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PLAUTIE.

Quoi! nos clameurs l'ont pû faire trembler ? Il craint notre douleur, dont les plus fortes ar

mes

N'ont été que des voeux, des foupirs, & des larmes ?

Mais voilà le deftin des Tyrans tels que lui,
Ils traînent avec eux un éternel ennui;
Et c'eft des juftes Dieux un ordre legitime,
Que la crainte fans ceffe accompagne le crime:
Sa rage va fans doute éclatter contre moi.

SCENE I I.

PISON?

FULVIE, CAMILLE.

PLAUTIE, VIRGINIE,

VIRGINIE.

FUyons, Camille, Ah, Ciel ! eft-ce vous que

je voi,

Madame? quel deffein ici vous a conduite ?

PLAUTIE.

Mais toi-même, quelle eft la raifon de ta fuite? Qu'a fait notre ennemi ? Qu'eft-ce qui s'eft passé? VIRGINIE.

Madame, mon Arrêt vient d'être prononcé.

Que dis-tu ?

PLAUTI E.

VIRGINIE.

Le Tyran, fans égard pour fa gloire, De fes derniers fermens oubliant la memoire, A fuivi les confeils de fon funeste amour, pas de mon pere attendu le retour. Par fon ordre tantôt conduite en fa prefence,

Et n'a

J'ai conçu les raifons de fon impatience;
J'ai jugé que l'excez d'un amour criminel,
M'alloit abandonner au fort le plus cruel :
L'effet n'a point trompé mon préfage finiftre »
Appius m'a livrée à fon lâche Miniftre,
Il a fait Clodius le maître de mon fort.
Pour éviter les fers, je ne voi que la mort,
Il faut mourir, Madame, & que cette journée,
Termine mes malheurs avec ma deftinée.

PLAUTIE.

Quel funefte deffein ! N'eft-il point de fecours Dieux tout-puiffans?.....

VIRGINIE.

Les Dieux nous font cruels & fourds. Je n'efpere plus rien; & mon ame affurée, Au plus grand des tourmens eft enfin preparée ; Clodius me pourfuit, des gardes furieux

Viendront dans un moment m'enlever de ces lieux, Vous allez voir, Madame, une troupe barbare.... PLAUTIE

Ah! quel fpectacle encor pour mes yeux se pré

pare,

Ma fille ! je verrai de farouches foldats

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Une feconde fois t'arracher de mes bras ?:
Je t'entendrai gemir, & ma tendreffe oifive...
Non, malgré leurs efforts, il faut que je te fuive,
En vain ces inhumains voudront nous séparer.
VIRGINIE.

Madame, à cet effort il faut vous preparer:
Je conçois, par les pleurs dont votre amour

m'honore,

Quelle vive douleur, quel chagrin vous devore,
Et je ne voi que trop, qu'une tendre pitié
Vous fait de mes maux reffentir la moitié:
Cependant retenez vos foupirs & vos larmes,
Au fond de votre cœur renfermez vos allarmes,
Clodius va venir, faites un noble effort

De tous vos deplaifirs moderez le transport,
Nos regrets, les ennuis où nous fommes en proye,
D'un ennemi cruel redoubleroient la joye.
Ne permettez-donc pas que fes barbares yeux
Jouiffent des douleurs de nos derniers adieux;
Auffi-bien près de lui la plainte feroit vaine,
C'est l'amour d'Appius qui dans les fers m'en-
traîne.

J'avois tantôt prévû la rigueur de mon fort,
Et j'allois m'en fauver par une jufte mort:
Vous n'avez pas voulu, vous vous êtes troublée.
Vos difcours, vos foûpirs, vos pleurs m'ont acca-
blée;

Voyez le trifte effet de vos funeftes foins,

J'ai fouffert plus long-tems, je n'en mourrai pas

moins,

Et ce qui dans mon fort m'afflige davantage,
Je mourois libre alors, je meurs dans l'esclavage.
PLAUTIE.

Ne me reproche point ce funefte fecours.
Que n'aurois-jepoint fait pour conferver tes jours?
Je me flattois... Mais, Ciel! notre ennemi s'a-

vance.

VIRGINIE. Madame, au nom des Dieux, évitez fa prefence, Laiffez-moi feule, allez ; ne vous expofez pas Aux affronts d'un perfide, aux tranfports des fol

dats;

Il ne reste plus rien, pour combler ma mifere,
Que de voir leur fureur outrager une mere.
PLAUTI E.

Moi, que je t'abandonne en cette extremité ?
Que j'aille loin de toi chercher ma feureté a
An! plûtôt le trépas...

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CLODIUS, PLAUTIE, VIRGINIE, FABIAN, PISON, FULVIE, CAMILLE, GARDES.

PLAUTIE à Clodius.

Tu viens ici, perfide?

Quel deffein criminel te conduit & te guide, Monftre inhumain, viens-tu, me dechirant le flanc,

M'accabler, me ravir le plus pur de mon fang?
Ta barbare fureur jufqu'en ces lieux me brave;
Veux-tu ?

CLODIUS.

Je viens ici pour prendre mon efclave. Cette fille eft à moi, je fuis fon maître enfin : Appius à mes loix a foumis fon deftin..

Gardes, qu'on la conduife.

PLAUTIE.

Ah! quelle tyrannie!

Leurs criminelles mains vont faifir Virginie.
Aux Gardes qui veulent la faifir.

Ofez-vous?...

VIRGINIE.

Arrêtez, ne portez point vos mains,
Sur le fang glorieux des plus fameux Romains;
N'approchez point de moi, je vous suivrai fans
peine

Dans le honteux état où fe deftin m'entraîne.
Trahie, abandonnée, en proye à vos fureurs,
Je n'ai que ma vertu contre tous mes malheurs :

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Mais elle me fuffit, je puis tout avec elle.
Adieu, Madame, adieu, votre douleur mortelle
Ebranle ma conftance, & me fait plus trembler
Que l'approche des fers qui me vont accabler.
Prenez foin de vos jours, j'aurai foin de ma gloire;
J'ofe efperer qu'un jour ma déplorable histoire,
Apprenant ma difgrace aux fiécles à venir,
Laiffera de mon fort un digne fouvenir,

Et fera confeffer à la plus noire envie,
Que d'illuftres Ayeux m'avoient donné la vie,

Adieu.

Je cours....

PLAUTIE.

PISON en l'arrêtant.
Souffrez...

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