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AN. 362. verneur fut d'abord irrité de cette lettre: mais enfuite il l'admira; & elle appaifa même la colere de l'empereur. La fuite juftifia la providence, qui avoit conduit l'élection d'Eufebe.

Le vieillard Gregoire fe fignala encore en déGreg. Nag.fendant fon église de Nazianze. On y envoya or. 19. p. comme dans les autres villes une compagnie de 807. D. foldats armez d'arcs & de fléches, pour s'emparer de l'églife ou pour la ruiner: mais Gregoire refifta avec un tel zele, que le capitaine fut obligé d'abandonner l'entreprife, & de se retirer au plus vite, pour le mettre en feureté. Le S. vieillard faifoit faire des prieres publiques pour obte nir la délivrance de l'églife & la fin de la perfecution: mais en particulier il prioit durant la nuit couchant fur la terre, nonobstant son grand âge, & arrofant le pavé de fes larmes. Ce qu'il continua pendant prés d'une année, & fi fecrettement, qu'il s'en feroit caché même à fa famille, fi fon fils Gregoire ne l'eût découvert.

XIV.

re de Nazianze &

Le fils avoit été ordonné preftre vers le comS. Grego-mencement de cette année; mais avec une extrême repugnance car outre des raifons gene5 Bafile rales de la dignité du facerdoce, de la fainteté & prêtres. de la capacité qu'il demande: il voyoit des diffi

Carm. T. P. 6. C.

cultez particulieres dans un temps, où l'eglife étoit fi cruellement déchirée au dedans par les heretiques, & attaquée au dehors par les payens. Son pere n'ignoroit pas fes fentimens, & toutefois le peuple conspirant avec lui, il l'éleva au fecond rang du facerdoce, le chargeant de l'inftruction des catecumenes & du miniftere de la parole, dont il ne pouvoit prefque plus s'aquitter à caufe de fon grand âge. Le fils accablé de ce coup inopiné, fe retira peu de jours aprés dans la folitude du Pont auprés de Saint Bafile: mais ayant un peu digeré fon chagrin, preffé par l'affection de fon pere & de tout le peuple

;

fidelle, frappé de l'exemple de Jonas, & crai- AN. 362 gnant de refifter à l'ordre de Dieu: il revint à paque, qui cette année 362. étoit le trente-un de Mars. Il parla dans l'église le jour de la fefte, dont il prit occafion pour fe pardonner reciproquement la violence qu'ils luy avoient faite en fon ordination, & le chagrin qu'il leur avoit donné par sa retraite. Plufieurs de ceux qui avoient defiré Gregoire avec le plus d'empreffement ne fe trouverent pas à ce premier fermon. Il en fut touché, & par un fecond difcours il Or.2. p.462 leur en fit des reproches animez d'une charité fincere. Mais comme il favoit que plufieurs avoient blâmé fa retraite, l'accufant de mépriser les ordres ou d'afpirer à un plus haut rang que la preftrife: il fit quelque temps aprés fon apologie par un grand difcours, où il traite àOrat. Ej fonds la dignité, les devoirs & les perils du facerdoce, & rend de folides raifons de fa crainte & de fa fuite, de fa foûmiffion & de fon re

tour.

336. B.

S. Bafile fut ordonné preftre vers le même temps. Il étoit revenu à Cefarée, & affifta à la mort de l'évêque Dianée. Eufebe qui étoit neophyte voulut s'appuyer du fecours d'un homme vertueux, inftruit & éloquent comme Bafile & déja éprouvé dans le miniftere ecclefiaftique; Greg, Nax car il avoit l'ordre de lecteur. S. Bafile écrivit or. 20. A fur fon ordination à fon ami S. Gregoire, qui Greg. Nako luy répondit: Vous avez auffi été pris. Onep. 11. nous a mis par force au rang des preftres, que nous ne defirions pas. Car nous fommes témoins l'un & l'autre combien nous cheriffions la philofophie humble & cachée. Peut-eftre euft-il mieux valu que cela ne fût point arrivé: mais je ne, fai qu'en dire, jufques à ce que je connoiffe la conduite de l'efprit. Puis que la chofe eft faite, il faut s'y foumettre: principa B 7

le

ou

AN. 362. lement à caufe du temps, qui nous attire les langues des heretiques; & ne pas faire honte à ceux qui nous ont confié le miniftere, au genre de vie que nous avons embraffé. On croit que le premier fermon de S. Bafile fut l'explication du commencement des proverbes.

r. 20. p. 336. C. f. 337.

Eufebe fon évêque, par un effet de la foibleffe humaine, eut enfuite un differend avec lui, Greg. Naz. dont on ne fait pas le fujet. Seulement on conjecture, qu'il étoit jaloux de l'autorité que lui donnoit fon éloquence & fa vertu. Les moines, qui regardoient S. Bafile comme leur chef, prirent fon parti, & attirerent une grande quantité de peuple, même des plus confiderables. D'ailleurs la perfonne d'Eufebe étoit peu favorable, à caufe de fon ordination plus violente que canonique: enfin il fe trouvoit alors à Cefarée des évêques d'occident, qui prenoient le parti Elias Cret. de S. Balile, & attiroient à eux tout ce qu'il y inf.avoit de catholiques. On croit que c'étoit S. Eufebe de Verceil & Lucifer de Caillari: L'églife de Cefarée alloit donc eftre déchirée par un fchifme, fi la fageffe de S. Bafile ne l'euft prévenu. Il fe retira dans le Pont avec S. Gregoire de Nazianze, & gouverna les monafteres qui y étoient établis,

. 53.

B. 28.

XV.

Antioche.

Amm.

XXII. c. 9. Hier. in VIII. Exech.

L'empereur Julien continuant fon voyage, Julien à paffa de Cappadoce en Cilicie: vint à Tarfe & enfin à Antioche, où il arriva à la fefte d'Adonis: c'eft à dire à la fin du mois de Juillet. Et comme cette fefte fe celebroit par des chants lugubres , pour plaindre la mort d'Adonis, tué par un fanglier & pleuré par Venus: elle parut aux payens d'un trifte prefage, pour l'entrée de l'empereur dans la capitale de l'Orient. Il vifitoit tous les temples fur les collines & fur les montagnes les plus rudes. Ainfi peu de temps

Gothofr. Chronol. C. Th.

aprés

aprés fon arrivée à Antioche, il alla au mont AN. Caffien vifiter un fameux temple de Jupiter; & en revint promtement pour la fefte d'Apollon, qui fe celebroit tous les ans au bourg de Daphné, prés d'Antioche, à deux lieues de l'autre côté du fleuve Oronte: c'étoit au dixiéme mois nommé Lous par les Macedoniens, qui répondoit au mois d'Aouft. Julien s'attendoit à voir Mifopog., dans cette occafion la richeffe & la magnificen-96.97. ce d'Antioche. Il fe figuroit une grande pompe, des victimes, des libations, des parfums, des danfes, de jeunes hommes revêtus de robes blanches & fuperbement ornez. Quand il fut entré dans le temple, il fut bien furpris de n'y trouver ni victimes, ni encens, pas même un gâteau. Il crut que tout l'appareil étoit dehors, & que l'on attendoit qu'il donnât le fignal, comme fouverain pontife. Enfin, il demanda ce que la ville devoit facrifier à cette fefte? Le facrificateur lui répondit: J'aporte une oye de chés moi; la ville n'a rien preparé. Alors Julien s'adreffant au fenat, parla ainfi: Il eft étrange qu'une fi grande ville témoigne plus de mépris pour les dieux, que la moindre bourgade des extremitez du Pont; & que poffedant des terres immenfes, aujourd'hui que la fefte de fon Dieu arrive la premiere fois, depuis que les Dieux ont diffipé le nuage de l'impieté, elle n'ofre pas un oifeau, elle qui devroit immoler des boeufs par tribu, ou du moins un taureau en commun pour toute la ville. Il n'y a que le facrificateur lui qui devroit plûtôt remporter chés lui fes portions de vos offrandes. Chacun de vous permet à fa femme d'emporter tout hors de chés lui pour donner aux Galiléens; & nourriffant les pauvres de vos biens, elles donnent crédit à l'impieté. Pour celebrer fa naiffance, chacun prepare deux fois le jour une

table

Un

AN. 362. table magnifique à fes amis: à cette fefte folemnelle, perfonne n'a aporté ni huile pour la lam pe, ni libation, ni victime, ni encens. homme raisonnable ne feroit pas content d'un Bid.p.1oo. tel procedé: bien-loin qu'il puiffe eftre agréa ble aux dieux. Ainfi parloit Julien auprés de l'autel aux pieds de l'idole: mais ni le fenat ni le peuple d'Antioche ne fut touché de fa harangue.

XVI. Conver fion du

fils d'un

facrifica

teur.

6. 24.

La fefte de Daphné duroit sept jours, pendant lefquels Julien fit un feftin public felon la coûtume. Le facrificateur avoit deux fils qui étoient miniftres du temple, & arrofoient d'eau luftrale les viandes que l'on fervoit à l'empereur. Theod. 111. L'un d'eux fit cette fonction le premier jour, & auffi-tôt s'enfuit à Antioche en courant, & alla trouver une vertueufe diaconeffe amie de fa mere, qui l'avoit fouvent exhorté à fe faire Chrétien. Aprés la mort de fa mere, il avoit continué de la voir, & ayant profité de fes inftructions, il lui demanda enfin comment il pourroit embraffer la religion qu'elle lui enfeignoit. Il faut, lui dit elle, fuir voftre pere, lui préferer celui qui vous a créés l'un & l'au tre, & paffer dans une ville où vous puiffiez éviter les mains de l'empereur; & je vous promets d'en prendre foin. Je viendray, répondit le jeune homme, & je remettrai mon ame entre vos mains. Ce fut donc en execution de cette promeffe qu'il s'enfuit de Daphné, & vint chez la diaconeffe, la priant d'accomplir fa parole. Elle fe leva auffi-tôt, & le mena à S. Melece. Car il étoit revenu à Antioche, fur la liberté que l'empereur avoit donnée aux exilez. Il fit demeurer quelque temps ce jeune homme dans une chambre haute. Cependant fon pere le cherchoit. Aprés avoir fait le tour de Daphné, il vint à Antioche, il parcourut tou

tes

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