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ni ne fauroit payer, le Roi avoit foin de pourvoir à leur fubfiftance, & faifoit une penfion plus considérable au chef de cet augufte Sénat. Ce chef portoit à fon cou un collier d'or, d'où pendoit fur fa poitrine une petite figure ornée de pierres précieufes, qui étoit fans ieux & qui représentoit la Vérité. Les Juges n'alloient point aux voix, qu'il n'eût pris cette figure en main. On ouvroit devant eux les huit volumes qui contenoient les Loix, & alors l'accufateur préfentoit un écrit, dans lequel étoit expofée la nature du crime qu'il dénonçoit, ou la qualité de l'injure qu'il prétendoit avoir reçue. L'accufé ayant lu cet écrit, répondoit qu'il n'avoit pas fait la chofe, ou que l'ayant faite, il n'avoit pas commis une injustice, ou qu'enfin, s'il en avoit commis une, ne méritoit pas la punition que l'accufateur demandoit. L'accufateur foutenoit par une réplique ce qu'il avoit avancé, & l'accufé donnoit encore fa défense. Quand toutes les pièces d'écriture avoient été remifes aux trente Juges, il falloit

elle

qu'ils fe communiquaffent leurs avis ; & après qu'ils avoient été aux opinions, le Chef de la Justice touchoit, avec la figure de la Vérité, celle des deux parties qui avoit gagné fa caufe. On ne prenoit, au refte, que le tems néceffaire pour l'inftruction du procès, dans lequel tout fe traitoit ainfi par écrit, de peur que l'éloquence des Avocats n'en imposât aux Juges, ou qu'au lieu de fimplifier l'affaire & de l'éclaircir, elle ne la rendît plus obfcure & plus compliquée.

Quelque court que fût l'intervalle accordé aux parties pour leur défense réciproque, il eft difficile de comprendre comment un feul tribunal pouvoit suffire au jugement de toutes les affaires civiles & criminelles qui furvenoient dans tout le Royaume; & Diodore, qui nous fournit les détails où nous venons d'entrer, ne nous dit rien qui puiffè nous aider à réfoudre une pareille difficulté. Si ce n'étoit qu'en dernière instance, & dans les affaires les plus importantes, que l'on appeloit à ce tribunal, comme il paroîtroit affez naturel de le fuppofer, l'Hif

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torien n'auroit pas dû nous le laiffer ignorer. Quoi qu'il en foit, nous devons lui favoir gré de nous avoir confervé une partie des Loix qui formoient le code criminel & le code civil des Egyptiens. Ils puniffoient de mort, premièrement le parjure, parce que c'eft tout à la fois un crime contre la Divinité qu'il outrage, & contre la fociété dont il détruit un des plus folides fondemens; fecondement, Pindifférence ou la lâcheté de celui qui rencontrant un homme que l'on vouloit tuer, ou auquel on faifoit quelque autre espèce de violence, ne l'avoit pas défendu, s'il le pouvoit: Loi fublime, dont la rigueur falutaire mettoit chaque citoyen fous la fauve-garde de tous les autres! Dans le cas où un pareil témoin n'auroit pu fecourir celui qui étoit attaqué, il devoit dénoncer ceux qui l'avoient affailli, felon les indices qu'il en avoit, & les pourfuivre en fon propre nom; ou bien il effuyoit un certain nombre de coups de fouet marqués par la Loi & on le contraignoit de paffer trois jours fans manger. Troisièmement, on étoit

puni de mort pour avoir tué volontairement une perfonne libre ou efclave, la Loi ne fouffrant point de diftinction, lorfqu'il étoit question de la vie d'un homme. Quatrièmement, il étoit ordonné à tous les habitans, par une Loi très-fage qu'adopta Solon & qu'il établit à Athènes, de déclarer leur nom; leur profession, & leurs revenus à ceux qui tenoient les regiftres des villes; & l'on condamnoit à la mort celui qui faifoit une fauffe déclaration, ou qui exerçoit un métier illicite; les Egyptiens ne voulant permettre, ni qu'on fût un citoyen inutile, ni qu'en fe livrant à un commerce infame & à des occupations criminelles, on fût un citoyen dangereux. Cinquièmement, on avoit inventé un fupplice extraordinaire & une mort cruelle pour les enfans affezdénaturés pour ôter le jour à ceux de qui ils l'avoient reçu : à l'égard des parens qui avoient tué leurs enfans, la Loi moins févère en apparence, mais non moins rigoureufe en effet, les condamnoit à tenir leur cadavre embraffé trois jours & trois nuits de fuite, au milieu de la garde publique qui les

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environnoit. Sixièmement, les accufateurs convaincus de calomnie fubiffoient la peine attachée au crime qu'ils avoient fauffement dénoncé. Septièmement, on mutiloit l'homme indigne qui avoit fait violence à une femme libre: car ce crime, felon la pensée de l'Hiftorien, renferme trois crimes dans un feul: il eft le plus grand outrage que l'on puiffe faire; il ouvre la porte à la corruption, ou plutôt il est déjà par lui-même un des plus grands. excès auxquels la corruption des mœurs puiffe fe porter; il jette de l'incertitude fur la naiffance des enfans, & met la confufion & le défordre dans le fein des familles. Mais fi l'adultère s'étoit commis de plein gré de part & d'autre, on donnoit mille coups de verges à l'homme, & l'on coupoit le nez à la femme, détruifant ainfi en elle la beauté dont elle avoit abufé pour le crime. Huitièmement, les Égyptiens étoient pleins d'horreur pour tout ce qui violoit la fûreté & la confiance publique. On coupoit la langue à ceux qui découvroient aux ennemis quelques fecrets de l'Etat, & les deux maius

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