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feur qui cherchoit una zile pour fe mettre à couvert de l'orage qui continuoit toujours de la même force. Elle commanda à fes gens de le laiffer entrer chez elle s'il le fouhaitoit, & de mettre fes chevaux à l'écurie. Le Cavalier fenfible à cette honnêteté, demanda à faluer la Dame. Elle luy fit dire qu'elle n'étoit gueres en état.de le recevoir, parce qu'elle étoit occupée à faire des confitures; mais que neanmoins s'il defiroit de la voir, il pouvoit monter à fa chambre. Il l'alla donc trouver auffi-tôt, & luy fit prefent du produit de fa chaffe. La Dame l'accepta, à condition qu'il en mangeroit fa part chez elle. Le Cavalier y confentit avec d'autant plus de plaifir, que cette Dame avoit auprès d'elle fa fille qui étoit parfaitement belle & très-bien faite. Le

Cavalier ne l'eut pas plutôt vûe qu'il en fut touché. La Demoiselle le reconnut bien-tôt par les douceurs qu'il luy dit ; & le Cavalier s'appercevant que la Demoiselle y étoit fenfible par les réponses agreables qu'elle luy faifoit, étoit bien-aife que la pluye l'eût obligé de venir dans un lieu où il étoit fi bien reçû. Il y refta tout le jour, & y coucha même ; mais le lendemain il prit congé de la Dame & de fa fille, qui vouloient le retenir plus long-temps. Et ayant fçû fon nom & l'endroit où elle demeuroit à Paris, il luy demanda la permiffion de luy rendre fes refpects lorfqu'elle y feroit. La Dame luy répondit qu'il luy feroit toûjours beaucoup d'honneur. Après plufieurs honnêtetez de part & d'autre, & que le Cavalier eut falué la mere & la fille,

il monta à cheval, & s'en alla en chaffant jufqu'à Paris. Il tua deux Perdrix, deux Pluviers & un Lapreau qu'il emporta chez luy, où étant arrivé, il conta l'avanture qu'il avoit eue, dont on le felicita. I envoya fçavoir trois ou quatre jours après, fi la Dame & fa fille étoient de retour de la campagne. Enfin lors qu'elles furent à Paris, il ne manqua point de leur rendre vifite, & il fut très-bien reçû de la mere & de la fille.

La Demoiselle luy parut toujours très-belle. I la loua d'abord fur fon air brillant qui la diftinguoit fur toutes celles de fon fexe; & quoiqu'il ne luy dît que des chofes fines, dont toute autre qu'elle eût été embaraffée, elle y répondit d'une maniere fi vive & fi fpirituelle, qu'il crut ne pouvoir mieux employer cer

tains momens inutiles qu'on a quelquefois à perdre, qu'auprès d'une fi belle perfonne. Sa vifite ne fut pas longue; mais peu de jours aprés il y retourna, & il luy trouva tout l'agrément qui l'avoit frapé la premiere & la feconde fois qu'il la vit. Il fut même redoublé par l'envie qu'el le cut de luy plaire affez pour l'engager à groffir fa cour. Il y avoit pour elle de la gloire à faire cette conquête. C étoit un Gentilhomme recherché de tout le monde, & qui foutenoit mille belles qualitez qu'il avoit reçûes de la nature, par les avantages du bien & de la naiffance. Il avoit le goût fin en toutes chofes, beaucoup de delicateffe dans fes fentimens ; & on ne pou voit avoir part à son estime, lans fe flater qu'on n'étoit pas fans merite. La belle qui fe fit un

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point d'honneur de fe l'affujettir, y employa tous fes foins. Elle avoit pour luy des complaifances fi particulieres, qu'il ne put douter qu'elle ne voulût luy paroître aimable, preferablement à tous fes Amans, car elle n'en manquoit pas ; & comme, à la coqueterie près, foit qu'il regardât l'efprit, foit qu'il s'attachât à la beauté, il voyoit en elle tout ce qui pouvoit engager un honnête homme, il luy parut qu'il ne feroit point indigne de luy de travailler à fixer un cœur, qui avoit été fi vagabond: il entreprit d'en venir à bout, & employa pour cela des manieres douces, qui en peu de tems luy firent faire de grands progrès ; mais en luy voulant donner de l'amour, infenfiblement il en prit pour elle; & il ne put luy entendre dire qu'il étoit aimé veritablement,

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