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parties, & qui ne fçauroient être dans un lieu. D'ailleurs avant que de dire que l'Esprit est une fubftance penfante, il faudroit fçavoir ce que c'eft que cette fubftance. Je veux bien accorder qu'elle eft pensante; mais je n'en ferai pas plus avancé, fi je ne puis fçavoir ce qui conftitue & forme cette fubftance.

Quand l'Homme dit qu'il eft un compofé d'Esprit & deCorps, conçoit-il en aucune façon ce qu'il dit? Comment veut-il que deux chofes fi oppofées puiffent s'unir enfemble pour compofer un tout? Où eft l'Esprit pour qu'il puiffe fe joindre au Corps Car l'on ne parle point ici d'une union morale, mais d'une union véritablement Physique. Qu'est-ce qu'être phyfiquement uni à une chofe, fi ce n'eft être dans le même lieu que cette chofe? Comment peut-on le dire de l'Esprit ? puifque l'Efprit n'eft, à propre

tes.

ment parler, nulle part. L'Efprit eft présent à un lieu, dira-t'on par l'action qu'il exerce fur un Corps; mais cet effort d'imagination ne me paroît point avoir beaucoup de folidité, puisqu'il fuppofe ce qui eft en question; c'eft-à-dire, qu'un Esprit peut agir fur un Corps, ce qu'on ne fçauroit concevoir.

De la vé- Oui, tout ce qui eft en nous,& gétation des plan- tout ce qui nous environne font autant de misteres que nous ne fçaurions comprendre, & fi nous en avons quelques connoiffances, il faut avouer qu'elles font bien fuperficielles. Nous avons, par exemple, continuellement devant les yeux les plantes que nous voyons germer & végéter; nous nous croyons fort avancés, lorfque nous avons quelque foible connoiffance de la végétation; nous croyons avoir donné une grande idée de notre science, lorfque nous avons dit que

l'accroiffement des plantes vient de ce que le Soleil par fa chaleur attire le fuc de la terre dans les pores de la plante; parce que la chaleur dilatant l'air renfermé dans ces pores, le fuc de la terre monte y trouvant moins de ré fiftance, & que c'eft en paffant par ces pores qu'il acquiert une certaine configuration de parties qui forme un fruit d'une telle couleur, d'une telle figure, & d'un tel goût. Mais fi l'on demande d'où vient la configuration & l'arrangement des parties qui forment les pores de la plante? on dira que cela vient de la femence,parce que la plante étoit renfermée dans le germe & qu'en végétant elle n'a fait que fe développer. Il faut donc que ce germe ait contenu non feule. ment cette plante, mais encore tous les fruits qu'elle portera, que ces fruits contiennent d'autres plantes avec leurs fruits juf

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&

maux.

qu'à l'infini. Ainfi un feul grain de bled contient actuellement dequoi couvrir non feulement la terre, mais encore des millions d'autres terres jufqu'à l'infini. C'est ce que les Philofophes ne peuvent s'empêcher d'accorder: mais en conçoivent-ils la poffibilité ?

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Des Ani- Nous fommes environnés d'une infinité d'Animaux d'efpeces différentes nous leur voyons faire des actions femblables à celles que nous faifons: nous voyons qu'ils naiffent,qu'ils croiffent, qu'ils font fujets aux maladies, enfin qu'ils meurent comme nous : ils nous paroiffent fufceptibles de douceur & de colere, d'amour & de haine, de douleur & de plaifir,d'ingratitude & de reconnoiffance,de compaffion & de dureté de cœur. Les apparences nous portent même à croire qu'ils fe parlent entr'eux car les paroles n'étant

rien autre chose que des fignes extérieurs dont on fe fert pour faire connoître ses pensées, nous nous perfuadons volontiers que ces créatures fe fervent de quelques moyens pour s'exprimer. En un mot, l'on ne voit rien dans l'Homine que l'on ne penfe voir dans les Bêtes; les unes nous paroiffent prévoyantes & laborieufes, les autres pareffeufes & négligentes, les unes fages, les autres imprudentes. Les Hommes n'ont jamais pû bien concevoir quelle pouvoit être la fource de ces qualités, & la caufe de ces actions. Il n'y a point de fentiment, quelqu'abfurde qu'il foit, qu'ils n'ayent forgé à ce fujet. Les uns fe font imaginé que les Ames des Bêtes étoient les mêmes que celles des Hommes, & qu'une même Ame paffoit fouvent du corps d'un Homme dans celui d'une Bête, & de celui d'une Bête dans celui d'un Hom

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