous m'honorer ?

Peuple ingrat! Quoi toujours les plus grandes merveilles,
Sans ébranler ton cœur, fraperont tes oreilles !

Mots à éviter dans les Vers.

Comme un des principaux objets de la Poéfie eft de flater agréablement l'oreille, on doit en banir tous les mots qui pouroient la choquer, ou parce qu'ils feroient trop rudes, ou parce qu'ils auroient quelque conformité de fon avec d'autres mots déja employés dans le même Vers, ou parce que la répétition n'en feroit ni néceffaire ni agréable, ou enfin parce qu'ils feroient trop bas & qu'ils fentiroient trop la Profe.

Il est un heureux choix de mots harmonieux.
Fuyez des mauvais fons le concours odieux.

Le Vers le mieux rempli, la plus noble pensée,
Ne peut plaire à l'efprit, quand l'oreille eft blessée.

Mmmm mij

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