Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[blocks in formation]

duifit au logement que l'empereur leur avoit fait preparer honorablement : où ils trouverent en abondance tous les foulagemens neceffaires pour les remettre de leurs fatigues.

Le lendemain lundi le patriarche les fit appeller, & l'aïant trouvé avec fon clergé affemblé, ils le faluerent premierement de la part du pape, puis de la leur, & le remercierent de l'honneur & des graces qu'il leur avoit faites. Puis ils lui prefenterent la bulle, dont il baifa le feau, & regardant fon clergé, il dit en grec : Pétros Pâulos, pour marquer les têtes des apôtres qui y étoient réprefentees. Enfuite il demanda aux freres, s'ils étoient legats du pape, & s'ils vouloient être honorez comme tels. Ils declarerent que non, & qu'ils n'étoient que de fimples nonces; & confiderant ce clergé fi nombreux, pour éviter toute surprise, ils ajoûterent, qu'ils n'étoient envoïez qu'au patriarche & non à un concile. Le patriarche declara qu'on devoit un grand refpect au moindre nonce du pape : & aprés plufieurs difcours de part & d'autre, lon clergé les reconduifit avec honneur à leur logis.

Le lendemain mardi dix-feptiéme de Janvier l'empereur les fit appeller à fon palais, & leur donna audiance en prefence du patriarche & d'une grande partie du clergé. Aprés les honnêtez convenables de part & d'autre, les nonces propoferent le fujet de leur voïage, & dirent que le patriarche avoit receu la bulle où le tout étoit plus amplement expliqué. On leur demanda quels étoient leurs pouvoirs, ils dirent, qu'on le voïoit par la bulle, & que le pape ratifieroit tout ce qu'ils feroient de bien touchant cette affaire Entrons donc en matiere, dirent les Grecs; & aprés plu

[ocr errors]

fieurs raisons propofées de part & d'autre pour favoir qui d'eux ou des Latins commenceroit la difpute, les nonces dirent: Nous ne fommes pas envoïez pour difputer avec vous fur quelque article de foi, dont l'église Romaine foit en doute: mais pour conferer amiablement fur les points dont vous doutez. C'est donc à vous à les propofer, Les Grecs répondirent: Dites vous-mêmes quels ils font. Les nonces voïant qu'ils ne cherchoient qu'à gagner du tems, répondirent: Quoi que ce ne foit pas à nous à propofer vos queftions, toutefois pour ne pas perdre inutilement le tems, voici ce que l'églife Romaine admire le plus. Puifqu'il eft certain que l'églife Grecque lui a été autrefois foumife, comme toutes les autres nations Chrétiennes : quelle raison a-t-elle euë de se soustraire à son obéiffance? Les Grecs ne voulurent point répondre à cette queftion: mais ils prierent les nonces de leur dire la caufe de la féparation. Les nonces voïant leurs chicanes, & fachant qu'ils aimoient les comparaisons, leur propoferent cet exemple: Voilà un creancier & un debiteur: celui ci nie la dette ; lequel des deux doit rendre raison à l'autre de ce que la dette n'eft pas païée: Les Grecs confondus par cette comparaison, répondirent aprés en avoir déliberé: Nous difons qu'il y a deux caufes de la féparation: l'une, la Proceffion du faint Esprit, l'autre le facrement de l'autel. Les Nonces répondirent: S'il n'y a point d'autres causes, pourquoi vous êtes-vous fouftraits à l'obéiffance de l'églife Romaine voïons fi ce font des raisons fuffifantes. Puis ils ajoûterent: Cette matiere eft difficile, & nous ne pourrons la traiter dignement fans le fecours de Dieu. C'est pourquoi

[blocks in formation]

AN,1234°

demain nous vaquerons à la priere, & nous celebreAN.1234· rons la messe invocant le faint Efprit, afin qu'il nous découvre la verité de fa Proceffion Mais comme nous n'avons point d'oratoire, nous prions le seigneur patriarche de nous en affigner un.

18.Janv.

>

XXX. Conference à Nicée. 19.Janv.

Il leur donna une église affez commode prés de leur logis; & le lendemain mercredi comme ils faifoient le fervice, plufieurs Latins, François, Anglois & d'autres nations vinrent l'entendre. Aprés l'office un Latin vint les trouver en pleurant, & difant que fon papas Grec l'avoit frapé de cenfure, parce qu'il avoit affifté à leur meffe. Les nonces en furent affligez, & aïant tenu confeil, ils envoïerent deux d'entre-eux au patriarche, pour se plaindre de cette injure faite à Dieu & à toute fon église. Le patriarche vouloit diffimuler la chofe: mais voyant que les nonces en étoient extrêmement offensez, il leur envoïa ce papas avec fes confreres, qui le dépoüillerent de ses habits facerdotaux, & le ramenerent ainfi par la ville jusques à la maison du patriarche. Et comme les autres papas protesterent que celui ci ne l'avoit fait que par fimplicité & non par malice; les nonces ne voulant pas paroître impitoyables dans le commencement de leur negociation, prierent le patriarche même de lui pardonner.

Par cette raison étant venus le jeudi au palais de l'empereur pour la conference, ils vouloient commencer par la queftion du S. Sacrement de l'autel, pour favoir ce que les Grecs croyoient de celui que confacrent les Latins: mais ils infifterent opiniâtrement à commencer par la Proceffion du S. Efprit. On entra donc ainfi en conference. Les Grecs demande

AN.1234.

rent files nonces vouloient objecter ou répondre. Les nonces dirent : C'eft à vous de proposer vos difficultez fur cet article, & à nous d'y fatisfaire. Le patriarche dit: Vous les entendrez. Alors le cartophylax, qui étoit comme le treforier de l'églife patriarcale, s'éleva au milieu de l'affemblée & par l'ordre du patriarche & de l'empereur il dit: Croïez-vous qu'il y a un Dieu en trois perfonnes ? Les nonces répondirent: Nous le croïons. Croïez-vous le Pere non engendré, le Fils feul engendré, le S. Efprit procedant du Pere: Nous le croïons comme vous le dites. Alors le carto phylax avec une grande fimplicité levant les mains au ciel commença à benir Dieu à haute voix ; & aïant répeté les mêmes paroles une feconde & une troifié. me fois, voïant que les nonces y faifoient la même réponse, il ajoûta: Nous ne trouvons ici aucune difpute entre vous & nous: Dieu foit beni de tout. Les nonces dirent: Vous ne trouverez point de differend sur cet article entre l'église Romaine & la Grecque, nous ne croïons pas que vous en trouviez non plus fur le Sacrement de l'autel, & il n'y a point eu d'autres caufes du fchifme: C'eft donc fans fujet qu'elle s'eft fouftraite à l'obéïffance de l'églife Romaine.

19. Fanv.

Enfuite l'empereur aïant confulté les favans, dit aux nonces : Nous avons ouï que vous dites comme nous: mais le feigneur patriarche demande fi vous ne dites rien de plus. Car nous avons ouï dire que vous avez ajoûté quelque chofe au fymbole compofé dans le concile ĺes par peres qui ont défendu fous peine d'anathême d'y ajoûter, ou d'y changer même une fyllabe. Les nonces demanderent que le patriarche leur montrât le fymbole écrit. Le patriarche dit;

[blocks in formation]

Je vous prie de m'excufer pour aujourd'hui: je fuis fatigué & malade : demain, s'il plaît à Dieu, je me porterai mieux, & je vous montrerai ce que j'ai promis. Ils fe feparerent ainsi.

Le vendredi vingtiéme Janvier aprés avoir celebré la meffe & le refte de l'office, les nonces vinrent à la conference, & commencerent par prier le patriarche d'acquiter fa promeffe. Il ordonna à un de fes favans de lire la lettre de S. Cyrille à Jean d'Antioche aprés leur reconciliation, qui commence: Que les cieux fe réjoüiffent. On y lut ces paroles: Nous parlerons de l'incarnation du Fils de Dieu fans rien ajoûter du tout à l'expofition de foi faite à Nicée. Il eft dit ici, dit le lecteur, qu'il ne faut rien ajoûter à la foi de Nicée : pourquoi donc y avez-vous ajoûté ? Les nonces répondirent: S. Cyrille ne dit pas ici que personne ne doit ajoûter: mais qu'il n'ajoûtera rien. Ainfi le patriarche ne s'eft pas acquitté de fa promeffe. Les Grecs voulant prouver ce qu'ils avoient avancé, lurent dans la fuite de la lettre: Nous ne permettons à perfonne d'ébranler en aucune maniere le symbole de Nicée, ni d'y changer une parole. Les nonces répondirent: Nous ne changeons rien au fymbole & ne disons rien de contraire: mais S. Cyrille ne défend pas d'y ajoûter. Les Grecs leur demanderent: Avezvous ajoûté quelque chofe à ce fymbole ? Les nonces répondirent: Qu'on le life & vous le faurez. On lut le fymbole de CP. & les nonces voulant tirer de la bouche des Grecs la raifon de nôtre addition, dirent: Le fymbole de Nicée avoit été fait devant; & vous dites qu'il n'y faut rien ajoûter, & que S. Cyrille a défendu d'y rien changer; nous voulons donc

« AnteriorContinuar »