ville eft avantageufement fituée fur le bord d'un lac auquel on n'arrive que par un canal appelé Goulette. Elle eft bâtie de pierres blanches qui la font remarquer d'affez loin; mais l'air y eft mal-fain à caufe des marais qui l'environnent. Cependant elle ne laiffe pas d'être fort peuplée & la police s'y obferve affez bien. On rapporte qu'un Bey détrôné par fes fujets, ayant amassé de grandes richeffes par la culture des terres, avoit la réputation de pofféder le fecret de la Pierre Philofophale. Un Dey d'Alger lui offrit de le remettre en place, à condition qu'il lui feroit part de fon fecret. Après fon rétabliffement le Bey lui envoya des bêches & des charrues, en lui difant que l'agriculture étoit la Pierre Philofophale des Rois. Ce pays fait un affez grand commerce avec la France.

30. L'Etat d'Alger eft plus puiffant que les précédens. Quoiqu'il renferme beaucoup de pays déferts, il comprend auffi beaucoup de montagnes faifant partie du Mont Atlas, & qui font fort peuplées. La ville d'Alger eft affez belle; elle forme du côté de la mer un amphithéâtre, dont l'afpect devient intéreffant par la vue de toutes les terraffes qui couvrent les maifons. Les rues y font exceffivement étroites, & procurent ainfi de la fraîcheur aux appartemens des maifons. Le Souverain a le titre de Dey. Il a les dehors de la puiffance, & même de droit il prononce fur la paix ou la guerre, fur les graces, &c. Mais, dans le fait, c'eft le corps des gens de guerre qui fait tout; & les affaires font fouvent difcutées entre eux à coups de fabre. En général, le commerce de ce pays

n'eft pas très-floriffant; & les nations d'Europe l'eftiment peu; il eft prefque tout entier entre les mains des Juifs.

4°. Le Royaume de Maroc occupe la partie du Nord-Ouest de l'Afrique, & s'étend fur la Méditerranée & fur l'Océan. Il eft très-confidérable, compofé de plufieurs parties qui portent le nom de Royaume, & fon Souverain eft trèspuiffant.

Le Royaume de Maroc, proprement dit s'étend fur les côtes de l'Océan. Sa capitale, de même nom, n'eft pas une ville fort ancienne; elle eft fituée avantageusement, & fermée de bonnes murailles.

Le Royaume s'étend de l'Océan à la Méditerranée. Fez, fa capitale, eft formée de la réunion de deux villes; il y a de belles manufactures de foie. Dans tout ce Royaume les peuples font moins foumis que dans celui de Maroc.

Le Royaume de Tafilet eft fort petit, & renferme celui de Sisdgilmeffa. Ce pays est dans un état affez trifte. On y commerce un peu d'indigo & de marroquin. Il y croît des dattes affez abondamment.

Tout l'Etat de Maroc gémit fous la plus affreuse tyrannie; & l'aviliffement de cette nation, auffi-bien que fes vices, femblent juftifier l'esclavage honteux dans lequel elle eft retenue. On divife les habitans de ce Royaume en trois peuples; les Bérébères, qui font les plus anciens maîtres du pays, font auffi les plus traitables : ils habitent les montagnes. Les Arabes y font fuperftitieux & ayides; & ceux qu'on appelle Maures

font fourbes, cruels & fans aucune efpèce de vers tu. Ils font les maîtres du pays depuis que les Princes, appelés Chérifs, le gouvernent. Quant aux efclaves chrétiens, j'ai eu occafion d'en interroger plufieurs, il m'a paru que ce que l'on dit quelquefois des mauvais traitemens qu'on leur fait éprouver, eft fort exagéré. Et j'ai appris que plufieurs d'eux les avoient mérités par des vols domestiques, ou d'autres fautes que l'on ne pardonneroit pas en Europe.

Au Sud du Bilédulgerid, eft le défert appelé en Arabe, Sahara; on y indique deux nations nègres puiffantes, les Zehaga à l'Ouest, & les Lemta au milieu.

Remarques.

Quelques Auteurs ont dit que le Sahara étoit un pays fain; cela, ce me semble, ne se peut guère entendre que de quelques endroits. Car, dans un défert de fable fujet à des ouragans qui mettent des collines où étoient des plaines, & creufent des vallées profondes où il y avoit des collines; ou des tourbillons d'une pouffière brulante fatiguent affez habituellement la poitrine & enflamment les yeux, il eft bien plus probable que l'on y eft affecté du fcorbut & d'autres maladies inflammatoires, ainfi que le difent plufieurs voyageurs. La chaleur y eft fi incommode, que l'on n'y voyage que la nuit encore fait-on peu de chemin, portant avec

foi fes provifions d'eau qui y eft très-rare. D'ailleurs, les habitans, Arabes ou autres, font trèsféroces.

S. VIL

De la Guinée.

La Guinée eft un très-grand pays dont la partie méridionale fe divife en différentes côtes. Dans la partie feptentrionale, on trouve le Royaume des Foules ou de Siraut, où eft Gòmmel, & le pays des Ialofes, que l'on nomme auffi Royaume de Bur-Ialof, où eft Tubacatum. Cette partie, qui avoit été cédée aux Anglois, dans la dernière guerre, vient d'être reprife par les François.

La Guinée méridionale renferme la côte des Graines ou de la Maniguette, où eft le Royaume de Sanguin; la côte des Dents, où eft Druin, à l'embouchure de la rivière de S. André; la côte d'Or, où fe trouve S. Georges de la Mine, alt Nord-Eft du cap des Trois-Pointes ; & plus à l'Eft les Royaumes de Juida, d'Ardre & de Benin. Remarques.

Ces remarques feront divifées en plufieurs

articles fort courts.

1°. Le Senégal ou Sanaga, eft un pays trèsvafte qui a pris fon nom de la rivière qui l'arrofe, & que les Portugais nommèrent ainfi d'après un Prince qu'ils y trouvèrent lors de leur découverte. Nous avons une poffeffion fur ce fleuve qui avoit été cédée aux Anglois, mais qui vient d'être reprise dans la guerre pré

* Z

fente (1). Les Ialofs, ou bien Oualofs, ont pour chef un Prince qui porte le titre de Bur-Ialof; les Foules font une nation affez nombreuse. On fait dans ce pays commerce de la gomme du Senégal, qui eft la sève de l'acacia; on l'en tire par des incifions.

Le Cap Verd eft apperçu en mer par la quantité d'arbres qui le couronnent, & qui lui donnent au loin la couleur dont il a pris fon nom.

L'île de Gorée, nommée ainfi par les Hollandois, n'étoit qu'une terre aride; on y a cultivé avec fuccès des arbres fruitiers, & des herbes potagères. Un Naturalifte refpectable femble parler avec éloge de fes avantages & de fon climat. J'ai eu occafion d'interroger des perfonnes qui y avoient été, & qui n'en faifoient pas un rapport auffi avantageux.

On n'a des pays fitués fur la Gambra, que des relations bien incomplettes, & qui ne s'accordent pas. Les Anglois y ont un comptoir; le commerce s'y fait en efclaves, en ivoire en cire & en or.

La Guinée méridionale eft partagée en plufieurs côtes qui ont reçu leurs noms des marchandifes que l'on y achete en plus grande quan

tité.

La côte de Maniguette ou de Malaguette, appelée ainfi d'après le poivre long que l'on y com

(1) On a publié une Nouvelle Hiftoire de l'Afrique Françoife, à laquelle il étoit naturel d'ajouter foi, fon Auteur ayant été fur les lieux. Mais je puis affurer que fon défaut de capacité & de principes honnêtes en ont fait un ouvrage très-méprifable par fon infidélité totale,