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AN. 1251.

XXVIII.

Le pape quitte Lion

Sagittaire en 576. Et cette observation est d'autant plus importante que Hugues de faint Cher & Henri de Sufe furent deux des plus fameux docteurs de leur fiecle, Hugues pour l'explication de l'écriture fainte, & Henry pour le droit canonique.

La reine Blanche fachant que le pape se dispofoit à quitter Lion pour retourner en Italie, lui Ap. Rain. 19. envoya offrir fon royaume & tout ce qui dépen

7.23.

n. 25.

p. 712.

doit d'elle, & témoigner le defir qu'elle avoit de l'aller vifiter avant fon départ. Il l'en remercia tresaffectueusement, mais il la pria de n'en point prendre la peine, attendu fa mauvaise fanté, & de fa part qu'il étoit preffé de partir. La lettre eft du dix-huitiéme de Mars. Enluite il s'excufa de même envers le roi d'Angleterre qui vouloit auffi le venir voir; mais il lui refufa une decime qu'il de-, mandoit fur les biens ecclefiaftiques d'Escoffe, étant inoui de l'accorder à un prince dans le roïaume d'un autre.

Le pape acheva de paffer le carême à Lion, où le jour du jeudi faint treizième d'Avril en presence de plufieurs évêques il réitera l'excommunicaMatth. Parif. tion contre la memoire de Frideric & contre Conrad fon fils, comme s'étant approprié fans le confentement de l'églife Romaine l'empire & le royaume de Sicile. En même temps il confirma l'élection de Guillaume d'Hollande pour roi des Romains. Le dix-neuvième du même mois qui étoit le mercredi de la femaine de Pâques, le pape partit de Lion aprés y avoir demeuré fix ans & quatre mois. Il étoit accompagné de plusieurs

- Sterf. ann. 2151.

Sup. liv.

LXXXII. n.

14. Matth. Par.

P. 707. 710.

cardinaux,

AN. 1251.

Mon. Pa

cardinaux, de quantité de nobleffe & de Philippe de Savoye élû archevêque de Lion à la tête d'une nombreuse escorte de gens armez, pour le garentir des infultes du parti de Frideric. Aprés avoir évité plufieurs perils il arriva à Gennes fa duan. p. 593. patrie où tous les grands de Lombardie qui fuivoient fon parti vinrent lui faire la reverence; il y féjourna jusques au vingt-deuxième de Juin.

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Rainald. n.

30.

XXIX.

Frauce.

Matth. Parif.

Piftor. I. p.

742.

2.14.

La France étoit cependant agitée d'un terrible mouvement. Il y avoit un Hongrois nommé Ja- Mouvement cob âgé d'environ foixante ans, qui dans fa jeu- reaux en neffe quarante ans auparavant avoit excité la croifade d'enfans, dont j'ai parlé en fon lieu. Il étoit p. 710. apoftat de l'ordre de Cifteaux, & favoit plusieurs langues, entre autres le Latin, le François & l'Al- Li LXXVII. leman. Sur la nouvelle de la prise de faint Louis il fe mit à faire le prophête, difant qu'il avoit veu des anges, & que la Vierge même lui avoit apparu & lui avoit commandé de prêcher la croifade; mais feulement aux bergers & aux gens du petit peuple, parce que Dieu rejettant l'orgueil de la nobleffe avoit refervé aux petits & aux fimples la délivrance du roi & de la terre. fainte. Il tenoit une main toûjours fermée, difant qu'il y gardoit l'ordre par écrit qu'il avoit receu de la Vierge. Il attira premierement des bergers & des laboureurs, qui laiffant leurs troupeaux & leurs charuës, le fuivoient à grandes troupes, fans fe mettre en peine de leur fubfistance, dont en effet ils ne manquoient point. Et le peuple difoit que les vivres multiplioient entre leurs mains. Jacob leur donTome XVII.

Nnn

AN. 1251.

noit à tous la croix fur l'épaule, & on les nomma les Paftoureaux.

Mais à ces premiers qui le fuivoient par fimplicité, fe joignirent des vagabons, des voleurs, des bannis, des excommuniez & tous ceux qu'en langage du temps on nommoit Ribaux : enforte que bien tôt ils compoferent une armée de cent mille hommes, diftribuée par troupes fous differens chefs avec cinq cens enfeignes, où étoit reprefentée la croix & un agneau, avec les vifions que Jacob prétendoit avoir euës. On le nommoit le maître de Hongrie, & il avoit fous lui deux autres principaux maîtres. Ces prétendus difciples de l'agneau portoient des épées, des poignards des coignées, des maffues & toutes les armes qu'ils avoient pû ramaffer; & quand le maître prêchoit il étoit environé des mieux armez, prests à se jetter fur quiconque aferoit le contredire; car Jacob & les maîtres fubalternes prêchoient de leur autorité quoique laïques, & difoient quantité d'extravagances même contre la foi. Ils prétendoient donner la remiffion des pechez & faire des mariages à leur gré. Ils déclamoient contre les ecclefiaftiques & les religieux, principalement les frères Prescheurs & les Mineurs, qu'ils traitoient de vagabons & d'hypocrites. Ils taxoient les Cifterciens d'avarice & d'attachement à leurs terres & à leurs beftiaux : les moines noirs de gourmandife & d'orgueil. Les chanoines étoient felon eux demi laïques, & adonnez à la bonne chere; les évêques & leurs officiaux occupez à amaffer de l'argent & vivant dans toutes fortes de délices. Quant

à la cour de Rome ils en difoient des infamies

qu'on n'ofoit repeter. Le peuple déja prévenu de haine & de mépris pour le clergé, applaudiffoit à ces difcours.

AN. 1251.

Nang. Chr. to. XI.

Spicil.p. $38.

Les Paftoureaux commencerent à paroiftre aprés Pasques l'an 1251. & l'éloignement du pape augmenta leur hardieffe. Ils s'affemblerent premierement en Flandres & en Picardie, où les peuples font plus fimples ; & ils étoient déja en tres-grand nombre quand ils entrerent en France. En paf, fant dans les villes & les villages ils portoient leurs armes hautes pour tenir le peuple en crainte, de forte que les juges mêmes n'ofoient s'y oppofer. La reine Blanche les tolera quelque temps dans l'efperance qu'ils pourroient délivrer son fils. Quand ils eurent paffé Paris, ils crurent avoir évité tous les perils, fe vantant d'être reconnus pour des gens de bien, puifque dans cette ville où étoit la fource de toute la fageffe ils n'avoient receu aucune contradiction; & ils commencerent à exercer plus librement leurs pillages & leurs violences. Matth. Par. Le jour de faint Barnabé onzième de Juin ils ar- P721. riverent à Orleans en grand appareil, & y entrerent malgré l'évêque & le clergé, mais avec l'agrément du peuple. Jacob ayant fait avertir à cri public qu'il prêcheroit,il y vint une multitude infinie. L'évêque nommé Guillaume de Bussi défendir à tout fon clergé, fous peine d'excommunication, d'écouter ou de fuivre cet impofteur, car les laïques n'étoient plus touchez de fes ordres ni de fes menaces. Toutefois quelques écoliers, ne pouvant résister à la curiofité, voulurent en

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tendre ce nouveau prophête; mais les ecclefiaftiques les plus fages s'enfermerent & se barricaderent dans leurs maifons.

Jacob ayant commencé à prêcher & à débiter fes extravagances ordinaires, un des écoliers qui l'écoutoient s'approcha hardiment & lui dit: Tu as menti malheureux heretique ennemi de la verité, tu trompes les fimples. A peine avoit-il ainfi parlé qu'un des Paftoureaux lui fendit la tête en deux d'un coup de coignée. Auffi tôt ils s'éleverent tous en tumulte contre le clergé, rompirent les portes & les feneftres de leurs maisons, & brûlerent les livres les plus précieux; & comme le peuple ne s'y oppofoit point, ils en dépouillerent, en blefferent & en tuerent plufieurs, ou les jetterent dans la Loire. On en compta jufques à vingt cinq de morts. Ceux qui s'étoient tenus enfermez dans leurs maifons fe fauverent la nuit. Les Paftoureaux voyant la ville en trouble, & craignant d'être attaquez se retirerent, & l'évêque l'a mit en interdit pour ne leur avoir pas refifté.

La reine Blanche étant informée de ces defordres, avoüa modeftement qu'elle avoit été trompée à la fimplicité apparente de ces impofteurs ; & par le confeil des prélats & des feigneurs, elle réfolut de les diffiper. On commença par les dénoncer excommuniez; mais ils arriverent à Bour→ ges & y furent receus par les bourgeois avant que l'excommunication fut publiée. Ils entrerent dans les fynagogues des Juifs, brûlerent leurs livres & pillerent leurs maisons. Mais aprés qu'ils furent fortis de la ville, le peuple les fuivit en ar

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