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il doit voir le paffé fans craindre l'avenir,
Sans qu'aucun interêt le retienne ou l'anime,
Et la pitié d'un Juge eft fouvent un grand crime.
Puifque la vôtre ici combat votre devoir,
Seigneur, je vais d'un autre implorer le pouvoir
Votre retardement me fervira d'excufe,
Si je demande ailleurs le bien qu'on me refuse.

SCENE

III.

APPIUS, PLAUTIE, FULVIE

FABIAN, PISON.

APPIUS.

Vous le voyez, Madame, il va chercher ail

leurs

L'inevitable arrêt qui comble vos malheurs.
J'ai craint de prononcer cet arrêt fi funefte;
Qu'une autre main au moins vous portera les

coups

Dont mon cœur allarmé fremit déja pour vous. (1
PLAUTIE.

Eh quoi ! votre pitié fera-t'elle inutile ?
Ne peut-elle à mon fang affurer un azile?
Ne peut-elle, Seigneur, détourner loin de moi
Ces coups dont votre cœur a deja quelque effroi ?
Dans mes juítes defirs me feriez-vous contraire?
Servirez-vous plûtôt l'ennemi que la Mere?
Il demande ma fille, & fur quoi ? par quels droits ?
Son efclave a parlé; mais il n'a point de voix.
Un homme que le fort dans les fers a fait naître,
N'a d'autre volonté que celle de fon maître :
Plûtôt mort que vivant, comblé d'un long ennui,
Il ne peut ni parler ni vivre que pour lui.

&

Seigneur, fans écouter ce fufpect témoignage,
De l'amour d'un Epoux rendez-moi le faint gage.
Pour prononcer au moins attendez fon retour,
Vous le verrez fans doute avant la fin du jour.
C'eft lui qui foutiendra les droits de fa famille,
C'est à lui de defendre & de fauver fa fille.
Brifera-t'on des noeuds que le fang a formez,
Ces faints noeuds par l'amour, par le tems confir

mez ?

En condamnant la fille, on condamne le Pere;
Et peut-on lui ravir ce facré caractère

Que la forte nature a pris foin de graver,
Et dont même les Dieux ne fçauroient le priver?
APPIUS.

Moderez les terreurs de votre ame craintive.
Puifque vous le voulez, j'attendrai qu'il arrive,
Madaine; mais enfin que fera votre Epoux,
Que déja ma pitié n'ait pas tenté pour vous?
Pour tâcher de vous rendre une fille fi chere,
Je n'ai pas attendu les larmes de fa mere.
J'avois formé tantôt un genereux deffein,
que

Et

les Dieux fans doute avoient mis dans mon fein.

J'allois avec éclat reparer fa miferes
Mais elle a refufé ce confeil falutaire,
Et preferé les fers qui menacent les jours,
A la neceffité d'accepter mon fecours.
PLAUTIE.

Que dites-vous, Seigneur? L'ingrate Virginie
Refufe le fecours qui la rend à Plautie;
Et fans égard pour vous, fans tendreffe pour moi,
Elle aime mieux fubir une fi dure loi ?
Elle fe livre entiere au deftin qui la jouë?
Seigneur, s'il eft ainfi, mon coeur la defavouë.
Mais ne puis-je fçavoir ce deffein glorieux,
En faveur de ma fille infpiré par les Dieux ?

APPIUS.

Je la voi qui paroît, elle peut vous l'apprendre..
Mais fongez que des fers rien ne la peut defendre
Si toujours obftinée en fon premier dessein,
Elle fuit les bien-faits qui partent de ma main.

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PLAUTIE, VIRGINIE, FULVIE. PLAUTIE.

Ui pourra m'expliquer ce trouble & ce filen

ce?

Du difcours d'Appius que faut-il que je pense,
Ma fille devois-tu refufer le fecours

Qui te rend à Plautie, & raffure tes jours ?
VIRGINIE.

Ah ! quand vous le faurez, ce fecours fi funeste›
Vour le detefterez comme je le detefte.
Dieux ! à quel prix cruel, à quelle extremité
Le perfide Appius a mis ma liberté !

Dure, dure toujours le malheur qui me preffe,
Si je n'en puis fortir que par cette baffeffe.
PLAUTI E..

Comment ? que pretend-il ? quel injuste defsein ?
VIRGINI E..

Me forcer malgré moi de lui donner la main.
Il n'a pû me cacher fa tyrannique flâme,

Ses & fes difcours m'ont découvert fon ame:
yeux
Que vous dirai-je enfin ? vos craintes, mon mal-
heur,

Sont les triftes effets de fa coupable ardeur.

PLAUTI E.

O coup!ô trahifon à jamais inoüiie!

Peut-on jufqu'à ce point pouffer la perfidie?
O Ciel as-tu permis que le coeur d'un Romain

Ait ofé concevoir cet horrible deffein?

VIRGINIE..

Helas! dans quel état le Tyran m'a l'aiffée!
Le plus fenfible effort de ma douleur paffée,
Tout ce que j'ai fouffert, ne fauroit égaler
Les maux dont fon amour commence à m'accabler.
Mais, grands Dieux ! quel. fera le defespoir d'Ici-

le,

Quand de la tranifon averti par Camille,
Il aura qu'Appius ne s'arme contre moi,
Qu'afin de me contraindre à violer ma foi
Ah! pour tirer raifon d'un fi cruel outrage,
Que n'entreprendront point fa haine & fon cou-

rage?

Dans quels nouveaux perils fe vat'il engager? Sans doute en ce moment tout prêt à fe vanger, Il va....

WBIEN E 610S

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ICILE, PLAUTIE, VIRGINIE, FULVIE, CAMILLE, SEVERE.

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Confolez-vous, & retenez vos larmes,

Madame, je fais tout, & conçois vos allarmes;
Mais les gemiffemens font ici fuperflus,
Appius perira, vous ne le craindrez plus.
Nos genereux amis partagent notre offense,
Et brillent d'en tirer une prompte vangeance.
D'abord que le Tyran fortira du Palais,

Tout fon fang répandu lavera fes forfaits
Et dans le defefpoir, Madame, qui me guide,
Moi feul je percerai le coeur de ce perfide.
Attendez cet effort de ma jufte fureur,

PLAUTIE.

O Ciel! quel doux efpoir je fens naître en mon

cœur !

Vous allez immoler la main qui nous outrage.

Mais, Dieux! en quel deffein votre amour vous engage!

Vous vous flattez en vain de pouvoir l'accabler.
VIRGINIE.

Ceffez, Seigneur, ceffez de nous faire trembler;
De ce fatal projet vous feriez la victime;
Et quand vous perdriez le Tyran qui m'opprime,
Qu'Appius periroit; croyez que fon trepas,
D'un efclavage affreux ne me fauveroit pas.
Neuf Tyrans refteroient, qui pour vanger fa perte,
Prendroient pour nous punir l'occafion offerte.
Je verrois ces cruels armez contre vos jours,
Se prêter à l'envi de funeftes fecours;
Et prefenter enfin à mon ame étonnée,
Votre mort, & les fers où je fuis destinée.
ICILE.

Ne vous allarmez point, craignez moins leur pouvoir,

Madame, j'ai prévu tout ce qu'il faut prévoir,
Perdre un de nos Tyrans, fans accabler les autres
Ce feroit redoubler vos perils & les nôtres;
Pour terminer l'horreur de votre trifte fort,
De tous les Decemvirs j'ai refolu la mort ;
Et fans borner mes coups à la perte d'un homme,
Je veux avec vos fers rompre encor ceux de Rø-

me;

Vous vanger l'une & l'autre, & remplir en ce jour

Les devoirs de ma gloire, & ceux de mon amour.

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