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ARTICLE VIII.

Conclufion.

SI l'on fe rappelle maintenant le grand nombre & la variété des Phénomènes que l'on vient d'expliquer & la manière fimple dont ils dérivent de la Pefanteur générale de la matière; fi l'on fait enfuite réflexion qu'indépendamment de toutes les preuves qui en démontrent l'exiftence, il est très-naturel d'admettre dans tous les Corps céleftes le pouvoir qu'a la Terre d'attirer à elle tous les corps qui l'environnent; il ne doit refter aucun doute fur la vérité de la Théorie que je viens d'expofer, & l'on ne peut trop admirer comment des Phénomènes en apparence auffi différens que le font les mouvemens des Planètes felon les loix de Kepler, les inégalités de la Lune, la Préceffion des Equinoxes & le Flux & le Reflux de la Mer, dépendent d'un même principe qui les enchaîne tous & qui n'en fait qu'un feul Phénomène général, celui de la Gravitation universelle. C'est dans ce fens que l'on a eu raifon de dire qu'il n'y auroit qu'une feule vérité, pour qui connoîtroit parfaitement les caufes les plus cachées des Phénomènes de la nature.

D'illuftres Philofophes frappés de la fécondité du principe de la Pefanteur de toutes les parties de la matière les unes vers les autres, ont cru pouvoir s'en fervir pour expliquer un grand nombre de Phénomènes que nous préfentent la Phyfique & la Chymie, tels que la

Cohéfion des Corps, les Affinités, l'Afcenfion des liqueurs dans les tuyaux capillaires, la Réfraction & l'Inflexion de la Lumière, &c. Tous ces Phénomènes paroiffent en effet dépendre d'une tendance réciproque des différentes parties des Corps; & il étoit bien naturel de préfumer que cette tendance n'étoit que la Gravitation même de toute la matière, en raifon des maffes & réciproque au carré des diftances, & dont l'existence eft fi bien démontrée dans la Phyfique célefte. Mais la vraie Philofophie ne doit admettre que ce qui eft le résultat de l'obfervation ou du calcul. Or en foumettant au calcul l'effet de cette Gravitation générale, on trouve qu'elle est beaucoup trop foible pour produire la tendance en vertu de laquelle deux gouttes d'eau ou de mercure, préfentées très-près l'une de l'autre, se réuniffent & n'en forment qu'une feule. On trouve encore qu'elle n'eft pas à beaucoup près affez puiffante pour foutenir les liqueurs à la hauteur à laquelle elles s'élèvent dans les tubes capillaires, ou pour infléchir la lumière qui paffe près des corps, ou pour la réfracter. On peut dire la même chofe relativement aux Affinités chymiques. Il paroît donc qu'outre la force générale de la Gravitation univerfelle, il existe dans la matière un grand nombre d'autres forces particulières dont dépendent ces divers Phénomènes.

CHAPITRE TROISIÈME.

Des apparences des Corps céleftes, relativement à un Spectateur placé fur la Terre..

DANS les deux Chapitres précédens, j'ai expofé les Phénomènes céleftes tels qu'ils font en eux-mêmes; j'en ai expliqué la cause autant qu'il étoit poffible de le faire fans le fecours du calcul: il reste maintenant à parler de la manière dont ces Phénomènes doivent fe préfenter à un Spectateur placé fur la Terre. On fent aifément que ce Spectateur, emporté dans l'efpace par le mouvement de rotation de la Terre fur elle-même & par fon mouvement autour du Soleil, fe croyant d'ailleurs immobile, doit naturellement attribuer ces mouvemens en fens contraire aux Corps céleftes, enforte qu'ils doivent lui paroître avoir des mouvemens compofés de leurs mouvemens propres & des mouvemens qu'il leur attribue.

La bifarrerie de ces mouvemens compofés a long-tems embarraffé les Aftronomes, avant que l'on en eût démêlé la partie réelle de celle qui n'eft qu'apparente. Ptolémée imagina, pour les expliquer, un fyftême fort compliqué que chaque découverte nouvelle compliquoit davantage. Mais Copernic ayant découvert ou au moins mis dans un plus grand jour les différens mouvemens de la Terre, la facilité avec laquelle

toutes les apparences du mouvement des Planètes s'expliquent dans ce nouveau Systême, le fit infenfiblement adopter, malgré tous les préjugés contraires, & il n'eft plus aujourd'hui de Savant qui ne l'admette.

SECTION PREMIERE.

Des mouvemens des Corps céleftes vus de la Terre.

ARTICLE PREMIER.

Du mouvement diurne (1) apparent des Corps

célestes.

JE fuppoferai dans ce qui va fuivre un Spec

tateur obfervant ce qui fe paffe dans le Ciel. L'horizon (2) fenfible de cet Obfervateur eft le plan qui touche la furface de la Terre au point où il eft placé. Ainfi A OPRT (fig. 18) repréfentant la Terre, que l'on fuppofe tourner fur l'axe A P; & O étant le lieu de l'Obfervateur, le plan tangent MON eft fon horizon fenfible. La ligne OZ, perpendiculaire à ce plan, eft une verticale. Le point Z où cette verticale prolongée eft fuppofée rencontrer

(1) Diurne vient du latin diurnus, formé de dies, Le jour.

(2) Horizon vient du grec opi, je borne ; parce qu'en effet l'Horizon borne notre vue quand nous fommes en pleine campagne.

le Ciel, fe nomme Zenith (1), & le point R qui lui eft oppofé, fe nomme Nadir: ces deux points font les deux Pôles de l'horizon. On nomme horizon rationnel, le plan HTL parallèle à l'horizon fenfible, & qui paffe par le centre T

de la Terre.

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En vertu du mouvement de rotation de la Terre, l'horizon fenfible que l'on fuppofe tourner avec elle, doit s'abaiffer au-deffous des Etoiles ou s'élever au-deffus. Dans le premier cas les Etoiles d'invifibles qu'elles étoient, deviennent visibles; dans le fecond, elles ceffent 'd'être vifibles. L'Obfervateur ne s'appercevant pas de fon mouvement, ni de celui de fon horizon, croira que fe font les étoiles qui s'élèvent au-deffus, ou qui s'abaiffent au-deffous; par la même raison qu'un homme, placé dans un vaiffeau qui s'éloigne du rivage, peut croire que c'eft le rivage lui-même qui s'éloigne du vaiffeau. Les apparences font donc visiblement les mêmes, foit que l'on fuppofe toutes les Etoiles tourner au tour de la Terre, & l'Obfervateur immobile; foit que l'on fuppofe les Etoiles immobiles, & la Terre tournant fur elle-même.

Mais fi l'on fait attention à la distance prodigieufe du Soleil, qui eft à plus de 34 millions de lieues; à celle des Etoiles, qui eft au moins, 27 mille fois plus grande, à la maffe énorme de tous ces corps qui font cent mille ou un

(1) Zenith vient de l'Arabe, & fignifie voie au-dessus ; & Nadir, dans la même langue fignifie voie oppofée. Voyez la Bibliothèque de M. d'Herbelot.

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