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troubler vôtre vie tranquille. Mais du moins épargnez vous un travail penible, & vivez ici commodément puifque vous le pouvez. La meie appuya le fentiment du fils, & maître Jacques fe rendit. Hé bien Francillo, dit-il, pour te fatisfaire, je ne travailleray plus pour le public. Je racommoderay feulement mes fouliers & ceux de Monfieur le Curé nôtre bon ami.

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Après cette convention le Banquier fatigué du chemin qu'il avoit fait le jour, le coucha dans le lit de fon pere & de fa mere, s'endormit entre eux deux avec un plaifir que les enfans d'un excellent naturel font feuls capables de s'imaginer.

Le lendemain matin, le Banquier leur laiffa une bourfe de trois cen ducats & revint à Madrid. Mais hier il fut fort étonné de voir paroître chez luy tout à coup maître Jacques, Quel føjet vous amene ici, mon pere luy dit-il? Francillo, répondit le bon homme, je te rapporte ta bourfe. Reprens ton argent. Je veux vivre de mon métier. Je meurs d'en nuy depuis que je ne travaille plus,

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Hé bien, mon pere, répliqua le Banquier retournez au Village. Continuez d'exercer vôtre profeffion; mais que ce foit feulement pour vous defennuyer. Remportez votre bourfe & n'épargnez pas la mienne. Eh que veux-tu que je falfe de tant d'argent, reprit maître Jacques? Soulagez en les pauvres, repartit Francillo. Enfin faites- en l'ufage que vôtre Curé vous confeillera. Le Savetier fatisfait de cette reponfe, s'en eft retourné ce matin dans fon Village.

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Il n'eft pas befoin, dit D. Cleofas, que je vous demande ce qu'a fait aujourd'huy certain Cavalier qui fe préfonte à ma vûë. Il faut qu'il ait pallé la journée à écrire des lettres. Quelle quantité j'en vois fur fa table! Ce qu'il y a de plaifant, répondit le Demon c'est que toutes ces lettres ne contiennent que la mêmie chofe, Ce Cavalier écrit à tous fes amis abfens uue avanture qui luy eft arrivée cette aprés dînée. La voici: Il aime une veuve de trente ans belle & prude. Il luy rend des foins. Elle ne les dédaigne pas. Il propofe de l'époufer. Elle accepte la propo

Gition. Pendant que l'on fait les préparatifs des noces, il a la liberté de l'aller voir chez elle. Il y a été aujourd'huy. Et comme par hazard il ne s'eft trouvé perfonne pour l'annoncer, il eft entré dans l'appartement de la Dame qu'il a furprife endormie fur un lit de repos dans un galand deshabillé. Il s'approche doucement d'elle pour profiter de l'occafion. Il luy dérobe un bailer. Elle fe réveille,& dit:Ah je t'en prie Ambroife, laiffe-moy en repos, Le Cavalier en galant-homme a prit fon parti fur le champ. Il eft forti de l'appartement. Il a rencontré Ambroi fe à la porte: Ambroife luy a-t'il dit, n'entrez pas: Vôrre Maîtreffe vous prie de la lailler en repos.

Je vous en demande une nouvelle attention, continua le Diable. A trois inaifons au de-là de celle de ce Cavalier, demeure la Chichona: cette femme dont je vous ay parlé en vous contant l'hiftoire du Comte de Belflor. Ah que je fuis ravi de la voir, s'écria l'Ecolier! Cette bonne perfonne fi utile à la jeuneffe, eft fans doute une de ces deux vieilles que j'ap

perçois dans une falle baffe. L'une a les coudes appuyez fur la table, & regarde attentivement l'autre , qui' compte de l'argent. Laquelle des deux eft la Chichona? C'eft, répondit 'le Demon, celle qui ne compte point. L'autre nommée la Pebrada eft une Dame du même métier. Elles font affociées, & elles partagent en ce moment le fruit d'une avanture qu'elles ont aujourd'huy mife à fin.

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La Pobrada eft la plus achalandée. Elle a la pratique de plufieurstarveaves riches à qui elle porte tous les jours fa lifte à lire. Qu'appellezvous fa lifte › interrompit Dom Cleofas ? Ce font, repartit Afmodée, les noms de tous les Etrangers bienfaits qui viennent à Madrid, & fur tout des François. D'abord que la Pebrada apprend qu'il en eft arrivé de nouveaux elle court à leur auberge, s'informe exactement de quels pais ils font, de leur nailfance leur taille de leur air & de leur temperament. Puis elle en fait font rapport aux veuves qui font là-deffus leurs reflexions. Et fi le cœur ent ditaufdites veuves, la Pebrada les

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abouche avec les Etrangers.

Cela eft fort commode, dit Dom Cleofas, & jufte en quelque façon. Car enfin fans ces bonnes Dames &

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leurs agentes, les jeunes Etrangers qui n'ont point ici de connoiffances perdroient un temps infini à en faire. Mais apprenez-moy je vous prie, s'il y a auffi des veuves dans les autres païs Bon, s'il y en a,, répondit le Diable; il y en a par tout, & principalement en France; mais il faut avoir un mérite reconnu pour y en trouver. Et je vous diray à ce fujet qu'à Paris ces jours paffez un Chevalier d'induftrie s'entretepant là-deffus avec un de fes amis, luy difoit Parbleu mon cher il faut que je fois bien malheureux! Il y a quinze jours entiers que je cherche une femme tributaire. Je parcours tous les matins les Eglifes. L'aprés-dînée, j'épluche toutes les beaurez des Tuilleries. Je me montre à l'Opera. Je parois tout débraillé à la Comedie où tantôt je me couche fur les bans du Theâtre, & tantôt je me tiens debout derriere lesActeurs. Cependant tout cela ne me

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