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Ce Dieu, de la Princeffe a fait parler la voix.
D'un plus foible pouvoir il fe fert quelquefois
Pour ramener à foi des coeurs qu'il illumine
Des rayons triomphans de fa grace divine.
Si mon Epoufe enfin ne m'eût rendu Chrétien,
Je le ferois, Seigneur, par quelqu'autre moyen,
Puifqu'aink le vouloit ce Maître que j'adore.
Je le fuis, je veux l'être; & s'il me reste encore
Quelque trouble preffant, quelque chagrin fe-

cret,

Croyez qu'il eft caufé par l'éternel regret
D'avoir facrifié tant de faintes victimes,
Et puni leurs vertus comme on punit les crimes.
Je fremis quand je voi qu'à mes triftes regards
S'offrent ces flots de fang verfez de toutes parts,
Et que pour expier l'effet de tant de haines,
Je n'en ai que le peu qui coule dans mes veines.
VALERIE.

Que je fens mes transports se redoubler pour

vous!

A de tels fentimens je connois mon époux, Mais quelques mouvemens que ma flâme m'imprime,

Jene demande point grace pour votre crime.. Nous nous aimons, Seigneur ; & peut-être jamais

L'amour ne penetra deux coeurs de tant de traits.
Mais, helas! qu'éloignez des Amans ordinaires,
Nous formons des defirs à leurs defirs contrai-
res!

Nous fommes animez d'un espoir different.
Nous fçavons qu'un Chrétien n'eft heureux qu'en

mourant.

Je demande la mort pour moi, pour ce que j'ai

me,

Et mon époux, Seigneur, la demande de même. J'embraffe vos genoux; ne la refufez pas:

Commandez qu'on nous livre aux mains de vos Soldats;

Et nous vous en devrons plus de reconnoiffance,
Que fi vous nous faifiez part de votre puiffance.
DIOCLETIEN.

Effroyables malheurs, où je n'ofe penfer!
Qui fufpend ma vengeance, & me fait balancer:
Objets infortunez de ma fureur mortelle !
Ah! ma pitié pour vous devient trop criminelle,
Elle combat pourtant: mais près de triompher,
L'interêt de mes Dieux fuffit pour l'étouffer.
Ils exigent ta mort, parjure & je leur cede.
ADRIEN.

Hâtez-vous; contentez Pardeur qui me poffede;
Mais, Seigneur, permettez que vous ouvrant

mon cœur >

Je vous montre du moins jufqu'où va vôtre er

reur.

Ama Religion vous preferez la vôtre.

Une fois feulement comparez l'une à l'autre,
Seigneur, fi vous voulez en faire un jufte choix.
La vôtre n'eut jamais que de barbares loix;
Elle ne fe foutient que par la violence:
La mienne par la Paix, & par l'Obéiffance.
La vôtre vous preferit l'ordre de me punir
Moi, que des noeuds facrez à vous doivent unir;
Moi, qui dès le berceau Sujer toujours fidelle,
Par des foins affidus vous ai prouvé mon zele :
La mienne, quand je fuis acccablé de vos coups,
Me défend de penfer à me vanger de vous.
Que dis-je ? elle m'impofe une loi fouveraine,
De m'offrir avec joye aux traits de votre haine
De ne vous point hair, quand dès le premier
jour,

Vous m'ôtez pour jamais l'objet de mon amour;
De conferver pour vous la foi la plus fincere;
De vous rendre les foins que je dois à mon Peret

De diffiper la nuit de vos yeux aveuglez;
Enfin, de vous aimer, lorfque vous m'immolez.
DIOCLETIEN.

Ah! c'eft trop écouter fon infolence extrême. Chaque mot qu'il prononce est un nouveau blafphême.

Ne déliberons plus; le moment eft venu.
Forçons les fentimens qui m'avoient retenu;
Et faifons éclater aux yeux de tout l'Empire,
Les effets du courroux que leur crime m'infpire.
Oui, vous ferez punis, traîtres; je le promets.
On ne fçauroit hair autant que je vous haïs;
Et je vai m'appliquer à choifir une peine
Digne de vos forfaits, & digne de ma haine.
A ne vous plus revoir accoutumez vos yeux,
Et ménagez l'inftant de vos derniers adieux.

SCENE V.
ADRIEN, VALERIE.

ADRIEN.

Adame, ç'en eft fait; je connois votre Pere;

Mail dans les regards jufqu'où va fa cole

re;

Sur ma tête bientôt les effets vont tomber :
Ma conftance étonnée eft près de fuccomber
Et mes yeux, toujours fecs dans mes autres al-
larmes >

En cet affreux moment se rempliffent de larmes,
Je l'avouë.

VALERIE.

Eh pourquoi me faites-vous trembler, Quand votre exemple feul pourroit me confoler?

Quelles font vos terreurs? Manquez-vous de conrage?

ADRIEN.

Oui, j'en manque, à l'aspect du fort que j'envi-
fage.
Si j'avois moins d'amour, je ferois plus conftant;
Ou fi je l'étois plus, je n'aimerois pas tant.
Mon genereux deffein accable la nature.

-Des pertes que je fais mon trifte cœur murmure. Cent mouvemens divers, comme autant d'ennemis,

Naiffent tous à la fois du coup dont je fremis Puis-je aller à la mort, fans montrer de foibleffe? A peine votre époux, il faut que je vous laiffe! Au prix de tout mon fang, j'ai tâché d'obtenir Que Cefar avec vous voulût un jour m'unir. D'aujourd'hui feulement, après fix ans d'allar

mes,

Je me voi, par l'Hymen, maître de tant de char-.

mes.

Tranquille, je pourrois en jouir deformais....
Ah! peut-être avant moi mortel ne vit jamais
D'un bonheur fi parfait fa tendreffe fuivie,
Et n'eut tant de raifons de fouhaiter la vie.
VALERIE.

Pour vous encourager, fongez en me quittant;
Au peu que vous perdez, au prix qui vous attend.
Si vous fouffrez la mort, quel bonheur va la sui-

vre !

ADRIEN.

Eh, fi je n'y penfois, cefferois-je de vivre?
Croyez que pour ceder l'efpoir d'un bien fi doux,
Pour rompre nos liens,
, pour m'arracher à vous,
J'ai befoin d'une Foi plus pure & plus ardente,
Que ne l'eut des Martyrs la troupe triomphante."
Car enfin ma raifon ne fçauroit concevoir

Que je puiffe un moment renoncer à vous voir.

Mais que fais-je ? Eloignons cette idée agreable,
Qui peut-être à la fin feroit trop redoutable;
Qui pourroit renverfer mes projets malgré moi.
Dieu que je fers! je meurs, & ne meurs que pour

toi.

Voi donc avec bonté, Divinité fuprême,

La douleur d'un Epoux qui perd tout ce qu'il ai

me.

Comment pourrois-je mieux expier mes forfaits.
Que par la violence, helas! que, je me fais?
Ah! fi j'ofe efperer d'ap paiser ta Juftice
C'est moins par mon trépas que par ce facrifice.
VALERIE.

Mourons donc fans foibleffe; & ne regrettons pas

D'un Hymen fortuné les fenfibles appas.

Renonçons avec joye à des biens periffables, Puifqu'il nous eft permis d'en trouver de dura bles.

Que nous fommes heureux d'être privez du jour,
Dans les premiers tranfports d'un legitime amour!
D'emporter fous la tombe une flâme fi pure,
Qu'elle n'a jamais fait ni plainte, ni murmure!
Nous fommes feuls peut-être entre tous les é-
poux,

Jufqu'ici diftinguez par un deftin fi doux,
Que pouvoient defirer & mon coeur, & le vô-

tre,

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Que de mourir, charmez & contents l'un de Pautfe

ADRIEN.

Non, je ne me plains plus. Satisfait de mon jene fort for

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D'un œil indifferent j'aborderai la mort.
Votre exemple rappelle & foutient mon envie.
Vous devrai-je toujours tout l'honneur de ma
vie ?

Ry

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