qu'après avoir conquis toute l'Afie avec une rapidité inconceva- 1738 ble il se vit arrêté pendant sept mois entiers devant la feule Ville de Tyr, croyant qu'elle lui faifoit perdre l'occasion d'exécuter fes grands projets. La terreur qui marche devant les Conquérans leur foumet plus de Villes & de Provinces que la force de leurs armes. Atok ouvrit donc de bonne grace fes portes au Vainqueur. Elle eft fituée fur la Riviére de Nilab qui à deux journées delà se jette dans l'Indus, Nadir prévoyant qu'il alloit avoir plusieurs riviéres à traverfer dans les Indes, fit conftruire à Atok une grande quantité de batteaux qui pouvoient se démonter & fe charger par piéces fur des chariots; ils devoient d'abord defcendre par le Nilab à l'Indus, pour être enfuite tranfportés fur les autres fleuves qui Hh fe trouvent fur la route de Dehly, 1738 Pendant qu'on y travailloit il envoya fes Coureurs vers les bords du fleuve pour en reconnoître la fituation & pour y chercher un lieu propre à faire la defcente, Leur rapport fut que le fleuve paroiffoit avoir plus de cinq cents toifes de large, qu'il étoit d'une prodigieufe rapidité, que fes riyes étoient hautes & efcarpées, mais ce qu'il y avoit de plus fort, que le rivage oppofé étoit tout couvert d'hommes, de chevaux & d'Eléphans. Le Roi jugea d'abord que ce ne pouvoit être la grande armée du Mogol : il avoit de fecrétes rélations avec plufieurs Omrahs ou grands Seigreurs Indiens, qui l'informoient de tout ce qui fe paffoit à la Cour de Dehly, Il avoit appris par eux la lenteur furprenante avec laquelle on fe remuoit en Cette Cour ? › que l'armée étoit encore aux portes de la Capitale qu'elle affamoit, qu'on ne pou- 1738 voit trouver affez de vivres pour ce nombre innombrable de bouches qui compofoient l'armée, & que les courtifans faifoient différer de jour en jour le départ de l'Empereur fous prétexte que toutes les forces n'étoient pas encore rassemblées. Nadir étant donc perfuadé que le paffage de l'Indus n'étoit défendu que par les troupes particuliéres du Royaume de Lahor, prit le parti d'envoyer le gros de fon armée camper fur les bords du fleuve vis-àvis des Ennemis, en même tems il fit defcendre tous les bateaux par le Nilab avec ordre de fe rafTembler au port,comme si l'on eût eu deffein d'embarquer les troupes & de tenter le passage; tandis qu'avec vingt mille chevaux qu'il avoit détachés, il alla chercher un endroit guéable qu'on lui avoit indiqué à plus de trente 1738 lieues au-deffus, où il passa le fleuve fans aucune oppofition & delà revint en diligence pour tomber fur les Ennemis. Ceux-ci qui étoient tout occupés du foin de défendre le paffage contre l'armée qu'ils avoient en face furent étrangement furpris de voir venir à eux les Perfans & fans faire attention qu'ils étoient bien fupérieurs en nombre à leurs Agreffeurs, puifqu'ils étoient cinquante mille hommes, prefque tout Cavalerie, avec trente élé phans, ils n'oférent point les attendre, mais décampérent à la hâte, abandonnant tout ce qu'ils avoient d'artillerie, même leurs éléphans & fe retirérent avec précipitation, les uns vers Lahor, les autres jufqu'à Dehly où ils commencérent à répandre l'effroi. A la faveur d'une opération qui avoit fi bien réuffi, tout le feste de l'armée Persanne paf- La premiére Provincede l'Ent- (1) J'ai nommé ces fleuves des Indes par les noms que leur donne l'Hiftoire Ancienne, parce que ces anciens noms doivent être plus familiers au Lecteur que leurs noms nouveaux : le Chantrou, le Ravi, le Via & le Chaul |