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Quoi! difoit-il, verrai-je tous les cœurs,
Lorfqu'à peine encor j'en difpofe,
Au fein des plus charmants tranfports
Rompre mes liens les plus forts?
Minerve reconnut une voix fi touchante ;
Cette Déeffe fut toujours

Généreuse & compatisfante
Surtout pour les tendres amours.
Ceffe, aimable enfant, lui dit-elle,
Ceffe des regrets fuperflus.

Il eft une illuftre mortelle

En qui l'on voit briller les talents, les vertus à Les qualités d'une Bergere,

Avec les charmes de Venus: Sans elle que pourrions-nous faire ? Par elle, chaque jour nos honneurs font accrus; Redoublons nos foins pour lui plaire, Déja fes yeux lancent tes traits,

Il faut y confier ta chaîne :

Nul mortel ne pourra la brifer déformais,
J'y confens, dit l'amour, fauvez-moi de fa haine
Et je ferai moi-même trop content
D'être premier Captif d'un objet fi charmant.

FABLE.

LE PAON, LE DINDON ET LA

POULETTE,

Par M. Desforges Maillard, 1757UN Paon faifoit la roue, étalant la beauté

De fa brillante queue; un gros Dinde à côté L'imitoit gravement; le premier dit à l'autre, S

Je vous trouve, ma foi, plaisant,
Quand je vous vois vous enorgueillir tant
D'un plumage comme le vôtre.

Mon beau Monfieur, eh! pourquoi non !
N'ai-je pas, répond le Dindon,

Une foutane magnifique ?

Sans doute, & fa livrée eft celle de Pluton
Lui repart l'oifeau de Junon:

Comment, dit l'oifeau noir, qui fe gourme & fe pique,

Médecins renommés, Magiftrats, Souverains,
Et bien d'autres encor d'un état authentique,
Sont comme moi vêtus ; & peut-être auffi vains,
Dit en l'interrompant une poulette vive,
Qui prêtoit à leur entretien,

Sans en faire femblant, une oreille attentive.
Certes, lui dit le Paon, tenant fon fier maintien,
Vous avez décidé fi juftement, ma mie,
Que vous mériteriez place à l'Académie
Pour ce feul trait d'efprit; regardez - moi donc
bien,

Pourfuit-il de nouveau, déployant fes richesses;
Le Ciel a fur ma queue épuifé fes largeffès,
J'ai tous les yeux d'Argus: je n'en difconviens pas,
Dit-elle, en fouriant, Marquis de Carabas,
Le mal eft felon moi, que tu les a derriére

Comme les ont tant d'autres fats: Mais fi le bruit qui court eft un bruit véridique, A tes rares beautés, tu joints celle du chant; Redis moi donc, mon cher, ton éloge en mufique,

Il m'en paroîtra plus charmant.

Le Dindon revanché par ce trait fatirique, Tout Dindon qu'il étoit, en rit malignement; Mais étonné du compliment,

Le Paon baiffe la queue ; & fermant fa boutique,

Il allonge un pas lent, & va trifte & capot
Se cacher dans un coin, fans repliquer un mot,
L'arrogance qu'étale une infolence extrême
Eft comme la naissance un effet du hazard;
La feule gloire où l'homme ait part

C'eft celle des talents, qu'il fe doit à lui-même.

FABLE

LE SERIN ET LA FAUVETTE Sauvage, 1757.

ECLOS

lui:

CLOS, nourri dans une cage, Un Serin vivoit fans ennui; Il n'étoit point dans le bocage. D'oifeau plus heureux que Une inconftante Fauvette S'approcha du Serin joyeux, Celui-ci pour lui faire fête Entonne un air mélodieux: Vous chantez, dit-elle, des mieux; Cependant vivre feul, toujours dans la retraite, Me femble un fort bien' ennuyeux. Ce mot lâché, comme par aventure, Sur le Serin fit fon impreffion.

(Dans une fragile nature

Un rien fait naître une tentation,) Il ne fit plus qu'une trifte figure: Plus il alloit, plus fa condition Le dégoûtoit, lui fembloit dure; Il forme enfin la réfolution D'abandonner la cabane importune: Il fort, & fit un trou, comme on dit, à la lune.

Notre Serin dans les premiers moments
S'applaudiffoit de fa fortie,
(En fait de changement

Tout semble beau dans les commencements)
Société bien affortie >

Nouveaux objets, nouveaux amufements:
Chacun des Chantres du Printems
L'invite à faire fa partie,

Dans leurs Concerts charmants
Avec fuccès il y mêle fes chants;
On dit même que fans envie
On le vit mériter des applaudiffements
(Ce, vû les mœurs de ce tems
Demanderoit bien garantie.)
Enfin ce nouveau train de vie
Sembloit un cercle d'agréments
Dont notre petit perfonnage
N'eût pas voulu fortir
Quand tout à coup la faim fe fit fentir:
Point de millet dans le bocage,
Il fit un fort mauvais repas.
Il commença dès-lors à regretter la cage;
Survint un grand orage,

Qui mit le Pélerin à deux doigts du trépas:
A peine il fortoit de ce pas,
Qu'un Tiercelet du voifinage
Lui caufe un nouvel embarras;
Hélas! dit-il, revenant à lui-même,
Pourquoi de mon état me fuis-je dégoûté,
Pour courir à la nouveauté ?

Je trouve une mifére ex:rême,

Au lieu de la félicité,

Dont je m'étois flatté :

Si le changement plaît ; fi quelquefois on l'aime, C'eft qu'on le voit du beau côté.

FABLE.

LE SINGE BARBIER. 1750:

UN Perruquier dans fa boutique

Avoit un Singe des plus beaux;
Toujours par quelques traits nouveaux
Notre animal à figure comique
Réjouiffoit, plaifoit, fe faifoit admirer:
Tours de cerceaux, grimaceries'
Rufes & mille fingeries,
Qu'il feroit trop long de narrer
C'étoit fon fait: heureux s'il eût borné sa gloire
A gambader & folâtrer!

Se rappellant un jour à la mémoire
Ce qu'il avoit vû tant de fois :

Faifons, dit-il, un des plus beaux exploits,
Qui de ma race embelliffe l'hiftoire :

Ce que mon maître peut, je le puis bien, je crois;
Du fucces fur ce point mon adreffe m'aflure.
Auffi-tôt fait que dit, il s'arme d'un rafoir,
Puis devant un miroir

Le magot fe met en posture,
Et de l'écume du favon,

Il enduit bien fa grotesque figure,
Sur un cuir doux ce nouveau compagnon
Affile du rafoir adroitement la lame,
Il s'applaudit en fon ame:
Le voilà prêt, fa patte au tour de fon menton,
Deffus, deffous, d'une ardeur intrépide
Promène l'inftrument,

Dont le tranchant rapide

Emporte de fa gorge un large échantillon,

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