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convenir la methode de réduire les lignes courbes à des équations qui en exprimaffent les principales proprietez; & de tirer de ces équations tout esles chofes que l'on pouvoit defirer de connoître fur ces courbes enfin la maniere d'employer les courbes elles-mêmes à la refolution des équations & des Problêmes.

Ces nouvelles methodes, réduifant la Geometrie à un calcul simple & facile, retranchoient ce qu'il y avoit d'embaraffant dans les figures, c'est-à-dire, tout ce qui fatiguoit l'imagination, & ce qui rempliffoit la capacité de l'efprit. Elles lui laiffoient la liberté de penetrer fon fujet, & de découvrir avec évidence tout ce qu'il renfermoit. Elles augmentoient même, pour ainfi dire, l'étendue de l'esprit par l'art de lui représenter, comme dans une perfpective, fous des expreffions simples & abregées, un nombre infini d'objets. Les Mathematiques devinrent par là fi faciles, que chaque trait de plume donnoit naiffance à des découvertes. Alors le plaifir fucceda à la peine, & le cœur dédommagé permit à l'efprit de voir les utilitez & les beautez des Mathematiques, & il s'y rendit. Auffi ces sciences changerent-elles de forme. On vit une Geometrie nouvelle, qui contenoit tout ce que nous avions reçû, des anciens & qui alloit infiniment plus loin les refolutions étoient generales, & aucun cas particulier ne leur échapoit.

On vit naître de la même fource des fciences curieuses & utiles, & prefque toutes les autres en tirerent un nouvel éclat : comme celle qui a Tome I.

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appris à donner aux horloges toute la justesse neceffaire pour les rendre la mesure exacte du temps: celle qui nous a donné les moyens d'étendre notre vûe aux objets qui nous étoient inconnus par leur trop grand éloignement, ou par leur extrême petiteffe celle qui a découvert la maniere de jetter les bombes, & de les faire tomber precifément où l'on voudroit, &c.

le mou

Ces methodes étoient affez fecondes pour produire toutes les découvertes; mais il leur manquoit des expreffions, & un calcul qui fuivît pas à pas la nature, laquelle, produifant les figures par vement, n'en fait décrire, aux corps mobiles qui les forment, que des parties infenfibles plus petites que toutes celles que nous pouvons déterminer, dans chacun des inftans qui paffent plus vîte que tout temps que nous pouvons mefurer. On ne penfoit pas à donner des expreffions à ces efpaces qui étoient trop petits pour avoir un raport déterminé avec ceux aufquels convenoient

expreffions ordinaires, ni à ces inftans que leur petiteffe infinie empêchoit d'entrer en comparaifon avec le plus petit temps que l'on pût prendre pour la mesure de tous les autres. On penfoit encore moins à réduire ces premiers élemens des grandeurs à un calcul qui leur fût propre, & qui les foumît aux methodes de l'Analyfe.

Cependant le principe de ce calcul est fi naturel, que les premiers Geometres l'ont fait fervir à quelques-unes de leurs démonftrations. La plupart des propositions du douzième livre d'Euclide ne font démontrées que par ce principe.; & on le voit fup

pofé dans quelques-unes des découvertes d'Archimede. On s'apperçut bien du befoin que l'on avoit de ce calcul pour réfoudre des Problêmes qui furent propofez du temps de Monfieur Descartes & il fut obligé d'exclure de ses methodes les courbes qu'on a nommées après lui Mechaniques, qui font pourtant un nombre infini de courbes dont les proprietez font auffi utiles que celles des courbes Geometriques, & qui à l'aide de ce calcul, deviennent foumifes à ces methodes comme les autres. Les Geometres, qui ont fuivi les methodes de Monfieur Descartes, ont été obligez, auffi bien que les plus anciens, de supposer, dans la résolution de plufieurs Problêmes, le principe de ce calcul que l'on touchoit du doigt, pour ainfi dire: mais il falloit que differentes Nations euffent part à la gloire des découvertes. Celles-ci se font faites en même temps en Allemagne par Monfieur Leibnits, & en Angleterre par Monfieur Nevvton; l'un & l'autre on trouvé des expreffions, & un calcul propre à ces premiers élemens des grandeurs d'une petiteffe infinie par raport aux grandeurs entieres dont ils font les premiers élemens; & l'on a pû par le moyen de ces expreffions & de ce nouveau calcul, leur appliquer les methodes de l'Analyse, & remonter de ces élemens infiniment petits aux grandeurs entieres dont ils font les élemens. Ces nouveaux calculs s'appellent le calcul differentiel & le calcul integral.

Monfieur Leibnits n'eut pas plûtôt rendu publiques fes nouvelles découvertes, dont il cacha pourtant une partie exprès, comme il le dit lui-même, pour

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laiffer aux autres le plaifir de les trouver que Messieurs Bernoulli, qui en virent toute l'utilité, s'y appliquerent avec tant de fuccès, qu'ils les pénétrerent, fe les rendirent propres, y ajouterent de nouvelles methodes, & en firent ufage dans la refolution d'une grande quantité de nouveaux Problêmes.

Monfieur le Marquis de l'Hofpital donna l'excellent Ouvrage de l'Analyse des infiniment petits, où le calcul differentiel, & les principaux ufages de ce calcul pour toutes les courbes, font expliquez: & il fit voir qu'il avoit pénétré dans tout ce que le calcul integral pouvoit avoir de plus caché, par les réfolutions complettes qu'il trouva des plus difficiles Problêmes, qui furent proposez par ceux qui s'en étoient rendu les maîtres. Monfieur Varignon doit bientôt donner une fcience generale du Mouve. ment toute nouvelle, qui eft le fruit des profondes découvertes qu'il a faites dans ces nouvelles methodes, & dans la Geometrie compofée. On doit juger du prix de l'ouvrage par les beaux morceaux qui paroiffent tous les ans. Ce font des pieces achevées, remplies de nouvelles découvertes qui font bien defirer l'ouvrage entier dont elles ne doivent faire que quelques parties. Monfieur Carré employa le principe le plus general du calcul integral à la mefure des furfaces, des folides, des distances des centres de pefanteur & d'ofcillation. Monfieur Nevvton fit paroître de fon côté le fçavant Ouvrage. des Principes Mathematiques de la Philofophie naturelle, qui eft tout fondé fur ces nouvelles methodes qu'il avoit inventées, mais dont il n'a laiffé voir que

quelques veftiges, pour donner lieu à ceux qui voudroient entrer dans l'invention même des veritez qu'il y découvre, de fe rendre propres les methodes qui en font la clef. Enfin depuis l'invention de ces nouveaux calculs, on a non-feulement résolu d'une maniere courte & generale les Problêmes les plus difficiles, qui avoient été trouvez par les methodes de Monfieur Descartes appliquées au calcul ordinaire de l'Algebre; mais on a vû les Actes de Lipfic, les Journaux des Sçavans & les Memoires de l'Academie Royale des Sciences remplis de résolutions de Problêmes, que l'on n'auroit ofé tenter auparavant. Elles étoient tirées comme du fond de la natute & des premiers & plus intimes principes du mouvement, de la courbure même des courbes & des petits angles que forment entr'elles les tangentes de leurs points qui fe touchent, que l'on peut bien concevoir, mais que l'on ne fçauroit comparer avec les angles déterminez que nous mefurons; & l'on s'eft ouvert par le moyen de ces nouveaux calculs une voye qui conduit à une nouvelle Geometrie des courbes mechaniques & parcourantes, qui eft auffi utile que celle que l'on avoit déja.

Les refolutions d'un fi grand nombre de Problêmes nouveaux, que nous ont donné les illuftres Inventeurs des calculs differentiel & integral, & ceux qui après eux fe les font rendu propres par leur travail, font les fruits que l'Analyfe a recueillis de ces calculs; mais ils ne font que pour un petit nombre de Sçavans; c'eft le prix de la peine qu'il faut prendre pour inventer foi-même quelques

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