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AN. 363. S'il penfe mal, il en rendra compte à Dieu. Nous autres hommes, nous entendons les paroles: c'eft Dieu qui connoît le cœur. Les Ariens dirent: Commandez que nous puiffions nous af fembler. Et qui vous en empeche ? réponditil. Ils dirent: Seigneur, il nous appelle heretiques & dogmatiftes. L'Empereur répondit: C'eft fon devoir & de ceux qui enfeignent bien. Les Ariens dirent: Seigneur, nous ne le pouvons fupporter: il nous a ôté les terres des églifes. L'Empereur dit: C'est donc pour vos interefts que vous eftes venus ici, & non pas pour la foi. Puis il ajoûta: Retirez-vous & vivez en paix. Et enfuite: Allez à l'églife: vous avez de main une affemblée, aprés laquelle chacun foufcrira ce qu'il croit. Ilyaicides évêques: Athanafe même y eft: ceux qui ne font pas inftruits dans la foi l'apprendront de lui. Vous avez demain & aprés demain, car je vais au champ.

:

Un avocat cynique dit à l'empereur: Seigneur, à l'occafion de l'évêque Athanafe, le treforier m'a ôté mes maisons. L'empereur dit: Si le treforier a pris tes maifons, qu'a de commun cela avec Athanafe? Un autre avocat nommé Peta las dit J'ay une accufation contre Athanafe. L'Empereur dit: Et toi qui es payen, qu'as-tu de commun avec les Chrétiens? Quelques-uns du peuple d'Antioche prirent Lucius, & le prefenterent à l'Empereur, en difant : De grace, Seigneur, regardez quel homme ils ont voulu faire évêque. Apparemment fon exterieur n'étoit pas avantageux. Lucius toutefois fe prefenta encore à l'Empereur à la porte de fon palais, & le pria de l'écouter. L'Empereur s'arrêta, & dit: Dismoi Lucius, comment es-tu venu ici, par mer ou par terre? Par mer, dit Lucius. L'Empereur dit: Je te le dis Lucius: Que le Dieu du monde & le foleil & la lune puniffent ceux qui font venus avec

toi, de ne t'avoir pas jerté dans la mer; que le AN. 363 vaiffeau n'ait jamais un vent favorable, & que dans la tempefte il ne trouve point de port. Les Ariens par le moyen d'Euzoïus avoient prié Probatius & les autres eunuques du palais de les recommander. Mais l'Empereur le fachant, fit châtier feverement les eunuques, & dit: Si quelqu'un veut folliciter contre les Chrétiens, qu'il foit ainfi traité. L'Empereur fort fatisfait Soz.v1.c.5. de la converfation de S. Athanafe le renvoya en Egypte gouverner les églifes, & demeura rempli d'une haute eftime de fa capacité & de fa

vertu.

fe en The

On peut rapporter à ce temps de paix, la vi- LVIII. fite que fit S. Athanafe dans les églifes de la hau-S. Athana te Thebaide. En remontant le Nil, il arriva par baïde. S. bateau jufques à Tabenne, où étoit le monaftere Pacome. de S. Pacome. Ce faint avoit un grand refpect & une grande affection pour S. Athanafe, connoiffant la fainteté de fa vie, les grandes perfecutions qu'il avoit fouffertes pour la foi, fa charité envers tout le monde, & particulierement envers les moines. Il fe preffa donc d'aller avec tous les fiens au devant du S. archevêque, & ils le receurent avec grande joie, chantant des hymnes & des pleaumes. Mais S. Pacome fe tint caché dans la foule des moines fans fe prefenter à lui, parce qu'il favoit qu'Aprion évêque de Tentyre, qui étoit dans fon voifinage, avoit fouvent parlé de lui à S. Athanafe, comme d'un homme admirable & d'un vrai ferviteur de Dieu, le priant de l'élever au facerdoce. S. Pacome avoit alors un grand nombre de difciples, qu'il avoit receus fuivant l'ordre exprés de Dieu réiteré jufques à trois fois par le miniftere des anges; & il les conduifoit felon la regle, qu'il avoit receuë du ciel écrite fur une table. En voici les Sup. liv. x. principaux articles. Il étoit permis à chacun de n. 8. vita

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man

Pach.c.22

AN. 363. manger & de jeûner felon fes forces; & on mefuroit le travail à proportion. Ils legeoient trois à trois en differentes cellules: mais la cuifine & le refectoir étoient communs. Leur habit étoit une tunique nommée lebitone. Elle étoit de lin fans manches, mais avec un capuce; ils portoient une ceinture, & deffus la tunique une peau de chevre blanche, nommée en Grec melotes, qui couvroit les épaules: ils gardoient l'une & l'autre en mangeant & en dormant: mais venant à la communion, ils ôtoient la melote & la ceinture, ne gardant que la tunique. Pendant le repas ils fe couvroient la tête de leurs capuces, pour ne fe point voir les uns les autres, & obfervoient le filence. Les hoftes ne mangeoient point avec la communauté. Les novices étoient trois ans fans étudier les chofes de plus grande perfection, fe contentant de travailler en fimplicité. Tout le monaftere etoit divifé en vingt-quatre troupes, dont chacune portoit le nom d'une des lettres de l'alphabet grec avec un raport fecret aux mœurs de ceux qui la compofoient. Les plus fimples, par exemple, étoient rangez fous l'iota, dont la figure eft I; les plus difficiles à conduire fous le Xi, dont la figure eft, afin que l'abbé pût aisément s'informer de l'état de chacun dans une fi grande multitude, en interrogeant les fuperieurs par ce langage myfterieux, qui n'étoit connu que des plus fpirituels. Enfin l'ange qui parloit à S. Pacome, lui ordonna de faire douze oraisons le jour, douze le foir & douze la nuit. Il trouvoit que c'étoit peu, mais l'ange lui répondit: On ordonne ce que les plus foibles peuvent accomplir fans peine: les parfaits n'ont pas befoin de cette loi, car ils ne ceffent point de prier dans leurs cellules.

S. Pacome commença donc à recevoir tous ceux qui s'adreffoient à lui pour faire penitence:

mais il ne les admettoit à la compagnie des moi- AN. 363. nes, qu'aprés une longue épreuve. Il leur montroit l'exemple, gardant plus d'aufterité, quoique chargé du foin de tout le monaftere. Il fervoit à table, il travailloit au jardin, il répondoit à ceux qui frappoient à la porte, il affiftoit les malades jour & nuit. Ses trois premiers difci- C. 230 ples furent Pfentheffus, Suris & Obfis. Les C. 240 plus diftinguez enfuite furent Pecufe, Corneille, Paul, un autre Pacome & Jean. Il chargea des foins du monaftere ceux qui en étoient capables. Aux jours de feftes ils appelloient les prêtres des villages voifins, pour celebrer chez eux les SS. myfteres. Car S. Pacome ne fouffroit point que les moines fuffent élevez à la clericature: difant qu'il leur étoit plus avantageux de retrancher toute occafion de vanité & de jaloufie entre-eux. Il ne laiffoit pas de recevoir à la vie monaftique, ceux qui avoient auparavant été ordonnez par les évêques & de fe fervir de leur miniftere. Il les recevoit avec refpect, quoiqu'ils fuffent foupçonnez d'eftre tombez dans quelque faute, laiffant aux évêques à les juger.

Dans le grand nombre de ceux qui fe rangeoient C. zg fous fa conduite, il y avoit des vieillards, des enfans, des perfonnes de toutes fortes. Auffi les conduifoit-il differemment, fuivant leurs forces & leurs difpofitions naturelles. Les uns travailloient pour gagner de quoi vivre, les autres fervoient la communauté: ils ne mangeoient pas tous en même temps: mais chacun felon fon travail & fa devotion: feulement il les exhortoit tous à l'obéiffance, comme au chemin le plus court pour la perfection. Il établit, pour fe foulager, des fuperieurs particuliers, fur chaque maifon & fur chaque tribu, qui toutes ensemble compofoient plufieurs milliers de moines. Si quelqu'un de ces fuperieurs particuliers étoit ab

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fent,

AN. 363.fent, il fupléoit à fon défaut, comme ferviteur de tous: & vifitoit foigneufement ces monafte

C. 26.

6.27.44.

LIX. Monaftere de la

Pacome.

C. 28.

res.

Voyant dans fon voifinage de pauvres gens occupez à nourrir du bétail, & privez de la participation des facremens & de la lecture des faintes écritures: il prit la refolution, de concert avec S. Aprion évêque de Tentyre, de faire bâtir une églife dans leur bourg, qui étoit presque defert. Et comme il n'y avoit point encore de lecteurs ni d'autres clercs ordonnez pour celebrer l'office dans cette nouvelle églife, il y alloit avec fes moines à l'heure des affemblées ecclefiaftiques, & lifoit l'écriture fainte: fans rougirà fon âge de cette fonction, l'une des moindres de l'églife. Illifoit avec une attention & une devotion, qui le faifoit paroître aux yeux du peuple plûtôt un ange qu'un homme. Il en attira ainfi plufieurs à la foi Chrétienne. Car il avoit un grand zele pour la converfion des payens. Son aversion pour les heretiques n'étoit pas moindre: particulierement pour Origene qu'il regardoit comme tel, à caufe des erreurs que l'on avoit puifées dans fes écrits. C'eft l'état où le trouvoit S. Pacome, quand S. Athanafe vifita la Thebaïde.

La fœur de S. Pacome ayant appris les merveilles de la vie, vint à son monaftere pour le voir. foeur de S. Il lui fit dire par le portier: Ma foeur, vous favez maintenant que je fuis en vie & en fanté: allez en paix, & ne vous affligez pas, de ce que je ne vous vois point des yeux du corps: fi vous voulez fuivre ma maniere de vie, penfez-y bien; & fi je vois que ce foit une refolution ferme, je vous ferai bâtir un logement, où vous pourrez demeurer avec bienféance; & je ne doute point que par votre exemple le Seigneur n'en attire d'autres. La fæeur ayant oui ces paroles, pleura amerement; & touchée de componction, elle fe

refo

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