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fuive. Dés que le magiftrat touche la porte du AN. 362, lieu facré, il devient particulier : c'eft vous comme vous favez qui commandez au dedans: fuivant la loi divine, à laquelle on ne peut refifter fans arrogance. Je fuis preft à fecourir les habitans de Peffinonte, s'ils fe rendent propice la me-redes dieux: s'ils la negligent, non feulement ils ne feront pas innocens; mais, j'ai peine à le dire, ils reffentiront mon indignation.

Dans un autre écrit adreffé auffi à un pontife, Frag. Fule il dit qu'il lui a donné cette charge, étant per-P. 545% fuadé de fon merite, afin qu'il puiffe inftruire les autres avec plus d'autorité, non feulement dans les villes, mais à la campagne. J'agirai de concert avec vous, dit-il, moi qui par la grace des dieux porte le titre de fouverain pontife: non que j'en fois digne, mais je defire de l'eftre, & je les en prie continuellement. Il commence enfuite à lui donner des preceptes de morale, & dit que les Pontifes doivent vivre comme étant toù

jours en la prefence des dieux, dans une gran- P. 549? de pureté, s'abftenant non feulement de faire des actions deshonneftes, mais de prononcer ou d'oüir des paroles fales: qu'ils doivent éloigner d'eux les railleries infolentes, & les converfations impures: ne lire ni Archiloque, ni Hipponaz, ni les auteurs de l'ancienne comedie: c'eft à dire du caractere d'Ariftophane qui en effet eft trés-infame. Il veut qu'ils fe reduifent à l'étude de la philofophie, & encore de celle qui reconnoît les dieux pour auteurs, & qui en parle dignement: c'eft à dire celle de Pythagore, de Platon, d'Ariftote & des Stoïciens. Mais il leur défend les Epicuriens P. 550. & les Pyrroniens, regardant comme un effet de la providence des dieux, que la plufpart de leurs livres fuffent déja perdus. Il leur confeille de lire les hiftoires veritables, non les fables

com

P. 552.
P.553.

AN. 362.compofées en forme d'hiftoire, principalement celles qui traitoient d'amour, comme nos romans, parce qu'elles ne font propres qu'à allumer les paffions. Toute lecture, dit-il, ne convient pas aux perfonnes confacrées aux dieux. Il veut qu'ils s'apliquent principalement à purifier leurs penfées. Qu'ils aprennent les hymnes des dieux, fur tout ceux que l'on chante dans les temples. Qu'ils prient fouvent en particulier & en public: s'il fe peut trois fois le jour, du moins le matin & le foir. Qu'ils obfervent exactement les ceremonies établies par les anciennes loix: qu'ils pratiquent les purifications reglées, principalement la nuit qui precede le jour de leur fervice: qu'ils viennent enfuite au temple, & y demeurent le temps prescrit par la loi, comme à Rome, de trente jours. Pendant tout ce temps ils doivent s'occuper à méditer la fageffe, à prévoir & à difpofer tout ce qui regarde le fervice des dieux, fans fortir du temple pour aller chez eux, ou à la place publique, ou pour vifiter le magiftrat. Le temps du fervice étant paffé, le prêtre doit ceder la place à un autre ; & revenant à la vie commune, il peut aller chez fes amis, & même fe trouver aux repas où il fera prié, mais avec choix, il peut paroître dans la place, mais rarement; & parler au gouverneur, mais pour ceux qu'il doit raifonnablement fecourir. Dans le temple & pendant le fervice, il doit porter des habits trés-magnifiques: mais au dehors des habits fimples & ordinaires, & ne pas abufer pour la vanité de ce qui lui eft accordé pour l'honneur des dieux.

P. 554.

P.555.

P$556.

Qu'aucun des preftres, continue t-il, n'aproche en aucune maniere des fpectacles impurs, & ne les introduise dans fa maison. Je voudrois les banir entierement des theatres, s'il étoit poffible, & les rendre à Bacchus dans leur ancienne

pureté.

pureté. Mais ne croyant pas que cela foit poffi- AN. 362. ble ni expedient quant à prefent, je renonce à cette affectation. Seulement je veux que les prétres laiffent au peuple l'impureté des spectacles. Qu'aucun deux n'aille donc au theatre, & n'ait pour ami un comedien, un meneur de chariots, ou un danfeur. Je leur permets feulement d'aller s'ils veulent aux combats facrez, où il est défendu aux femmes, non feulement de combatre, mais de regarder. Pour les chaffes, qui se font dans les theâtres des villes: non feulement les preftres doivent s'en abftenir, mais encore leurs enfans. Aprés ces paroles de Julien, on ne doit pas s'étonner que les fpectacles fuffent défendus aux Chrétiens.

Il vient.enfuite aux choix des preftres, & veut P. 557. que l'on ne confidere que leur affection envers les dieux & envers les hommes, fans s'arrêter aux richeffes ni à la naiffance. Pour les exciter à la liberalité, il dit: Les impies Galiléens ayant obfervé que nos preftres negligeoient les pauvres, fe font appliquez à les affifter; & comme ceux qui veulent enlever des enfans pour les vendre, les attirent en leur donnant des gâteaux: ainfi ils ont jetté les fidelles dans l'athéïfme, en commençant par la charité, l'hofpitalité & le fervice des tables: car ils ont plufieurs noms pour ces œuvres qu'ils pratiquent abondam

ment.

Julien vouloit pouffer plus loin l'imitation du Greg. Naz. Chriftianifme, & établir dans toutes les villes or.3.p.101. des écoles publiques femblables aux églifes: où Sozom. v. l'on fit des lectures & des explications, foite. 16. pour la morale, foit pour les myfteres; que l'on y priât à certains jours, & à certaines heures à deux choeurs: qu'il y eût des châtimens reglez pour les fautes: des preparations pour être initié aux ceremonies facrées. Outre les hôpi

AN. 362. taux, il vouloit bâtir des monafteres; c'eft à dire des lieux de retraite, de meditation, & de purification pour les hommes & pour les vierges. Il admiroit entre-autres l'ufage des lettres ecclefiaftiques que les évêques donnoient aux voyageurs, & fur lefquelles ils étoient receus par tous les Chrétiens avec toute forte de charité. Mais Julien n'eut pas le temps d'executer tous ces beaux deffeins.

VIII.

fion de

Cefaire.

Cependant il s'efforçoit de perfuader tout ce Confef- qu'il pouvoit de Chrétiens, par les bienfaits, les honneurs, les promeffes, les careffes: defcendant jufques à des flateries indignes de fon rang. Il attaqua entre les autres Cefaire frere de S. Gregoire de Nazianze, qu'il trouva à la cour de C. P. exerçant la medecine avec une grande Greg. Naz. confideration. Il avoit étudié à Alexandrie, non feulement la medecine, mais la geometrie 163., 164. l'aftronomie, la philofophie & l'éloquence. E

or.10.1.

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Zd. ep.17.

tant venu à C. P. fon merite & fon exterieur avantageux lui attirerent l'eftime de tout le monde. Pour l'y arrêter, on lui offrit des honneurs publics, une alliance noble, & la dignité de fenateur. La ville envoya une deputation à l'Empereur Conftantius, pour le fuplier d'y arrêter Cefaire en qualité de medecin : ce que l'Empereur accorda. Il vivoit noblement à la cour, exerçant fa profeffion gratuitement, cheri des grands & de l'Empereur même. Toutefois il ne fe laiffoit ni éblouir par les honneurs, ni amolir par les delices; & comptoit toûjours pour fon capital d'eftre Chrétien. Souvent même il foûtint la verité de la religion par des difcours fubtils, fervents & pieux.

Quand Julien fut parvenu à l'Empire, Cefaire demeura quelque temps à fa cour: ce qui caufa un grand fcandale. S. Gregoire fon frere lui en écrivit en ces termes: Vous nous couvrez de confufion. Je voudrois que vous puffiez entendre

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ct que difent de vous ceux de la famille, les é- AN. 362, trangers & tous les Chrétiens qui nous conHoiffent. Voir le fils d'un évêque fervir à la Cour, defirer la puiffance & la gloire féculiere, fe laiffer vaincre à l'intereft & ne pas compter pour toute gloire & pour toute richeffe, de refifter courageufement en cette occafion, & de fuir au plus loin toutes les abominations. Comment les évêques pourront-ils exhorter les autres à ne pas ceder au temps, ni fe laiffer entraîner dans l'idolatrie, comment pourront-ils reprendre les autres pecheurs, s'ils n'ofent corriger leurs propres enfans? Mon pere eft fi affligé, que la vie lui eft infuportable; & je nele confolois qu'en me rendant caution de vôtre foi, & l'affeurant que vous cefferiez de nous affliger. Pour ma mere on n'ofe lui dire cette nouvelle, & on employe mille inventions pour la lui cacher: la foibleffe de fon fexe & l'ardeur de fa picté la lui rendroient infuportable. Profitez de cette occafion, vous n'en aurez jamais une plus belle de vous retirer.

Cette lettre ne fut pas fans effet, & Cefaire ne trompa point l'efperance de fon frere. Ju- Or, 1o.p. lien, qui l'eftimoit pour fon efprit & fa doctrine, 167.C. fit tous fes efforts pour le gagner; & l'attaqua par des difcours artificieux devant un grand nombre de temoins. Mais Cefaire repouffà tous fes artifices, comme des jeux d'enfant, & protefta à haute voix qu'il étoit Chrétien, & qu'il le feroit toûjours. Julien s'écria: O l'heureux pere! ô les malheureux enfans! fachant que Gregoire, qu'il avoit connu à Athenes, ne lui étoit pas moins oppofé; & referva de s'en venger aprés la guerre de Perfe. Cependant Cefaire quitta la Cour, & fe retira chez fon pere en Cappadoce, par un exil volontaire & glo

rieux.

Tome IV.

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