Imágenes de páginas
PDF
EPUB

XXV.

conc. p. 666.

La premiere feffion folemnelle fe tint deux jours AN.1245aprés, favoir le mercredi vingt-huitiéme de Juin veil- 28. Juin. le de la faint Pierre. Ce jour le pape & tous les autres Premiere Sefprélats revêtus pontificalement fe rendirent à l'église fion. metropolitaine de S. Jean, où le pape aïant celebré P. 637. 638. la messe monta à un lieu élevé, l'empereur de CP. s'affit à fa droite, & quelques autres princes feculiers à sà gauche : puis le vice-chancelier Martin de Naples cardinal diacre, avec les notaires, l'auditeur & le correcteur, les chapellains, les foudiacres & quelques autres. Les prélats étoient affis plus bas en cette forte. Vis-à-vis du pape les trois patriarches, celui de CP. à la droite, puis celui d'Antioche & celui d'A- Ughel, to. s. quilée le troifiéme. C'étoit encore Berthold fils du p. 88. duc de Moravie long-tems odieux aux papes comme attaché à l'empereur Frideric, & depuis compris dans la paix de 1230. Les deux autres patriarches prétendoient qu'il ne devoit pas être affis auprés d'eux, n'étant pas du nombre des quatre anciens, & firent rompre fon fiege; mais pour éviter le scandale il fut rétabli, & par ordre du pape, à ce que l'on crut. Dans la nef de l'église à droit, & aux hautes places s'affirent les cardinaux évêques, de l'autre côté les cardinaux prêtres, & aprés eux les archevêques & les évêques: dans les fieges qui rempliffoient la nef quelques évêques, les députez des chapitres, les envoïez de l'empereur Frideric & des rois, & plufieurs au

tres.

Quand chacun eut pris fa place, le pape entonna le Veni Creator, & aprés que tous l'eurent chanté, le cardinal Gilles dit Flectamus genua, Octavien répondit, Levate, le pape dit l'oraison : le chapelain Galeas com

28. Juin.

:

AN.1245. mença les litanies, le pape dit l'oraison du S. Esprit. Puis il prononça fon fermon, dont il prit pour fujet les cinq douleurs dont il étoit affligé, comparées aux cinq plaïes de N. S. La premiere étoit le déreglement des prélats & de leurs peuples: la feconde l'infolence des Sarrafins la troifiéme le fchifme des Grecs: la quatriéme la cruauté des Tartares: la cinquième la perfecution de l'empereur Frideric. Il s'étendit fur ce dernier point, & reprefenta les maux que ce prince avoit faits à l'églife & au pape Gregoire fon prédeceffeur. Il est vrai, ajoûta-t-il, que dans les lettres qu'il envoïe par le monde il dit publiquement, qu'il n'en veut point à l'église, mais à la perfone : or le contraire paroît manifeftement, en ce que pendant la vacance du faint fiege, il n'a point ceffé de perfecuter l'églife.

cone. p. 66c. 638.

Le pape finit fon fermon par les reproches perfonels contre Frideric, qu'il accufoit d'herefie & de facrilege. Entre autres d'avoir bâti une ville nouvelle en Chrétienté qu'il avoit peuplée de Sarafins : d'avoir contracté amitié avec le fultan d'Egypte & d'autres princes infidelles, & d'entretenir des concubines de la même nation. Enfin il l'accufoit de parjure & d'avoir plufieurs fois manqué à fes promeffes; & pour preuves de ce dernier article il fit lire plufieurs pieces. Premierement une bulle fcellé en or, accordée au pape Honorius par Frideric lorfqu'il n'étoit encore que roi de Sicile, portant qu'il lui avoit prêté ferment de fidelité comme fon vaffal; & une autre par laquelle reconnoiffant encore qu'il tenoit en fief du S. fiege le roïaume de Sicile, il cedoit & quittoit tout le droit qu'il pouvoit avoir aux élections des églifes de ce

roïaume

roïaume, & les déclaroit franches de toute redevan- AN.1245• ce. Le pape fit lire plufieurs autres bulles d'or, par lef. 28 juin, quelles Frideric tant comme roi que comme empereur donnoit & confirmoit à l'église Romaine la Marche d'Ancone, le duché de Spolete, la Pentapole, la Romagne & les terres de la comteffe Mathilde.

Alors Thadée de Sueffe fe leva d'un air intrepide au milieu de l'assemblée, & produifit des bulles des papes, qui paroiffoient fervir de réponse aux reproches du pape; mais aïant bien examiné les unes & les autres bulles, on trouva qu'elles n'étoient point contradictoires, parce que celles du pape étoient conditionelles & celles de l'empereur abfoluës, & il parut clairement qu'il avoit manqué à fes promeffes. A quoi Thadée s'efforça de répondre,montrant des lettres du pape, dont il prétendoit qu'il n'avoit pas executé le contenu; & en concluoit que l'empereur n'avoit pas été non plus tenu de fes promeffes. Quant au reproche d'herefie il dit en regardant l'affemblée : Seigneurs, perfone ne peut être éclairci fur cet article fi important, à moins que l'empereur mon maître ne foit prefent,& ne declare de fa bouche ce qu'il a dans le cœur. Mais je donne un argument probable qu'il n'eft point heretique; c'eft qu'il ne fouffre point d'ufuriers dans fes états. Par-là Thadée notoit indirectement la cour de Rome, que l'on accufoit d'être infectée de ce vice. Quant à la liaison de.Frideric avec le fultan d'Egypte & les autres Sarrafins, à qui il permettoit de demeurer dans fes terres, il le fait exprés, dit Thadée, & par prudence, pour contenir fes fujets rebelles & féditieux, & pour épargner le fang chrétien dans les guerres où il emploïe ces infidelles. A l'égard des femmes Sarra

Tome XVII.

sf

fines, elles ne lui ont fervi que d'un spectacle agréaAN.1245. ble; & voïant qu'elles donnoient de mauvais loup

28. Fuin.

XXVI. Seconde fef

fion. p. 630. s.Fuillet. Ughell. to. 6. p. 603.

çons, il les a congediées pour toûjours. Enfuite Thadée fupplia le concile de lui accorder un petit délai, pour écrire à l'empereur, & le perfuader s'il pouvoit de venir en perfone au concile, ou lui envoïer un pouvoir plus ample. A quoi le pape répondit: A Dieu ne plaife. Je crains les pieges que j'ai eu tant de peine à éviter. S'il venoit je me retirerois auffi-tôt, je ne me fens pas encore préparé au martyre ni à la prison. Ainfi fe termina la premiere feffion du concile.

La feconde se tint huit jours aprés, savoir le mercredi cinquiéme de Juillet, & on y obferva les mêmes prieres & les mêmes ceremonies. Alors Oudard évêque de Calvi en Poüille, qui avoit été tiré de l'ordre de Cifteaux & qui étoit exilé fe leva, décrivit toute la vie de Frideric, n'épargnant ni fes vices, ni fes infamies: & dit qu'il tendoit principalement à ramener les prélats & tout le clergé à la pauvreté où ils étoient du tems de la primitive églife: ce qui paroiffoit par les lettres qu'il envoïoit de tous côtez. Enfuite fe leva un archevêque d'Espagne, qui exhorta fortement le pape à proceder contre l'empereur, rapportant plufieurs entreprises qu'il avoit faites contre l'églife, & que fon intention avoit toûjours été de la déprimer autant qu'il pourroit. Cet archevêque promettoit au pape que lui & les autres prélats d'Espagne l'affifteroient de leurs perfones & de leurs biens autant qu'il defireroit:or les Espagnols étoient venus au concile en plus grand nombre & à plus grand train qu'aucune autre nation. Plusieurs autres prélats du concile firent les mêmes offres.

AN.1245.

Alors Thadée se leva, & regardant l'évêque de Calvi lui dit : On ne doit point ajoûter foi à vos pa- Juillet. roles, ni même vous écouter. Vous êtes le frere d'un p. 661. 662. traître, qui a été convaincu juridiquement dans la cour de l'empereur mon maître & pendu; & vous marchez fur fes traces. Le prélat fe teut, & Thadée repouffa avec la même vigueur les accufations de quelques autres. Plufieurs parens & amis de ceux qui avoient été noïez dans la mer ou emprifonez quatre ans auparavant reprochoient cette action à l'empereur. A quoi Thadée répondit : Il en fut veritablement affligé, & ce malheur arriva contre son intention; mais il ne pût empêcher que dans ce combat naval & la chaleur de l'action les prélats ne fuffent confondus & envelopez avec les ennemis. S'il avoit été present il auroit eu foin de les délivrer. Le pape objecta: Aprés qu'ils furent pris, pourquoi ne laiffa-t-il pas aller les innocens en retenant les autres? Thadée répondit: Il faut fe fouvenir que le pape Gregoire avoit changé la forme de la convocation du concile, en ce qu'au lieu de n'y appeller que les perfones neceffaires, il y avoit appellé des ennemis declarez de l'empire, des laïques qui venoient à main armée,comme le comte de Provence & d'autres. On voïoit clairement qu'ils n'étoient pas appellez pour procurer la paix, mais pour exciter le trouble. C'eft pourquoi l'empereur envoïa des lettres par tous les païs, pour prier amiablement les prélats de ne point venir à ce concile frauduleux, prévoïant qu'ils feroient attaquez avec ses ennemis, & leur declara qu'il ne leur affuroit point le paffage dans fes états. C'eft donc juftement que Dieu les livra entre les mains de celui

« AnteriorContinuar »