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Devroient à tous momens raffurer ma conftance,
Qui peut-être fuccombe à mes mortels ennuis,
Voulez-vous m'expofer au peril que je fuis
EUDOX E.

Madame le peril eft-il moins redoutable
A ne pas écouter ce Prince déplorable?
Refolu de vous faire entendre les adieux,
Il vous fuivra peut-être à toute heure, en tous

lieux,

Et voudra pour le moins devoir à la fortune, Le plaifir de vous faire une plainte importune: Que dis-je ? croyez-vous que plein de fon amour Il puiffe fe refoudre à partir de la Cour?

On fe propofe en vain de quitter ce qu'on aime. Enfin dans ce deffein confirmez-le vous-même, Montrez-lui le danger que vous courez tous deux ;

Qu'on verroit tôt ou tard quelque éclat de fes feux ;

Que l'Empereur, fuivant fon penchant ordinaire, Oublieroit les faints noms & d'époux & de pere, Et vous perdroit tous deux fur un fimple regard, Où peut-être l'amour auroit eu peu départ. Redoublez d'Andronic la fierté naturelle; Montrez-lui les chemins où la gloire l'appelle; Sur-tout commandez-lui de ne vous voir jamais, Qu'il ne s'approche plus des murs de ce Palais, Qu'il penfe à tous momens que fon fort & lé

vôtre

Vous doit jufqu'au tombeau feparer l'un de l'autre.

O Ciel! que feriez-vous fi trompant votre espoir,
Andronic en ces lieux revenu pour your voir,
Renouvelloit un jour par fa trifte prefence
Le fouvenir qu'auroit affoibli fon abfence?
Que de nouveaux combats! que de fecrets fou
pirs !

;

Hélas! épargnez-vous ces mortels déplaifirs.
Si le Prince une fois vous a promis, Madame,
De ne plus traverser le repos de votre ame,
D'aller loin de vos yeux, fans espoir de retour,
Etouffer ou nourrir un malheureux amour
Quelque brûlant defir, quelque ardeur qui le
preffe,
Madame, j'en répons, il tiendra fa promeffe.
Voyez-le, & fans frémir de fon deftin cruel,
Prononcez-lui l'arrêt d'un exil éternel.
IRENE.

Lui pourrai je impofer une loi fi funefte?
Ah! laiffez-le moi fuir fans me charger du refte;
J'ai caufé fes malheurs, en caufant fon amour,
Le prefferai-je encor de fortir de la Cour,
Et d'aller effuyer chez un Peuple barbare,
Du deftin ennemi le caprice bizarrë?

Que dis-je? Penfez-vous que dans mon trifte

cœur,

Ma vertu devant lui resiste à ma douleur?

Au bruit de fes foupirs.... à l'aspect de fes lar

mes....

Non, ce feul fouvenir me donne trop d'allarmes ;
Je ne puis m'expofer à ce trifte entretien,
C'eft trop de mon tourment, fans y joindre le
fien;

C'eft trop,pour triompher de toute ma conftance,
Hélas! d'avoir quitté les lieux de ma naiffance;
Ces lieux, où tout fembloit prévenir mes defirs,
Où mon coeur n'a jamais connu que les plaifirs.
O bienheureux féjour ! aimable Trebifonde !
O murs, où je vivois dans une paix profonde!
Que n'ai-je, en vous perdant, de mes funeftes
jours,

Par une prompte mort, vû terminer le cours!
Je m'éloignai de vous, en ces lieux entraînée
Par le trompeur espoir d'un heureux hymenée;

Je croyois qu'Andronic à mon deftin lié,
Pour jamais avec moi feroit affocié;

Nos Peres l'ordonnoient; Trebifonde & Bifance
Sur cet illuftre hymen fondoient leur esperance;
Je venois avec joye en celebrer les nœuds,
Le Prince étoit aimable, il étoit amoureux;
Vains projets! vains transports! esperance inu
tile!

J'arrive enfin à peine entrai-je en cette Ville
Que je me vois livrée à des maux infinis,
Il me faut époufer le pere au lieu du fils:
Nos deftins font changez; un ordre de mon pere
Détruit dans un inftant le bonheur que j'efpere:
En victime d'Etat, contrainte d'obéir,
Pour conferver ma gloire il fallut me trahir.
EUDOXE.

Eh! pourquoi rappellant vos difgraces paffées,
Occuper votre efprit de ces triftes pensées ?
Madame, faites-vous un genereux effort;
Avec moins de douleur rempliffez votre fort,
Et cachez avec foin aux yeux de tout l'Empire
Les déplaifirs fecrets....

IRENE.

Ah! que m'ofez-vous dire? Qui jamais a caché fes chagrins mieux que moi, Et mieux fubi du fort l'injurieufe loi? Cependant qui jamais eut le fort plus contraire? Obfervée avec foin par une Cour auftere, Où les yeux les plus chers me femblent ennemis; Où je n'ai rien des biens que je m'étois promis; Où fans ceffe livrée à ma douleur extrême, Mon cœur tyrannifé combat contre lui-même ; Que vous dirai-je enfin ? où ce cœur malheureux Eft fouvent malgré moi moins fort que je ne

yeux.

EUDOXE.

Redoublez vos efforts; le tems, votre conftance,

De vos profonds ennuis vaineront la violence, Et le Prince bientôt éloigné de vos yeux,

Vous

pourrez

....

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NARCE'E.

Andronic s'avance vers ces lieux,

Il vous cherche, Madame.

IRENE.

Ah je n'ofe l'attendre Eudoxe, vous pouvez lui parler & l'entendre; Voyez-le, dites-lui qu'en l'état où je fuis, Le fuir & le bannir eft tout ce que je puis.

SCENE III.

IRENE, ANDRONIC, EUDOXE,

Vous

NARCE' E.

ANDRONIC.

Ous me fuyez, Madame ? ah Ciel ! quelle injuftice!

Quoi, de tous mes malheurs vous rendez-vous complice ?

Helas! pour accabler un cœur infortuné,
Secondez-vous le fort à me nuire obftiné?

IRENE.

Que demandez-vous, Prince? & que pourrez vous dire ?

Méprifez-vous des loix que je vous fais preferire?
Quel eft votre deffein, de venir en ces lieux
Me faire malgré moi recevoir vos adieux ?
Puifque vous êtes prêt à fortir de Bisance,
N'en pouviez-vous fortir avec votre innocence?
Avez-vous oublié qu'un ferment folemnel
Nous impofe à tous deux un filence éternel ?
Qu'il n'eft plus entre nous d'entretien legitime;
Qu'un feul mot, qu'un regard, qu'un foupir eft

un crime?

Que fans ceffe attentive à remplir mon devoir, Je mets tout mon bonheur à ne vous plus revoir, Et quels que foient les maux que vous avez à craindre,

Qu'il ne m'eft pas permis feulement de vous plaindre? ANDRONIC.

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