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en ne le regardant que comme une hypothèse propre à représenter les mouvemens des Corps céleftes, on ne peut difconvenir que cette première tentative de l'efprit humain pour les affujettir à des loix conftantes,,ne faffe honneur à la fagacité de fon Auteur.

De l'Aftronomie chez les Arabes.

Aux travaux de Ptolémée finit l'Hiftoire des progrès de l'Aftronomie chez les Grecs. L'ambition des Romains, leur peu d'inclination pour les Sciences, la tyrannie de leur Gouvernement à l'égard des peuples foumis, les fureurs ou les imbécillités de leurs Empereurs, enfin la décadence de leur Empire, & les irruptions des peuples feptentrionaux, furent autant de caufes qui éteignirent fucceffivement le goût des Sciences & des Arts, & qui replongèrent les hommes dans l'ignorance. Une nuit profonde femble couvrir tout l'intervalle depuis Ptolémée jufqu'au tems où l'Aftronomie reprit un nouvel éclat fous les Arabes. Ce peuple conquérant & fanatique, après avoir porté le ravage & fa religion dans les trois Parties du Monde connu, n'eut pas plutôt goûté les douceurs de la paix qu'il fe livra aux Sciences avec ardeur. Peu de tems auparavant il en avoit détruit le plus beau Monument, en réduifant en cendres la fameufe Bibliothèque d'Alexandrie. Mais bientôt le repentir & les regrets fuivirent cette exécution barbare dont le fanatifme avoit dicté l'ordre à Omar, l'un de fes premiers Chefs: les Arabes ne tardèrent pas à fentir que par cette perte irrépa

rable, ils s'étoient privés du plus précieux avantage de leurs conquêtes. Obfervons ici que le goût des Sciences & des Arts chez prefque tous les peuples de la Terre, a été précédé par celui des conquêtes ou des guerres civiles. L'Ecole d'Alexandrie fuivit immédiatement la mort d'Alexandre; &, dans ces derniers tems, les beaux jours de Louis XIV, en France, & de Charles II, en Angleterre, ont fuccédé aux horreurs des guerres civiles. Il femble que l'efprit humain mis en activité par les factions & par les guerres, cherche dans la paix qui les fuit un aliment qui l'entretienne, & qu'il n'en trouve point de plus propre à cet objet, que les Sciences & les Lettres.

Entre les Califes (1) qui fe diftinguèrent par la protection qu'ils accordèrent à l'Astronomie, on doit principalement citer Al-Mamoun, Prince de la Famille des Abaffides (2), & qui régnoit à Bagdad (3) en 804. Vainqueur de l'Empereur Grec Michel III, il impofa pour une des conditions de la Paix, qu'on lui fourniroit les meilleurs originaux des Ouvrages Grecs. L'Almagefte de Ptolémée fut de ce nombre: il le fit traduire en Arabe, & répandit ainfi dans fa Nation toutes

(1) Calife fignifie Vicaire, qui fait les fonctions d'un autre. C'eft le nom que prirent les Souverains qui fuccédèrent à Mahomet, & qui régnèrent fur les Arabes après lui.

(2) C'est la feconde famille des Califes: la première étoit celle des Omiades.

(3) Bagdad, ville fur le Tigre, eft regardée par les gens du pays comme ayant fuccédé à Babylone; mais ce feroit plutôt à Ninive.

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les connoiffances aftronomiques qui avoient illuftré la Grèce. Non content d'encourager par fes bienfaits les Savans les plus diftingués de fon tems, il fit lui-même plufieurs obfervations dont une eft relative à l'obliquité de l'Ecliptique, qu'il trouva être de 23d 33' 52". Il fit encore mefurer un degré de la Terre dans une vafte plaine de la Mefopotamie (1), nommée Singar. Mais l'impoffibilité de connoître avec précifion la grandeur de la coudée Arabe dont on fe fervit alors, nous empêche de prononcer fur l'exactitude de cette mefure (2).

Les encouragemens donnés à l'Aftronomie par ce Prince & par fes Succeffeurs, firent naître parmi les Arabes un grand nombre d'Obfervateurs très-recommandables. Tel eft entr'autres Albaténius qui rectifia la plupart des Elémens dont Ptolémée avoit fait ufage. Mais il femble que le génie des Arabes fe foit borné à l'Art d'obferver & qu'il n'ait pu s'élever jufqu'aux caufes des Phénomènes céleftes. Ils ont laiffé cette partie importante de l'Aftronomie, à-peu-près dans le même état où elle étoit du tems de Ptolémée, fans y ajouter aucune découverte remarquable.

(1) Méfopotamie fignifie entre des fleuves. C'eft le nom que les Grecs donnèrent à une étendue de pays affez confidérable fituée entre l'Euphrate à l'Ouest & le Tigre à l'Eft. Les Arabes l'appelèrent l'île ou al Dgéfira: ce nom eft actuellement en ufage.

(2) De ce qu'Abulféda rapporte que le degré terreftre fut évalué 56 milles arabiques & deux tiers, le célèbre M. d'Anville fe croit en droit de conclure que la coudée peut être évaluée à 18 pouces & quelque chofe; mais ce n'eft qu'une conjecture.

Les bornes de ce Précis hiftorique ne me permettent pas de faire connoître les progrès de l'Aftronomie chez les Chinois & chez les autres peuples de la Terre. Je me contenterai d'observer qu'aucun peuple ne peut fe vanter de Monumens aftronomiques auffi anciens que les Chinois, & que leurs obfervations paroiffent remonter jufqu'à l'an 2155 avant notre Ere. Mais malgré la grande vénération qu'ils ont toujours eue pour l'Aftronomie, ils l'ont beaucoup moins perfectionnée que les Grecs & les Arabes.

De l'Aftronomie dans l'Europe Moderne.

C'eft aux Arabes que l'Europe Moderne doit les premiers traits de lumière qui ont percé les ténèbres dont elle a été enveloppée pendant plus de douze Siècles. Ils ont été nos Maîtres comme autrefois les Egyptiens le furent des Grecs. Et le grand nombre de mots Arabes dont nous faifons ufage en Aftronomie, eft un Monument durable des obligations que nous avons à ce Peuple.

Alphonfe, Roi de Caftille, fut un des premiers Souverains qui encouragèrent l'Aftronomie en Europe. Cette Science compte peu de Protecteurs auffi zélés & auffi magnifiques. Mais les foins de ce grand Prince ne furent pas fecondés par les Aftronomes qu'il avoit fait venir à grands frais de tous les Pays de l'Europe; & les tables du mouvement des Planètes qu'ils publicrent en 1252, ne répondirent pas aux dépenses exceffives qu'elles lui avoient occafionnées. Doué d'un efprit jufte, il étoit choqué de l'em

barras de tous les Cercles dans lefquels ces Af tronomes faifoient mouvoir les Planètes : il fentoit parfaitement que la Nature devoit agir par des moyens plus fimples ; & à cette occafion il fe permettoit une plaifanterie à la vérité peu refpectueufe, mais par laquelle il faifoit entendre qu'on étoit encore bien éloigné de connoître le véritable Systême du Monde. Si Dieu difoit-il, m'avoit appelé à fon Confeil lorfqu'il créa l'Univers, les chofes auroient été dans un ordre meilleur & plus fimple.

Au tems d'Alphonfe, l'Empereur Frédéric II se diftingua par fon zèle pour l'Aftronomie. On doit à fes foins la première Traduction de l'Almagefte de Ptolémée : elle fut faite fur un Manufcrit Arabe, la Langue Grecque étant entiérement inconnue dans ces contrées.

Nous arrivons enfin à l'époque célèbre où l'Aftronomie fortit de l'enfance, & s'éleva par, des progrès rapides & continus à la hauteur où nous la voyons aujourd'hui.

Purbach & Régiomontanus préparèrent ces beaux jours de l'Aftronomie, & Copernic les fit naître par l'idée grande & heureuse qu'il eut d'expliquer les Phénomènes céleftes, au moyen des mouvemens de la Terre fur elle-même & autour du Soleil. La complication du Systême de Ptolémée embarraffoit depuis long-tems les Aftronomes, mais il fe maintenoit toujours par fon ancienneté, par fa conformité avec les préjugés, & par la difficulté de lui en fubftituer un plus vraisemblable. Copernic ofa franchir tous ces obftacles, qui avoient arrêté fes prédéceffeurs; &, en plaçant le Soleil au centre de l'Univers

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