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toire contre vous, voulant auffi nous rendre tous AN. 1256. coupables de l'avoir écouté avec plaifir; & par le moyen de Gregoire vôtre nonce, qui paffoit à Paris, ils ont porté leur plainte contre ce docteur, au roi & à l'évêque de Paris. Le docteur appellé devant l'évêque à demandé que le nonce fût auffi cité, pour dire de qui il avoit appris ce qu'on lui reprochoit, & representer les memoires qu'il disoit avoir receus contre lui. L'évêque n’ofa citer le nonce, ni le nonce comparoître en jugement; mais variant en ses discours, & niant enfuite ce qu'il avoit dit d'abord, il fe retira fubitement de la ville. Enfin l'évêque aprés plufieurs délais n'aïant trouvé aucune preuve contre Guillaume de faint Amour, qui offrit de fe purger canoniquement devant quatre mille clercs, le déchargea juridiquement de cette poursuite. Ces infultes & plufieurs autres, qui feroient longues à rapporter, nous ont obligé de fufpendre jufques à prefent nos le

çons.

Les docteurs concluent en priant le pape de dé- P. 291. clarer.nulle l'excommunication prononcée par les deux évêques, & leur rendre la liberté qu'ils avoient lors de fon avenement au pontificat. Autrement, ajoûtent-ils, fachés que nous tranfporterons nôtre école à un autre roïaume, ou bien nous nous retirerons chacun chez nous, pour y joüir de nôtre liberté naturelle, plûtôt que de fouffrir la fervitude de cette fociete forcée. Alors l'église feroit en danger de tomber dans l'ignorance & l'aveuglement, & d'être ravagée par les heretiques. Nous vous fupplions donc faint pere de nous donner Zzz iij

AN. 1255. Promptement une derniere réponse, sans nous tenir plus long-temps en fufpens, afin que nous puiffions pourvoir à nous & à nôtre école.

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Dés l'année precedente l'évêque de Paris envoïa au pape Innocent, un petit livre intitulé Introduction à l'évangile éternel; & le pape Alexandre le fit examiner par trois cardinaux, favoir les évêques de Tufculum & de Paleftrine, & Hugues de faint Cher prêtre du titre de fainte Sabine, de l'ordre des freres Prefcheurs. Il fut jugé fi mauvais, que le pape manda à l'évêque de Paris de le fuprimer, fous peine d'excommunication. La lettre eft du vingttroifiéme d'Octobre 1255. Mais le douzième de Novembre, il manda au même évêque de prendre garde que la fuppreffion de ce livre, n'attirât aucun reproche aux freres Mineurs. C'est que Jean de Parme leur general, étoit tenu pour l'auteur de l'Evangile éternel.

Le papè n'eut point d'égard à la remontrance des docteurs de Paris, ni à leur prétenduë separation du corps de l'univerfité: au contraire il écrivit au chancelier de fainte Geneviève, de n'accorder la licence de regenter à Paris en aucune faculté à ceux qui refuferoient d'observer la bulle Quafi lignum vita. La lettre eft du vingt-cinquiéme de Novembre. Elle fait voir que le chancelier defainte Geneviève donnoit alors les licences dans les quatre facultez, Le pape écrivit à même fin aux évêques d'Orleans & d'Auxerre; mais ils remirent l'execution de ce nouvel ordre, jusques au concile qui fe devoit tenir à Paris la même année.

XV.

Inquifition

Cependant à la priere du roi faint Louis le pape AN.1255. Alexandre donna au provincial des freres Prefcheurs en France, & au gardien des freres Mineurs de Paris l'office de l'inquifition dans tout le roïau- en France. me, excepté les terres du comte de Poitiers & de Rain. n. 95. Toulouse Alfonfe frere du roi, dans lesquelles il y avoit des commissaires particuliers pour l'affaire de la foi. Le pape ordonne aux inquifiteurs de fe faire délivrer les informations & les autres procedures faites contre les heretiques par tous ceux qui les on entre les mains; & de proceder contre ceux qui feront coupables du même crime, ou feulement diffamés, s'ils ne fe foûmettent entierement à l'églife, & d'implorer, s'il eft befoin, le fecours dn bras feculier. Il leur donne pouvoir d'abfoudre les heretiques qui abjureront fincerement, & de faire toutes les procedures neceffaires pour l'exer- . cice de leur charge, nonobftant la liberté accordée aux religieux de ne point recevoir de pareilles commiffions. Mais il veut que pour juger les heretiques, ou les condamner à une prifon perpetuelle, ils prennent le confeil des évéques diocefains. La lettre eft dattée de Rome le trèiziéme de Decembre. Cette inquifition generale en France eft remarquable, fur tout étant établie à la priere du roi faint Louis.

XVI. Relation de

Guill. de Rubruquis.

Haeluyt. to.

Vers la fin de cette année 1255. faint Loüis receut des nouvelles du cordelier Guillaume de Rubruquis, qu'il avoit envoyé en Tartarie deux ans auparavant. Voici la fubftance de fa rélation; vôtre 1.71 fainte majefté faura que l'an 1253. le feptiéme de Bergeron.. Mai nous nous embarquâmes fur le pont-Euxin

2.

H. p. 79.

B.p.4.

que les Bulgares nomment la grande mer; & nous abordâmes à Soldaïa dans la petite Tartarie le vingt-uniéme du même mois. Nous dîmes que nous allions trouver Sartach, parce qu'on nous avoit dit qu'il étoit Chrétien, & que nous lui portions des lettres du roi de France: fur quoi nous fûmes receus agréablement, & l'évêque du lieu nous dit beaucoup de bien de Sartach, que nous ne trouvâmes pas depuis conforme à la verité. Nous étions cinq perfonnes, moi, frere Barthelemi de Cremone mon compagnon, nôtre clerc nommé Goset, porteur des prefentes, Homodei nôtre truchement, & un jeune esclave nommé Nicolas, que j'avois achepté à C. P. Nous partîmes de Soldaïa vers le premier de Juin. Le troifiéme jour aprés nous trouvâmes les Tartares, & étant . entré parmi eux je m'imaginois être venu dans un autre monde.

A l'octave de l'Ascenfion, qui étoit le cinquiéme de Juin j'eus audiance de Scacatay parent de Baatou, & lui rendis une lettre de l'empereur de C. P. pour obtenir la liberté de paffer outre. Scacatay nous demanda fi nous voulions boire du cofmos, certain bruvage fait avec du lait de jument, & je m'en excufai pour lors. Or les Chrétiens du païs Ruffes, Grecs, & Alains font confcience d'en boire, & leurs prêtres mettent en penitence ceux qui en boivent, comme s'ils avoient apostafié. Scacataï me demanda ce que nous dirions à Sartach. Je répondis que nous lui parlerions de la foi Chrétienne. Il demanda ce que c'étoit, difant qu'il l'entendroit volontiers. Alors je lui ex

pliquai

pliquai le fymbole comme je pûs par mon interprête, qui n'avoit point d'efprit & ne favoit pas 'exprimer. Aprés l'avoir oui, il fecoüa la tête fans dire mot.

S

La veille de la Pentecôte, des Alains qui font Chrétiens du rit Grec rent à nous. Ils ne font pas fchifmatiques comme les Grecs; mais ils honorent tous les Chrétiens fans diftinction. Ils nous apporterent de la viande cuite, nous priant d'en manger, & de prier Dieu pour un d'entre eux qui étoit mort. Je leur dis qu'il ne nous étoit pas permis de manger de la viande ce jour-là, qui étoit la vigile d'une fi grande fête, fur laquelle je les inftruifis; & ils en furent extremement réjouis car ils ignoroient tout ce qui regarde la religion, hors le feul nom de Jefus-Chrift. Ils nous demanderent & plufieurs autres Chrétiens auffi Ruffes & Hongrois, s'ils pouvoient faire leur falut, étant obligez à boire du cofmos, & à manger des bêtes mortes d'elles-mêmes, ou tuées par des Sarrafins, ou d'autres infidelles: qu'ils ignoroient les jours. de jeûne, & ne pourroient les obferver, quand même ils les connoîtroient. Je les redreffai comme je pûs, les inftruifant & les fortifiant dans la foi.

Le jour de la Pentecôte huitiéme de Juin, vint 2 nous un Sarrafin, avec lequel entrant en conversation, nous commençâmes à lui expliquer la foi. Aïant entendu les biens que Dieu avoit faits au genre humain par l'incarnation de Jesus-Christ, la refurrection des morts, & le jugement futur, & les pechez font: lavez par le baptême : il dit A Aaa

que

Tome XVII.

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