Imágenes de páginas
PDF
EPUB

pendant mon abfence à l'Impreffion qu'on me demandoit. Elle en fera fans doute beaucoup moins correcte; mais il n'y avoit pas moyen de faire autrement, & d'accorder ce qu'on defiroit de moi.

J'avois d'abord réfolu de faire une Préface dans les formes: mais outre, comme je l'ai déja dit, que je ne fuis pas le maître du tems qu'il y faudroit employer, j'ai jugé qu'elle feroit affez inutile. Qu'au rois-je fait, que la remplir de réflexions fur la Poëtique, que la plupart des gens. n'entendent pas, & qui ont été fit souvent repetées, & de tant de façons, qu'elles nepeuvent qu'ennuyer ceux qui les entendent? Je me contenterai donc de dire un mot en particulier de chacune des fept Tragedies qui font contenues dans ce vo kume.

VIRGINI E

'Etois fi jeune, lorfque je compofai cette Tragedie, que je me fuis toujours étonné comment j'avois eu la témerité de la commencer, & la force & le bonheur de la finir. Son fuccès, quoique médiocre, ne me donna pas lieu de me rebuter du Théatre. Le fujet eft tiré de l'Hiftoire Romaine. Tout en eft vrai, & il n'y a point de Perfonnage Epifodique. Perfenne n'i

gnore que le crime d'Appius, & la mort de Virginie, furent caufe que le gouvernement fut changé dans Rome, & que la puiffance les Decemvirs y fut abolie. Tous ceux qui ont écrit l'Hifloire de la Républi que & de l'Empire Romain, rapportent ce grand évenement, mais particulierement Tite-Live, vers la fin du troifiéme Livre de la premiere Decade.

C

ARMINIUS.

E fujet eft auffi pris de l'Hiftoire Ro. maine. Le nom d'Arminius eft celebre par mille endroits, mais fur-tout par la défaite de Varus, & par le defespoir d'Augufte. L'ancienne Germanie n'a point eu de Prince ni de Capitaine, qui puiffe être comparé à celui-là; & Tacite nous en fait concevoir la plus haute idée, par le magnifique éloge qu'il fait de lui, à la fin du fecond Livre de fes Annales. Il n'y a dans cette Tragedie que l'amour de Varus pour Ifmenie qui foit de mon invention; tous les autres faits, & tous les Perfonnages font Hiftoriques. Son fuccès fut grand, quoiqu'elle fût reprefentée dans un tems peu favorable aux fpectacles. J'avouë que j'ai une furieufe prévention pour cet ouvrage. Je ne dirai point tout ce que j'en penfe: Mais j'ofe avancer har

diment, qu'il y a peu de Pieces de Theatre où il y ait plus de fentimens & plus de grandeur, que dans celle-ci ; principale ment dans le fecond Acte, que je croi un des plus brillans qu'on ait jamais vû fur

Ia Scene.

Il y a environ trois ans qu'un Gentil homme de Florence, Académicien de la Crufca, traduifit cettte Tragedie en Ita.. lien, prefque mot pour mot, & en fit unOpera, lequel fut reprefenté pendant trois mois devant Monfieur le Grand Prince de Tofcane, dans fon Palais de Pratolin avec un applaudiffement general..

J

ANDRONIC

E conçus la premiere idée de ce fujet fur une Hiftoire moderne écrite par Mr. l'Abbé de Saint Real, & qui a été pendant plufieurs années entre les mains de tout le monde. Mais comme par des raifons invincibles je ne pouvois pas mettre fur la Scene les Perfonnages de Mr. de S. Real fous leurs veritables noms, je fus obligé de chercher ailleurs quelque évenement qui reffemblât à celui qu'il avoit traité. Je rouvai heureufement ce que je cherchois dans l'Hiftoire de Conflantinople. Les Caracteres de Colojean, d'Andronic & d'Irene font les mêmes que M. de Saint

Real a donnez à ceux dont il a parlé, & les faits des deux hiftoires font entierement conformes dans toutes leurs circonftances. La feule difference qu'on y trouve, c'eft que Colojean ne fit pas mourir fon fils; il fe contenta de lui faire crever les yeux. avec du vinaigre brûlant, fupplice ordinaire des Princes dans l'Einpire d'Orient.

Au refle l'éloge que j'ai fait d'Alexis pere de Colojean, n'eft pas fans fondement. Ce fut un trés-grand Empereur; & la Princeffe Irene fa fille, la Sapho de fon fiecle, a compofé un Poëme à fa loüange, qu'on a regardé comme un chef-d'oeuvre.

Le fuccès de cette Tragedie fut auffi heureux à la Cour & à la Ville, qu'aucun qu'il y ait jamais eu ; & il fe paffà même, pendant les premieres reprefentations, des chofes fi avantageufes pour moi, qu'il ne me convient pas de les rapporter.

ALCIBIAD E.

A réüffite d'Alcibiade fut encore, s'it

LA

eft poffible, plus grande que celle d'Andronic, & la quarantiéme representation fut auffi fuivie que la premiere. Le fujet eft tiré des Vies de Plutarque. Il est aisé de voir ce que j'ai changé ou ajouté à l'Hifoire. On remarquera feulement que le Perfonnage d'Artemife, lequel paroîtra

peut-être épifodique, ne l'eft pas. C'eft Herodote qui me l'a fourni, & on trouvera dans cet Auteur, que cette Princeffe étoit toute-puiffante dans le Conseil du Roi de Perfe.

Les Critiques, à leur ordinaire, fe déchaînerent d'abord contre cet Ouvrage ; mais les plus feveres demeurerent toujours d'accord que je n'y avois pas mal peint le caractere, l'efprit & les mocurs de l'ancienne Grece, & que tout ce qui s'est pas fé de memorable entre Darius, Xercés Artaxerce, & les Grecs, y étoit affez heureusement ramené.

PHOCION.

[ocr errors]

E fujet eft auffi pris des Vies de Plu

CE

lé qu'aucun de ceux que j'ai traitez. La verfification eft noble & châtiée. Les interêts font de ceux qui doivent produire les mouvemens les plus pathetiques. Il y a plufieurs fituations heureufes & theatrales. Cependant le fuccès fut très - mediocre. Cette Tragedie ne parut fur la Scene, qu'onze fois de fuite; & le public la reçut avec tant d'indifference, qu'il ne lui fit pas même l'honneur d'en dire du mal. J'ai toujours imputé fon mauvais fort ̧ à la pitoyable maniere dont

« AnteriorContinuar »