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en joue, la tua en volant. Ce coup furprit le Prince ; il lui envoya faire compliment, en lui faifant prefent de fa proye qui étoit un mâle. La Demoifelle qui ne vouloit point qu'on la furpafsât en generofité, lui envoya auffi la fienne qui étoit une femelle, & chargea le porteur de dire au Prince qu'elle lui étoit très-obligée de fon prefent. Ces honnêtetez de part & d'autre pronoftiquoient quelque chofe de favorable.En effet, ce Prince pénetré du merite & de Padreffe de la Demoiselle, quoi qu'il ne l'eût pas vûe au vilage, en de"vint épris. Cependant voulant connoître fi elle étoit auffi belle qu'elle lui paroiffoit bien faite, il defcendit de cheval,& alla fe cacher derriere un gros buiffon qui étoit près d'elle. Il y avoit tout proche une fontaine, dont l'eau

crittaline couloit fur un fable doré. La beauté de cette eau, comme elle avoit foif, lui infpira l'envie d'en boire, elle fut obligée de découvrir fon visage. Le Prince en fut charmé, & trouva qu'elle étoit encore plus belle que le portrait que la Gouver nante lui en avoit fait. Lorfqu'il fut de retour à la ville, il alla trouver le Roy, & lui dit qu'il avoit refolu d'époufer la fille du Vizir. Le Roy en fut ravi avec d'autant plus de raifon, qu'il avoir perdu l'efperance que fon fils trouvât jamais une femme qui lui plût.Il fit venir fon Vizir, & lui ayant declaré l'amour que ce Prince avoit pour fa fille, ils

conclurent entre eux le maria

ge; mais pour des raifons particulieres la célebration en fut differée à un autre tems. Cependant le jeune Prince

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qui étoit toûjours fort amoureux de la Demoiselle, fouhaitoit de tout fon cœur l'heureux moment de la poffeder. Il avoit la permiffion de lui rendre vifite, & cette vûe ne fervoit qu'à redoubler fa paffion, & à lui faire fouffrir toutes les peines que ref fent un amant qui ne poffede pas encore l'objet qu'il aime.Les chofes étoient en cet état, lors que le Roy tomba malade, &mourut en quinze jours de tems. Ce malheur dérangea un peu nos amans. Il falut fonger aux funerailles de ce Prince, & à faire couronner fon fils. Quand tout cela fut fait, le nouveau Roy ne fongea plus qu'à faire fon mariage; la célebration s'en fit avec toute la pompe & la ma. gnificence poffible. La joye de: poffeder cette aimable perfonne, adoucit fort le chagrin qu'il

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avoit eû de la perte du feu Roy fon pere. Il elperoit de goûter d'abord avec fon époule toutes les douceurs qu'un amour légitime permet à de nouveaux ma. riez; & voulant fe fervir du pri. vilege que cette qualité lui don. noit: Seigneur, lui dit la Reine, bien que j'aye l'honneur d'ê tre votre femme, & qu'il foit jufte que je confente à ce que vous fouhaitez de moi, neanmoins avant que de vous rien accorder, je vous fupplie par cette tendreffe que vous me témoignés, d'avoir la bonté dé faire mettre mon nom auprès du vôtre fur la monnoïe que l'on frappe dans vos Etats..

Le Roy furpris de cette priere, & jugeant qu'il ne pouvoir pas avec honneur la lui accorder: Madame, lui dit-il, s'il y a quelque exemple qui justifie que

mes predeceffears l'ayent fait, vous pouvez compter que vous aimant au point que je vous aime, je vous accorderai avec plaifir ce que vous me demandés; mais comme cela ne s'eft jamais pratiqué dans mon Roïaume, ni dans aucun Etat du monde, je vous prie de m'en difpenfer. Je n'aurois jamais crû, Seigneur, répondit-elle, que vousi m'euffiez refufé la premiere grace que je vous demande. Et puifque je reconnois que vous n'avez gueres d'amour pour moi,je: ne dois pas en avoir davantage pour vous, étant jufte qu'ayant autant d'égard que vous en avez pour votre honneur, j'en aye auffi pour la confervation du mien. Cette réponse, qui étoit: un peu trop forte pour une fem me à fon mari, donna d'abord: quelque chagrin au Roy ; mais,

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