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fie, la Pologne & la Boheme. Daniel & Vafilico fon AN.12.47 frere nous firent une grande fefte & nous retinrent bien huit jours contre nôtre deffein. Cependant ils délibererent entre-eux & avec les évêques & les autres gens de bien fur les propofitions que nous leur avions faites allant en Tartarie. Leur réponse fut, qu'ils vouloient tenir le pape pour leur feigneur & pere, & la fainte église Romaine pour leur maîtreffe: confirmant tout ce qu'ils avoient mandé au pape fur ce fujet par un de leurs abbés, & ils lui envoïerent encore des nonces avec nous. Telle eft la relation de frere Jean de Plan-Carpin & des freres Mineurs qui l'accompagnerent en ce voïage.

LXIV. Miflion des

freres Pref cheurs.

Vinc. Bell. lib.

C. 40.

up. Rain.

Le pape Innocent envoïa vers le même tems aux Tartares des freres Prefcheurs, qui pafferent en Egypte, s'adrefferent au fultan Melicfaleh & lui preXXXI... prefenterent des lettres du pape, où il exhortoit ce prince à fe faire Chrétien, & le prioit de faciliter aux freres le paffage chez les Tartares. Le fultan lui fit faire réponse en fon nom par Salchin qui devoit être quelqu'un de fes principaux officiers & dont la lettre commence par de grands lieux communs de theologie Musulmane, pour relever l'unité de Dieu & fa fingularité, fans compagnon, sans societé de femme ni d'enfans, fans partage, fans nombre, fans compofition, qui font les expreffions dont ils fe fervent pour exclure la trinité des perfonnes divines. Il releve enfuite la miffion de Mahomet audeffus de celle de Moïfe & de J. C. difant que Dieu a rassemblé en lui tous les dons qu'il avoit diftribués aux autres prophêtes : puis venant à la lettre

1247.2. 57. $8. c.

du pape il dit nous ne favons quelle eft fon in-
tention; car fi c'eft d'établir la verité par des
preuves & des demonstrations, il
il faudroit pour
cet effet s'affembler & proposer de vive voix les
objections & les réponses, & on trouveroit chés
nous des gens capables de le contenter. Et ensui-

te:

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Nous avons voulu conferer avec les freres Pref -cheurs qu'il avoit envoïés; mais il n'étoit pas tout à fait fûr pour eux de difputer de vôtre religion & de la nôtre dans nôtre païs en prefence de nos favans. De plus la langue étoit un obstacle, ils ne favoient pas l'Arabe, & n'étoient accoûtumés à difputer qu'en Latin ou en François. Leur pauvreté & leur vie monaftique nuifoit encore, quoiqu'on vît réluire en eux la fcience & la vertu le mépris du monde, la religion & la pureté des

mœurs.

La lettre du pape marquoit qu'ils vouloient aller vers les Tartares, & il nous exhortoit à les aider dans leur deffein; mais nous ne leur avons pas confeillé d'entreprendre ce voïage. La fureur & la cruauté des Tartares va bien au delà de ce que vous en dites: l'Antechrift lui-même ne retiendroit pas fes larmes s'il voïoit feulement une partie des maux qu'ils commettent. Mais Dieu par fa mifericorde a confolé les Mufulmans en la perfone d'un ful tan qui fera fentir aux Tartares l'ardeur du feu qu'ils ont allumé ; c'eft Melicfaleh nôtre maître, à qui cette année ils ont envoyé des ambaffadeurs. pour lui demander la paix, mais il ne leur a pas permis de venir à fa porte, ni de baifer la pouffiere

AN. 1247

de fes pieds. Telle eft en fubftance la lettre de Sal

AN.1247. chin au pape.

Les freres Prescheurs dont il parle étoient apparemment Afcelin & fes trois compagnons, dont l'un nommé Simon de faint Quentin écrivit la rélation de leur voyage en Tartarie : elle commence ainfi : L'an 1247. le jour de la tranflation de faint Dominique, c'eft-à-dire le vingt-quatriéme de Mai, frere Afcelin envoyé par le arriva avec fes compapape gnons à l'armée des Tartares en Perfe commandée par Baïothnoi, qui l'ayant apris leur envoïa quelques-uns de fes grands officiers avec fon égip ou principal confeiller & des interpretes. Ils leur demanderent de quelle part ils venoient. Frere Afcelin répondit: Je fuis envoyé du pape, qui chez les Chrétiens eft eftimé le plus grand de tous les hommes en dignité, & reveré comme leur pere & leur seigneur. Les Tartares fort indignés de ce difcours dirent: Comment ofez-vous dire que le pape vôtre maître eft le plus grand de tous les hommes? ne fait-il pas que le Can eft le fils de Dieu, & que Baiothnoi & Batho font des princes foûmis à lui ? Afcelin répondit: Le pape ne fait qui est le Can, ni qui font Baïothnoi & Batho, il n'a jamais oui leurs noms; s'il les avoit fçus il n'auroit pas manqué de les mettre dans les lettres dont il nous a chargés. Il a feulement appris qu'une certaine nation barbare nommée les Tartares eft fortie de l'Orient, a conquis plufieurs païs & paffé une infinité d'hommes au fil de l'épée. Etant donc touché de compaffion, par le confeil de fes freres les cardinaux, il nous a envoyés à la premiere armée de Tartares que nous

rencontrerions pour en exhorter le chef & tous ceux qui luy obéiffent à ceffer cette destruction, principalement des Chrétiens, & fe repentir des crimes qu'ils ont commis. C'est pourquoi nous prions vôtre -maître de recevoir les lettres du pape & y faire réponse.

AN.1247.

C. 41.

Les Tartares s'en allerent & revinrent quelque tems aprés reveftus d'autres habits & demanderent aux freres, s'ils apportoient des prefens. Afcelin répondit: Le pape n'a pas accoûtumé d'envoyer des prefens, principalement à des inconnus & des infidelles au contraire les Chrétiens fes enfans lui en envoyent, & fouvent les infidelles mêmes. Les Tartares demandoient aux freres avec empreffement fi les Francs pafferoient encore en Syrie : car ils difoient avoir appris par leurs marchands que plufieurs devoient y venir bien-toft. Et peut être fongeoient-ils à leur tendre des pieges en feignant de vouloir embraffer la foy ou autrement , pour les détourner de leurs terres & fe les rendre amis au moins pour un temps. Car au rapport des Georgiens & des Armeniens, ils craignent les Francs fur toutes les nations du monde, Enfuite les offi- c. 42. ciers Tartares revinrent & dirent aux freres : Si vous voulez voir nôtre maître & lui prefenter les lettres du vôtre, il faut que vous l'adoriez par trois genuflections, comme le fils de Dieu regnant sur la terre, car tel eft l'ordre du Can, que Baïothnoi foit honoré comme lui-même. Quelques-uns des Freres craignoient que cette adoration ne fût une idolâtrie; mais frere Guichard de Cremone qui favoit les coûtumes des Tartares, leur répondit : Dd diij

AN.1247 de reverence

Ne craignés rien, on ne vous demande cette forte. de reverence, que pour marquer que le pape & toute l'église feront foûmis aux ordres du Can, &: tous les ambaffadeurs font cette ceremonie. Les fre-res aïant déliberé fur ce fujet, résolurent tout d'une voix de perdre pluftoft la tête que de faire ces genuflections, tant pour conferver l'honneur de l'églife, que pour ne pas fcandalifer les Georgiens, les Armeniens & les Grecs; même les Perfans les Turcs & toutes les nations Orientales. D'ailleurs ils ne vouloient pas donner occafion aux ennemis de l'église de fe réjouir, & aux Chrétiens captifs des Tartares de defefperer de leur délivran

ce.

Ascelin declara cette réfolution à tous les affif tans, & ajoûta: Pour vous montrer que nous ne parlons pas ainfi par orgueil ou par une dureté inflexible, nous fommes prefts de rendre à vôtre maître tout le refpect que peuvent rendre avec bien-feance des preftres de Dieu & des religieux nonces du pape. Nous lui rendrons le même refpect qu'à nos fuperieurs, à nos rois & à nos princes. Que fi Baïothnoi vouloit fe faire Chrétien, fuivant le souhait du pape & le nôtre, non feulement nous fléchirions le genou devant lui, & devant vous tous, mais nous vous baiferions la plante des piés. A cette propofition les Tartares entrerent en fureur & dirent aux freres: Vous nous exhortés à nous faire Chrétiens, & à devenir des chiens comme vous? Vôtre pape n'eft-il pas un chien, & tous vous autres des chiens. Afcelin ne put répondre que par une fimple negative, tant

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