Imágenes de páginas
PDF
EPUB

mauvaise journée, s'en retournent au petit pas avec rien & beaucoup d'appetit: heureux, s'ils trouvent dequoi fe raffafier & réparer par de bon vin leurs forces affoiblies dans une chaffe qui leur a été fi pénible & fi infructueufe. Voilà par où nous finirons l'avanture du liévre, parlons un peu de celle rapportée par M.de Perefix Archevêque de Paris dans fon hiftoire de Henri IV. Ce Prince, dit-il, chaffant un cerf dans la forêt de Fontainebleau accompagné de plufieurs Seigneurs, entendit un grand bruit de cors, de veneurs & de chiens qui fembloient être fort éloignez de lui, puis à l'inftant s'approchant tout près d'eux, quelques-uns de fa fuite s'avançant vingt pas, virent un grand homme noir parmi des halliers, qui les effraya telle

que

ment qu'ils ne purent dire ce qu'il devint, mais feulement ils entendirent qu'il leur crioit d'une voix roque & épouvantable :: Vous m'entende, vous me voyez, demandez-vous, ou amandezvous? Les bucherons & payfans d'alentour de cette forêt difoient que cela n'étoit pas extraordinaire, & qu'ils voyoient fouvent ce grand homme noir qu'ils nommoient le grand veneur, avec une meute de chiens qui chaffoient à beau bruit, mais qu'il ne faifoit mal à perfonne.

[ocr errors]

Il fe fait une infinité de contes dans tous les pays du monde de pareilles avantures arrivées à des chaffeurs. S'il faut y ajoûter quelque foi, on peut croire que ce font des jeux de forciers ou dé quelques efprits malins, à qui Dieu donne certe permiffion, pour convaincre les incredules

[ocr errors]

& leur faire voir qu'il y a des fubftances féparées & quelque être au deffus de l'homme; mais voilà affez moralifer fur ce fujet,. paffons à une autre avanture plus ancienne, qui n'eft pas moins furprenante.

Jean Herbinius de cataractis mundi, rapporte que l'an 967 le Comte d'Oldembourg étant à la chaffe dans la forêt de Feverholtz, & s'étant égaré en pourfuivant un cerf jufqu'à. Offembourg, fe trouva feul au milieu de plufieurs montagnes affreufes, & fut obligé d'attendre fes chiens & la chaffe. Pendant cet intervalle, comme il avoit foif, & qu'il cherchoit quelque fontaine pour fe defalterer, il vit fortir d'une caverne une jeune Demoiselle magnifiquement ha→ billée, les cheveux épars, avec une couronne fur la tête & un

petit cors de chaffe de vermeil doré dans la main, rempli d'une liqueur qu'elle lui offrit pour boire. Le Comte prit le cors, le regarda & brouilla la liqueur qui y étoit; mais il n'en voulut pas boire. La Demoiselle lui dit qu'il en pouvoit boire en toute fûreté; que cette boiffon apporteroit à lui & à tous les fiens beaucoup de bonheur; mais que s'il refufoit de boire ce qu'elle lui prefentoit de bon cœur, toute fa famille vivroit dans de grandes adverfitez; cependant le Comte malgré toutes ces remontrances ne voulut point boire, & renverfa cette liqueur fur la croupe de fon cheval. Par tout où elle la toucha, le poil s'en alla; fur quoi la Demoiselle redemanda fon cors au Comte, mais il s'éloigna d'elle, emporta le cors, & s'étant retourné, ne

vir

vit plus la Demoiselle qui avoit difparu; il réjoignit la chaffe avec un grand étonnement, ayant le cors dans la main qui étoit parfaitement bien travaillé & orné de plufieurs lettres antiques, de Trophées & de figures agreables. On le voit encore aujourd'huy comme une piece très rare dans le Cabinet du Château d'Oldembourg. On peut juger par ce recit que cette liqueur étoit un poifon des plus fubtils & des plus violens, & que cette jeune Demoiselle étoit un Démon qui avoit pris une figure humaine & gracieuse pour mieux faire perir le Comte; ce qui nous aprend qu'il ne faut jamais fe fier aux gens qu'on ne connoît pas.

n'eft

Voicy une autre avanture qui pas fi ancienne ni fi dangereufe que celle que nous venons de raporter, mais qui eft beau

C

« AnteriorContinuar »