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tion qui nous étoit dûë. Mais lorsque nous avions prefque perdu l'efperance d'accommoder par fa mediation les affaires d'Italie, nous crûmes tout d'un coup en avoir trouvé une occafion favorable, par la divifion qui recommença entre l'églife & les Romains, dans laquelle nous répandîmes fi abondamment nos tresors, & exposâmes tellement nôtre perfone pour l'églife, que nous penfions avoir effacé tout mauvais foupçon. Nous allâmes plus avant; & nous nous rendîmes volontairement en la prefence du pape, avec nôtre cher fils Conrad élû roi des Romains & heritier du royaume de Jerufalem: qui nous tenoit alors lieu de fils unique, à caufe de la revolte de fon frere. Nous ne fimes pas même difficulté de l'offrir au pape en ôtage de nôtre union avec l'églife; & voyant les demonftrations de bonne volonté que nous donnoit le pape & toute fa cour, nous crûmes devoir remettre abfolument entre ses mains nos differents avec les Lombards & ceux des bourgeois d'Acre avec la noblesse. Ainfi nous tenant affurez de l'heureuse conclufion de nos affaires, nous marchâmes gayement au fecours de l'églife, avec une armée nombreuse affemblée à grands frais d'Allemagne & d'Italie; & nous ne nous defiftâmes point de nôtre entreprise, que nous n'euffions rendu à l'église sa liberté opprimée dans Rome, & ses terres ufurpées qu dehors.

Ecoûtez maintenant la recompenfe que le Vicaire de J. C. nous a renduë pour de tels fervices. XXI. Premierement quant à l'affaire d'Outremer, tout ce l'empereur que l'archevêque de Ravenne legat du S. fiege avoit contre le pa- reglé felon fes inftructions, pour nous remettre en

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Plaintes de

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poffeffion de nos droits au royaume de Jerufalem, tout cela fut entierement détruit à l'arrivée de l'archevêque de Cefarée; fans attendre ni le legat ni nos envoyez à la Cour de Rome, ni un plus gran‹. délai, que le tems neceffaire pour compter les befans apportez au pape. Quant à l'affaire d'Italiè, loin de la regler d'une maniere honorable pour nous & pour l'empire, comme il l'avoit promis: il n'eut aucun égard à nos prieres, pour rappeller nos ennemis qui pilloient nos fidelles fujets en Lombardie & en Tofcane; & ne nous permit pas d'y aller avec les troupes que nous avions pour le fervice de l'églife. Enfin defefperant de trouver le pape favorable à nos interêts ni à la paix d'Italie, nous avons eu recours aux armes, & avons fait venir les troupes que la revolte de nôtre fils Henri nous avoit obligé de lever en Allemagne. Ce que le pape aïant appris, il nous a défendu par lettres d'entrer armé en Italie, fous prétex te de la tréve ordonnée pour favorifer le secours de la terre fainte: fans fe fouvenir que le même jour qu'il publia cette tréve il nous pria de marcher contre les Romains pour fes interêts. Il ajoûtoit dans la même lettre, que pour l'affaire de Lombardie nous devions compromettre entre fes mains fans aucune condition. Mais comme ni l'avis de nôtre confeil, ni l'experience du paffé ne nous excitoient pas à le faire: il eut recours à un autre artifice, envoïant audevant de nous l'évêque de Palestrine qu'il nous recommandoit par ses lettres comme un faint, & qui toutefois ramena à la faction des Milanois Plaifance qui nous étoit foûmife; & par lequel le pape s'affuroit de pervertir tous nos fidelles fujets & d'arrêter nos progrés en Italie.

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v. Ital. Sac.

to. 8. p. 407. Ric. S. Germ.

p. 29.

Fruftré de cette efperance & voïant le ravage que nos armes faifoient chez les rebelles, il a envoïé des lettres & des legats dans l'empire & par tout le monde, pour détourner de nôtre obéissance & de nôtre amitié tous ceux qu'il pourroit. De quoi étant averti & voulant encore vaincre le mal par le bien, nous avons envoyé des ambaffadeurs vers le S. siege, favoir Berard archevêque de Palerme, les évêques de Ferenzola & de Reggio, maître Thaddée de Sueffe juge de notre grande cour & Roger de Porcastrelle nôtre chapelain. L'empereur envoya ces ambassadeurs au pape qui étoit à Anagni au mois d'Août 1238.

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La lettre continue: le pape par le confeil des cardinaux accepta leurs propofitions, & nous renvoya avec eux l'archevêque de Meffine, promettant de faire ceffer par tout les obftacles qui arrêtoient nos progrés. Tout cela eft prouvé par les lettres de tous ces prélats. Mais avant que nos ambassadeurs & fon nonce fuffent à trois journées de la cour de Rome, il envoya en Lombardie en qualité de legat Gregoire de Monte-Longo, qui travailla depuis à la ruine des Mantoüans & de nos autres ferviteurs. D'ailleurs il envoya des lettres à quelques prélats d'Italie & d'Allemagne qui étoient à nôtre cour, tendant à nous décrier; & contenant certains articles, particulierement des prétendues vexations des églifes du royaume de Sicile, fur lefquelles il ordonnoit à fes prélats de nous admonefter. Nous vous envoyons tous ces articles avec nos réponses en forme autentique. Nous exposâmes le tout en détail aux feigneurs, aux prélats & à plufieurs religieux de divers ordres, qui furent honteux d'une telle legereté du pape ; & toutefois de

leur avis nous lui renvoyâmes l'archevêque de Palerme, Thaddée & Roger nos ambaffadeurs, avec les députez des villes qui nous étoient fidelles: par lef quels nous lui declarâmes que nous étions prêts à lui donner fans delai toute fatisfaction.

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Mais fa fureur n'en fut point retardée, & fachant que nos ambassadeurs chargez de ces offres n'étoient qu'à une journée de Rome: il fe preffa de prononcer contre nous une fentence, premierement le dimanche des Rameaux, contre l'ufage de l'églife, enfuitte le jeudi faint, par laquelle ainfi que nous l'avons oui dire, il nous a excommunié par le confeil de quelques cardinaux Lombards, & nonobstant l'oppofition de la plus faine partie des autres. Et par le moïen de fes fatellites foudoyez aux dépens des pauvres, il a empêché nos ambaffadeurs, qui étoient déja arrivez, de se presenter devant lui pour proposer nos raisons & juftifier nôtre innocence. Or quoique pour notre interêt particulier & la honte du pape, il nous foit avantageux qu'il ait tenu un procedé fi irregulier: nous en fommes toutefois fenfiblement af. fligez pour l'honneur de l'églife universelle nôtre mere. Mais d'ailleurs nous ne croyons point qu'il nous puiffe faire de juftice, quoi qu'il puiffe nous faire injure, ne le reconnoiffant point pour notre juge; puifqu'il s'étoit déja declaré nôtre ennemi capital, favorifant publiquement nos fujets rebelles & les ennemis de l'empire. Il s'eft même rendu indigne d'exercer l'autorité pontificale, par la protection qu'il donne à la ville de Milán, habitée pour la plus grande parpar des heretiques, fuivant le témoignage de plufieurs perfonnes dignes de foi...

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Nous declarons encore, qu'on ne doit pas reconoî↓ AN 1239. tre pour vicaire de J. C. un homme, qui au lieu de donner les difpenfes de l'avis des cardinaux, aprés une meure deliberation fuivant la difcipline de l'églife, en trafique fecretement dans fa chambre, les écrivant & les fcellant lui-même. C'eft encore une prévarication, que pour s'attirer contre nous quelques nobles Romains, non content de l'argent qu'il répandu, il leur donne des châteaux & des terres, diffipant le patrimoine de l'église Romaine, dont nous sommes protecteurs. Ainfi aucun Chrétien ne doit s'étonner fi nous ne craignons point la fentence d'un tel juge: non par mépris de la dignité papale, à à laquelle tout fidelle doit être foûmis,& nous plus que les autres, mais par la faute de la perfone, qui s'eft renduë indigne d'une place fi éminente. Et afin que tous les princes Chrétiens connoiffent la droiture de nôtre intention, & que ce n'eft point la paffion qui nous anime contre le pape: nous conjurons les cardinaux de la fainte églife Romaine par le fang de J.C. & le jugement de Dieu, de convoquer un concile general, y appellant nos ambaffadeurs & ceux des autres princes: en presence defquels étant aussi prefent nous fommes prêt de prouver tout ce que nous avons avancé. Quelque foin que nous prenions d'examiner nôtre confcience, nous ne trouvons rien qui ait pû nous attirer cette perfecution du pape: finon que nous avons cru indecent de traiter avec lui du mariage de fa niece, avec Henri nôtre fils naturel à prefent roi de Torres & de Galluri en Sardagne. Vous donc rois & princes de la terre, compatiffez non feulement à nous, mais à l'églife. Regardez l'in

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