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valier, qui après avoir remis cet homme entre les mains de l'Her-. mite, continuoit fon chemin à cheval. Ils coururent à luy, & l'attaquerent tous trois, fans entrer dans un plus grand éclairciffement. Leur nombre ne l'étonna point; & ayant eu d'abord affaire à l'aîné des trois freres, il luy fit fauter la cervelle d'un coup de pistolet ; il en fit autant au fecond; & comme il n'avoit plus de coup à tirer, & qu'il avoit encore un des trois à combattre, il mit le fabre à la main, & luy en déchargea un fi grand coup fur la tête, que l'ayant étourdi, il le fit tomber à terre. Leur four les voyant tous trois hors de combat, prit la fuite; mais le Chevalier la fit arrêter par fon Ecuyer, qui par ordre de fon Maître n'avoit été que fpectateur du combat. Cependant le dernier de ces

freres qui étoit tombé s'étant relevé, le Chevalier après luy avoir donné la vie, luy demanda ce qui l'avoit porté à l'attaquer ; & ayant apris la fourberie de fa foeur, le défabufa, & luy conta tout ce qui s'étoit paffé; enfuite il l'engagea par ferment à conduire cette indigne femme & fon malheureux mari à Rennes, afin que le Parlement en fift juftice.

Le Chevalier fatisfait de fon action, tant pour la valeur que pour la pieté, remonta dans fa chaife de pofte, & continua fa courfe jufqu'à Rennes, où étant arrivé, il alla defcendre dans la meilleure Hôtellerie. Après avoir changé de linge & d'habit, il fe fit porter chez fa Maîtreffe, qui fut ravie de le voir. 'Elle le presenta auffi-tôt à fa Tante, qui le reçut parfaitement bien, & le traita d'abord de neveu. Elle voulut

qu'il logeât chez elle, & luy donna un apartement magnifique ; ce n'étoit que dorures, tableaux, miroirs de grand prix, cabinets de la Chine, vafes remplis de fleurs, & caffolettes qui exhaloient une odeur la plus agreable du monde. Il y avoit un lit fort beau, dont les rideaux étoient de velours cramoifi enrichi de galons, de franges & de campanes d'or par tout où il en faloit mettre la courte - pointe étoit d'une étoffe des Indes des plus belles & des plus riches. Enfin F'on peut dire que ce lit étoit digne d'un Prince, & répondoit parfaitement à la magnificence de la chambre. Peu après on fervit le dîné dans un beau falon revêtu d'un marbre jafpé; & quoique l'on n'attendît pas le Chevalier, le repas fut fplendide & bien ordonné, fervi en vaiffelle

d'argent, & le deffere en pource> laines des plus fines & des plus belles qu'on puiffe voir. Cette Tante étoit tres-riche. C'eft pourquoy le Chevalier ne pouvant fouhaiter au monde un meilleur parti que Mademoiselle de Silvacane, ne fongea qu'à faire fa cour à la Tante & à la Niece. Cela dura près de quinze jours de cette maniere: après quoy le Chevalier parla de mariage: on l'écouta, la Tante y donna les mains, & fa. Niece y confentit avec plaifir. Sa Tante par le Contrat de mariage luy donna cent mille écus, tant en meubles qu'en argent comptant, avec une fort belle Terre de quinze mille livres de rente qu'elle avoit aux environs de Rennes.

Pendant que toutes ces chofes fe paffoient, le frere de la femme infidelle ayant éxecuté la parole

qu'il avoit donnée au Chevalier, & conduit cette indigne dans les prifons de Rennes, les Juges trouverent l'action de cette miferable fi noire, qu'ils la condamnerent à avoir la tête tranchée, & enfuite fon corps jetté au feu, & fes biens adjugez au mari, qui fut renvoyé abfous avec fon beau-frere. Le jour que cette fcene tragique arriva, la plupart des femmes galantes de Rennes furent fort triftes, ayant leur vifage pâle, & leurs coëffes abaiffées.

Mademoiselle de Silvacane n'en changea pas de couleur. Son mariage avec le Chevalier fe fit le lendemain, avec l'aprobation de leurs. parens & de leurs amis. La Tante donna un repas magnifique, plufieurs perfonnes de qualité s'y trouverent, & le feftin répondit à la dignité des conviez,

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