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Mourant avec le nom que j'ai reçu de vous.
PLAUTIE.

Non, non, je previendrai ta funefte disgrace,
J'admire de ton coeur la genereufe audace.
Le deffein de mourir pour conferver ton rang,
Eft digne de ma fille, eft digne de mon fang;
Mais je n'en puis fouffrir la cruelle pensée :
Rome dans ton deftin elt trop intereffée
Virginius déja par mes foins averti,
Pour te venir defendre eft fans doute parti.
Dès le même moment que tu me fus ravie,
Sans prévoir les horreurs qui menacent ta vie,
J'envoyai vers le Camp, & je ne doute pas
Que ton Pere vers nous ne s'avance à grands pas.
Icile furieux, menace, prie, exhorte,

Aux plus hardis projets fa tendreffe l'emporte;
Enfin pour te fauver il fuffira de moi,

Que ne pourrai-je point en agiffant pour toi ? Nous attendons beaucoup de fecours de leurs ar

més,

Mais n'efpere pas moins de celui de mes larmes,
De cet affreux Palais j'ouvrirai les chemins,
Je fervirai de Chef aux premiers des Romains,
Et mes brulans foupirs verferont dans leur ame
Cette boillante ardeur qui m'anime, & m'enflâ-

me.

Adieu, je cours

Madame ?

...

VIRGINIE.

Helas! vous me quittez fi-tôt,

PLAUTIE.

J'en fremis, mais, ma fille, il le faut.
VIRGINIE.

Eft-ce trop peu des maux dont je fuis dechirée ?
Serai-je d'avec vous encore feparée ?

Aprés tant de foupirs, à peine je vous voi...

PLAUTIE.

Crois-tu qu'à te quitter je fouffre moins que toi? Quand à partir d'ici je me crois toute prête, Malgré tous mes efforts ma tendreffe m'arrête. Cet amour toutefois ardent à ton fecours, Demande des effets, & non pas des difcours ; Je te quitte ou plûtôt je vais tarir tes larmes, Te rendre à ta famille, & finir nos allarmes Le foin de te fauver m'arrache de ce lieu, On m'attend, & j'y vole, adieu, ma fille, adieu.

SCENE V.

VIRGINIE, CAMILLE.

VIRGINIE.

Amille, connois-tu l'excés de ma mifere?
Quel trifte fort!

CA

CAMILLE.

Je crains bien moins que je n'efpere. Les premiers des Romains fe declarent pour vous, Contre votre ennemi le Peuple eft en courroux; Votre Pere eft aimé dans Rome & dans l'Armée; Le jeune Icile enfin, dont vous êtes charmée, Et qui doit par l'hymen s'unir à votre fort, Ne fera pas pour vous un inutile effort, Sans doute en ce moment...

VIRGINIE.

Excufe ma foibleffe,

Crois-tu qu'en ma faveur Icile s'intereffe?
Crois-tu qu'il me conferve une fidele ardeur ?
Mes difgrâces peut-être auront changé fon coeur.
Ah! fi le mien privé feulement de fa vûë,
Ne refifte qu'à peine au chagrin qui me tuë,

Dieux, contre ma douleur où trouver du fe

cours,

Camille, s'il falloit le perdre pour toujours ? N'importe, en ce moment, quoi que le Ciel or donne,

A fes ordres facrez mon ame s'abandonne;
Je refpecte les traits qui partent de fa main,
Et je vais fans murmure attendre mon deftin.

Ein du premier Alte..

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SEVERE.

Ui, vous pouvez, Seigneur, auffi-bien que
Plautie,

Entrer dans ce Palais, parler à Virginie:
Vous ne vous plaindrez plus de l'injufte pouvoir
Qui vous a jufqu'ici défendu de la voir.

Dans cet appartement, où l'on va la conduire,
De tous vos fentimens elle pourra s'inftruire.
Mais pourquoi la revoir ? Mon efprit incertain
Ne comprend pas encor quel eft votre deffein.
Je ne fçai que juger de votre impatience.
Quel interêt vous porte à chercher fa prefence,
Seigneur? Eft-ce un effet de la feule pitié,
Ou le fimple devoir d'un refte d'amitié ?
Car je ne penfe pas, dans fa mifere extrême,.
Averti de fon fort par Plautie elle-même,
Quand le Ciel l'abandonne au plus cruel malheur,
Que vous fentiez pour elle une honteuse ardeur.
Non, je ne croirai point qu'un auffi grand coura-

ge

Puiffe avilir fes vœux jufques dans l'efclavage ;

Qu'Icile jufque-là pût jamais s'abaiffer.

ICILE.

Severe, que dis-tu? Ciel! qu'ofes-tu penser >
Crois-tu de Clodius la noire calomnie

Mais quand les Dieux auroient fait naître Virginie
Dans la honte des fers, & dans un rang plus bas,
Quel que fût fon deftin, je ne changerois pas.
Plus on veut l'abaiffer, plus je fens que je l'aime:
Si fes malheurs font grands, mon amour est ex-
trême.

Qu'ai-je fait jufqu'ici pour lui prouver ma foi ?
Je lui rendois des foins; qui n'eût fait comme

moi ?

Tout ne flatoit-il pas mes vœux & ma tendreffe ? Gloire, biens, dignitez, pouvoir, credit, nobleffe,

Sa main me donnoit tout. Qui n'eût pû prefumer
Que mon ambition me portoit à l'aimer?
Mais du moins aujourd'hui mon amour feul écla

te;

Et mon ambition n'ayant rien qui Ja flate,
Je ferai hautement triompher en ce jour,
La generofité, la conftance, & l'amour.
SEVERE.

Dieux! qu'est-ce que j'entens votre difcours m'étonne.

A quel fatal projet l'amour vous abandonne ? Une fille fans nom, & qu'on va condamner........ ICILE.

Parce qu'on la trahit, dois-je l'abandonner? Et ne lui faifant voir qu'une amitié commune, Regler ma paffion au gré de la fortune?

S'il eft des coeurs mal faits, & d'indignes Amans, Qui fuivent dans leurs vœux ces lâches fentimens, Pour moi, n'en doute point, quand j'aime Virginie,

C'est à d'autres objets que mon cœur facrifie.

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