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il s'est imaginé qu'un homme avoit attenté à l'honneur de sa fille ; et pour la punir, il l'afait enfermer dans un coffre, un instant après qu'elle est accouchée.

DORIS.

Et que fit-elle lorsqu'on la descendit dans ce coffre ?

THÉTIS.

Elle n'a rien dit pour sa défense, et elle a supporté sa condamnation avec courage; mais elle demandoit grace pour son fils, et montroit, en pleurant, à son grand-père, cet enfant d'une beauté ravissante, qui, sans se douter de son malheur, sourioit innocemment en regardant la mer. Mes yeux se remplissent de larmes au souvenir de ce spectacle.

DORIS.

Ton récit me fait pleurer aussi : mais sontils déja morts?

THÉTIS.

Non: le coffre flotte encore autour de Sériphe.
DORIS.

Que ne les sauvons-nous, en faisant tomber le coffre dans les filets des pêcheurs de cette côte ils le retireront et conserveront la vie à ces deux infortunés.

THÉTIS.

Tu as raison, suivons ton conseil; il ne faut pas abandonner cette malheureuse mère, ni son charmant enfant.

DIALOGUE XIII.

NEPTUNE ET LE FLEUVE ÉNIPÉE (1).

É NIPÉE.

CELA n'est pas honnête, Neptune, car il faut que je t'en dise mon sentiment; me souffler ainsi ma maîtresse, et lui ravir ses faveurs en prenant ma ressemblance ! C'est à moi qu'elle croyoit céder, et ce n'est que par erreur qu'elle s'est prêtée à tes caresses.

NEPTUNE,

C'est ta faute, Enipée ; dédaigneux et indolent envers une belle fille qui venoit tous les jours te visiter, et périssoit d'amour pour toi, tu la méprisois et semblois prendre plaisir à causer ses chagrins; triste et rêveuse, elle se promenoit sur tes rivages, se baignoit quelquefois dans tes flots, souhaitoit de te tenir dans ses bras, et tu n'avois pour elle

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que des

Et bien, falloit-il pour cela la ravir à ma tendresse, et que Neptune jouât le personnage

(1) Le sujet de ce Dialogue est tiré du onzième livre de l'Odyssée, v. 234 et suiv. Salmonée fut le fruit des amours de Neptune et de Tyro. Sophocle avoit fait. une tragédie, intitulée Tyro, dont cette aventure étoit vraisemblablement le sujet. Il ne nous en reste qu'un fragment, cité par Ælien, des animaux, liv. 11 chap, 18ẹ

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d'Enipée, et trompât, par ce déguisement, la jeune et simple Tyro?

NEPTUNE.

Ta jalousie vient un peu tard: il ne falloit pas être d'abord si dédaigneux. D'ailleurs, le malheur de Tyro n'est pas si considérable; c'est à toi qu'elle a cru accorder ses faveurs. É NIPÉE.

Point du tout, car en la quittant tu as eu soin de lui dire que tu étois Neptune; et voilà ce qui met le comble à sa peine. Et puis c'est un vol que tu m'as fait, de combler les vœux de celle qui m'appartenoit, de t'entourer d'un de mes flots azurés (1), à la faveur duquel, tu as joui à ma place de cette jeune fille.

NEPTUN E.

Et tu n'en voulois pas, Enipée ?

DIALOGUE XIV.

TRITON ET LES NÉRÉÏDES.

TRITO N.

LE monstre marin, que vous aviez envoyé

pour dévorer Andromède, n'a fait aucun mal à cette jeune fille, et même il est mort.

(1) Imitation du vers 242 du onzième livre de l'Odyssée.

UNE NÉRÉÏDE.

Et qui l'a tué, Triton? Céphée avoit-il exposé sa fille comme un appât ,et caché quelque part en embuscade avec une troupe de soldats seroit-il venu attaquer ce monstre, et l'auroitil tué ?

TRITON.

Nullement. Mais tu connois Persée, je pense, Iphianasse, ce fils de Danaé, que son aïeul maternel avoit fait renfermer avec sa mère dans un coffre, puis exposer sur les flots, et que votre pitié sauva de la mort.

IPHIAN ASS E.

Oui, je le connois. Ce doit être à présent un jeune homme aussi brave. que beau.

TRITO N.

C'est lui qui a tué le monstre.

IPHIAN ASS E.

Et pourquoi donc ? Ce n'est pas-là, je pense, le prix qu'il nous devoit, pour lui avoir sauvé la vie.

TRITO N.

Je vais vous raconter toute cette aventure. Il étoit en chemin pour aller à la demeure des Gorgonnes; le roi (1) lui avoit ordonné de les combattre. Déja il étoit arrivé en Lybie, où elles font leur séjour....

(1) Polydecte, roi de Sériphe. Voyez Apollodore, liy. 2.

IPHIA NASS E.

Comment cela, Triton? étoit-il seul, ou avoit-il des compagnons pour le seconder dans cette expédition? D'ailleurs, la route est bien difficile.

TRITO N.

Il voyageoit à travers les airs: Minerve lui

avoit donné des ailes. Parvenu au lieu où habitoient les Gorgones, et les trouvant endormies, il a tranché la tête à Méduse, et s'est envolé.

IPHIAN ASS E

Et quoi, l'a-t-il regardée ? On ne sauroit soutenir la vue des Gorgones; et quiconque les voit, ne peut plus, après, voir autre chose (1). TRITON.

les

Minerve lui présentoit un bouclier devant yeux. Voilà du moins ce que j'ai entendu dire à Persée, lorsqu'il racontoit son aventure, d'abord à Andromède, et ensuite à Céphée. Dans ce bouclier resplendissant, la déesse lui faisoit voir, ainsi qu'en un miroir, la figure de la Gorgone. Alors les yeux fixés sur cette image, il a saisi d'une main la chevelure de Méduse, et de l'autre, lui a coupé la tête avec le glaive recourbé dont il étoit armé, puis il s'est envolé avant que les deux soeurs se soient éveillées. Mais lorsque, arrivé sur le rivage de l'Ethiopie, il abaissoit déja son vol près de la terre,

(*) Parte que cette vue pétrifioit.

il

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